Beaucoup d’élèves nous le demandent : Groupe Réussite vous propose une dissertation type pour les concours en maths spé. Cette dissertation sur le thème et le cours de français en prépa scientifique de cette année « Servitude et soumission » peut également servir aux maths sup qui peuvent s’imprégner de la méthodologie de la dissertation. Cette dissertation de français sur le cours de la servitude et soumission est volontairement non rédigée afin d’aider les élèves à entrevoir les codifications de la dissertation : l’analyse de sujet, la problématique, le plan détaillé. Ainsi, une analyse de sujet est proposée, une problématique possible émerge et un plan possible est proposé et rédigé en partie. Le programme de français en prépa scientifique changera pour l’année scolaire 2017-2018 mais les exercices demandés aux concours et les codifications restent les mêmes. Il est important pour les élèves d’acquérir le plus vite possible la méthodologie de la dissertation en français en prépa maths sup et maths spé.
Existe-t-il une servitude volontaire ?
Analyse du sujet
Exister : se manifester dans le réel, avoir une position effective, s’inscrire dans la réalité, y appartenir et y participer.
Derrière la question de l’existence ici, c’est la condition de possibilité d’existence qui est en jeu.
Ainsi d’abord : la servitude volontaire est-elle possible ? Mais aussi ensuite : même si on considère qu’elle existe, devrait-elle être possible ?
Une servitude volontaire : ici, unicité de la servitude volontaire, mais dans le sens d’une généralité.
Peut-on découvrir, dans le réel, une existence qui serait une servitude volontaire, ou plutôt, une attitude ? Car c’est la question de l’attitude qui est en jeu ici.
Mais on peut aussi questionner l’unicité même, et se demander s’il n’y a pas plusieurs servitudes volontaires, ou au moins plusieurs formes ou manifestations d’existence de la servitude volontaire.
*Sujet : « y-a t-il un / une … » :
– y’en a t-il plusieurs ?
– n’y en a t-il pas aucune ?
Le problème ici : l’expression même de servitude volontaire, qui contient un énorme paradoxe.
Voir les termes du thème « servitude et soumission » : on semblait distinguer les deux du fait que la servitude serait plutôt un état (objectif) imposé de l’extérieur, supposant une certaine neutralité du sujet dont on ne juge pas l’attitude mais la situation. Contrairement à la soumission qui suppose une reconnaissance et une acceptation subjective d’une autorité et d’un rapport d’asservissement à cette autorité.
C’est donc l’adjectif « volontaire » qui fait émerger le problème : la volonté suppose la pleine lucidité, l’exercice achevé de la rationalité. Vouloir quelque chose, c’est avoir une intention vis-à-vis de cette chose, et la considérer dans un but. La volonté engage donc l’activité rationnelle du sujet mais aussi son action, celui-ci se mettant en mouvement pour obtenir quelque chose, identifié comme bon ou bénéfique.
Là émerge le problème : le sujet peut-il vouloir autre chose que le bon ou le bénéfique ? Car nous partons du postulat qu’il faut accorder une positivité à la liberté, et au contraire considérer la servitude comme un mal absolu pour tout individu. Dès lors, le sujet peut-il désirer le fait d’être asservi, et donc, d’être dépossédé de sa liberté ? Il y a quelque chose d’absurde et de gênant qui se dégage ici.
On aurait envie de penser que « la servitude volontaire » n’a donc pas lieu d’être ; elle serait rationnellement impossible, et donc, a posteriori, inexistante (partant sur l’association entre possibilité et existence). Car il s’agirait d’une contradiction dans les termes.
A moins de comprendre qu’il soit nécessaire d’associer justement le syntagme « servitude volontaire » au substantif « soumission » : l’expression de servitude volontaire ne serait-elle pas synonymique de l’idée de soumission ?
Mais le problème reste le même :
Comment le sujet humain peut-il rationnellement, à travers le mouvement de sa volonté, viser un état qui conduirait à l’annihilation de sa qualité même de sujet par l’autonégation de sa propre liberté ?
Plan Possible
I-La servitude volontaire s’inscrit dans le réel à titre d’une tendance de l’individu à reconnaître et accepter la servitude.
a)Le paradoxe tragique de la condition humaine
Il semble que le destin de l’homme pour la liberté soit en soi reconnu : l’homme serait un être pour la liberté, qui ne serait naturellement pas destiné à l’asservissement, cet état rentrant en contradiction avec la définition de son humanité même.
Et pourtant : Rousseau débute ainsi le Contrat Social par une formule qui rappelle l’amère constat de La Boétie : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers ». Il y aurait donc déjà une distinction entre le fait et le droit : de droit, l’homme est libre, mais de fait, il est asservi. Le Discours de la servitude volontaire débute par ce même constat du paradoxe tragique de la condition des hommes, état de fait qui le révolte, mais qu’il finit par expliquer. Comment ? Par le phénomène même de la servitude volontaire. Il serait nécessaire de penser cette contradiction, puisqu’elle se manifeste dans les faits, dans la réalité : l’homme, naturellement libre, est cependant capable de vouloir, c’est-à-dire d’accepter et de reconnaître un état de servitude s’imposant à lui. Il y aurait donc une tendance fondamentale qui le conduirait à la soumission.
b) les mécanismes de la servitude volontaire
Si l’on se demande si la servitude volontaire existe, et si l’on constate que c’est le cas, alors il faut s’interroger sur les conditions de possibilité de cette servitude volontaire, c’est-à-dire sur ses ressorts, ses mécanismes, bref, ce qui l’explique et la justifie.
C’est toute l’entreprise du Discours de la servitude volontaire, qui vient dévoiler les ressorts psychologiques des individus conduisant à cet état doublement déplorable (étant donné qu’il est en plus voulu) : La Boétie rappelle ainsi le rôle de l’habitude, qui conduit à oublier certains principes et à en intérioriser de nouveaux, par la force du temps, qui ne sont pourtant plus en accord avec la nature humaine. Il insiste également sur le rôle de l’imagination, c’est-à-dire sur la manière dont les représentations des hommes sont sujettes à l’illusion, notamment quant au pouvoir et aux qualités fictives que posséderait le tyran : cela démontre le poids de l’idéologie, qui conduit à une action décalée et illégitime (ici, reconnaître la servitude). Enfin, le rôle de la corruption, qui vient entacher tout possibilité de lucidité et de mouvement réflexif de l’individu.
Ainsi, la servitude volontaire du peuple semble pouvoir s’expliquer, après le constat même de son existence : la volonté de la servitude est motivée par de fausses représentations, par l’oubli, par l’erreur.
c)La servitude volontaire peut faire l’objet d’un choix, motivé par d’autres finalités
En ce sens, l’homme serait encore assez libre pour être en mesure de choisir lui-même une autorité à laquelle il accepte d’obéir, et à laquelle il va jusqu’à s’asservir. On peut penser que la servitude volontaire est possible, dans la mesure où elle peut constituer un moyen en vue d’une autre fin.
Ainsi, un sujet peut par exemple déléguer sa liberté à un autre pour avoir le confort de la non responsabilité : cela rejoindrait le besoin d’avoir un maître, de reconnaître une autorité qui nous dispense de faire certains choix et de s’exposer intimement (sa conscience morale par exemple). On peut donc avoir recours à l’argument de la paresse dans la servitude volontaire.
A celui de la peur ou de la crainte également : un individu peut accepter la servitude volontaire de par la crainte de plus grands maux. Pensons à ce qui se passe dans une Maison de Poupée : Nora accepte la soumission à son mari, elle préfère perdre de son autonomie plutôt que de perdre tout ce qu’elle a autrement (son foyer, son confort etc). Elle choisit la servitude (donc c’est une servitude volontaire, puisqu’elle est consciente de ce choix), pour ne pas affronter la colère et la punition que son mari pourrait lui infliger (la perte de cette vie bien confortable justement).
Dans les Lettres Persanes, et avec le sérail, s’impose la dialectique de la servitude volontaire ou de la mort : les épouses d’Usbek choisissent ainsi de rester en vie, mais d’être soumises au maître (si elles refusaient en fautant par exemple, elles seraient punies de mort). Seule Roxane sera dans ce refus, et choisira la mort via le suicide.
II- Mais si un phénomène d’intériorisation de l’asservissement est possible, jusqu’où peut-il être rationnellement motivé ?
a) La servitude volontaire ne suppose-t-elle pas toujours la contrainte, et en ce sens non pas un véritable choix ?
C’est la question du choix qui nous intéresse ici, puisqu’il est question de la volonté de la servitude.
Revenons sur l’analyse de la volonté elle-même et sur ses motifs : l’homme peut-il réellement choisir quelque chose qui le contraint, lui nuit, bref quelque chose qui est une source de mal pour lui ? Ne peut-on pas penser qu’à la limite, s’il le fait, il serait plutôt dans l’erreur ou l’illusion, et que donc en ce sens, il ne serait pas pleinement autonome dans le choix de la servitude ?
Ce qui vient soutenir cette erreur ou illusion, c’est le système extérieur qui lui est imposé et le limite donc dans ses possibilités de l’actualisation de sa lucidité.
Le Discours : le système tyrannique s’impose d’abord par la force aux membres des individus, ou bien par la ruse : il est donc le résultat de la tromperie ou de la force. Quelle liberté est donc laissée aux membres de la société ? Si ceux-ci finissent par s’accoutumer ou à accepter la servitude, c’est qu’un système de représentations faux leur est inculqué, et qu’ils ne sont plus en mesure de prendre la distance nécessaire pour faire usage de leur entendement de manière éclairée.
Une Maison de poupée : Nora, en devenant l’épouse d’Helmer, a été directement plongée dans un monde qui lui a imposé une forme de servitude. Son mariage a été la source d’une contrainte morale et intellectuelle, qui a fini par l’infantiliser et ne plus la rendre maîtresse de ses propres choix de vie.
b) Le conditionnement psychologique de la servitude prive de toute liberté et de tout vouloir
Il faut aller peut-être plus loin que La Boétie lui-même : certes celui-ci insiste sur les rouages psychologiques qui viennent justifier le phénomène de la servitude volontaire en société. Mais il semble reprocher au peuple son acceptation et sa reconnaissance de la servitude dans le long terme.
Il appelle ainsi à la non-reconnaissance, et à la prise de conscience. Mais d’où cette reconnaissance et cette prise de conscience peuvent-elles émerger dans ces conditions ? Comment peut-on exiger d’un individu une libération intérieure quand un système extérieur a fini par le dénaturer et lui dénier toute possibilité de prendre le recul nécessaire avec lui-même pour pouvoir contester un quelconque état de fait ? N’oublions pas le propre de l’illusion, qui est une erreur qui persiste.
Le conditionnement psychologique de la servitude ne permet donc plus l’exercice de la volonté : en ce sens, si la servitude est suivie, elle n’est cependant pas rationnellement voulue.
On pourrait penser donc que si la révolte est impossible, c’est à cause d’un processus d’intériorisation tellement profond, qui démontre justement que la servitude ne peut être volontaire, mais qu’elle est en quelque sorte toujours subie. A partir du moment où un individu n’est plus responsable, il n’est donc plus dans le vouloir.
« Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ». Rousseau, Contrat Social
c)L’idée de servitude volontaire est plutôt du côté de l’asservissement passionnel que du choix délibéré et conscient
S’il y a servitude volontaire de la part d’un individu, c’est donc que cet individu ne suit pas des motifs rationnels, et qu’il est plutôt dans une logique passionnelle qui peut se révéler asservissante.
Nous évoquions les motifs qui pourraient venir soutenir la servitude volontaire, comme ceux se rapportant à la crainte, à la peur. On ne peut pas dire que Nora choisit rationnellement de se soumettre, par calcul d’un mal pour un bien (être soumise, mais rester dans l’ordre et le confort familial) : c’est essentiellement la peur qui la pousse à la soumission. En ce sens, c’est la passion qui a le pouvoir d’asservir le sujet.
On pourrait penser au rôle de la paresse, concernant également les femmes du sérail ou le peuple décrit par La Boétie : ce sont des mobiles passionnels, bien plus que des motifs rationnels, qui conduisent à la « servitude volontaire ». On ne peut donc plus parler de servitude volontaire, mais de servitude tout court.
III-Derrière la pseudo-servitude volontaire, la servitude tout cours : la nécessité de rompre le cercle vicieux de l’asservissement.
a) Il faut découvrir l’illusion de la servitude volontaire
Il faut en revenir au constat que tout homme est naturellement libre, comme le font La Boétie, Montesquieu ou Ibsen. Il faut rompre le cercle vicieux qui vient soutenir l’illusion de la soumission.
Il est nécessaire de rappeler le souffle essentiel qui porte l’homme à la liberté, et se rendre compte que lorsque cet élan ne souffle plus, c’est qu’il n’a plus les moyens de possibilité et donc d’existence de se manifester. Le défi est donc celui de rompre avec les idéologies qui viennent soutenir de telles idées : Dans une maison de poupée, Isben fait en sorte que Nora, à la fin de la pièce, comprenne réellement l’état dans lequel elle était maintenue, et soit en mesure de le contester et de le refuser définitivement. Elle renoue avec la pensée que tout individu doit d’abord vivre pour soi, doit prendre soin de son destin et de sa liberté. L’illusion est levée, la révolte, possible. Et on ne peut donc pas dire qu’elle était purement responsable de cette soumission sur le long terme : car cette soumission n’était pas réellement voulue, désirée, pensée. Nora est simplement parvenue à prendre de la distance avec les mobiles et les fausses représentations qui ont pu la paralyser.
b) La responsabilité des puissants
Si on pouvait penser que la servitude volontaire existe dans un premier temps, elle est le fruit d’une dénaturation de l’individu qui n’est plus en mesure de vouloir sa propre liberté : or la responsabilité de cet état de fait échoue à ceux qui ont profité de la faiblesse et de l’aveuglement des dominés. Cet appel à la responsabilité de ceux qui profitent de cette illusion est présent dans les œuvres. Dans le discours, La Boétie en appelle à l’élite éclairée qui pourrait servir d’intermédiaire, et qui pourrait sensibiliser progressivement le peuple à la nécessité du refus du maintien de la servitude qu’il a intériorisée. Car ce groupe d’individus qui ont encore la possibilité de faire un usage éclairé de leur raison est le seul à pouvoir faire usage de sa volonté.
De même dans les Lettres Persanes, la figure d’Usbek est importante ici : en tant qu’individu lucide, éclairé et cultivé, il a une responsabilité à défaire la servitude, notamment au sein de son propre sérail. Ce qu’il ne fera malheureusement pas, ne mettant pas en œuvre ses principes lorsque son confort est lui-même menacé.
On peut penser à Pascal, qui dans le Discours sur la condition des Grands, appelle les hommes forts du monde à se rappeler qu’ils n’ont rien naturellement au-dessus du peuple, et les appelle à l’humilité. Pascal insiste sur l’égalité naturelle de tous les hommes, et demande aux « Grands » de ne pas user de leur pouvoir conventionnel pour réduire en esclavage autrui ; plus, à ne pas en abuser pour ne pas que le peuple intériorise une pseudo-inégalité qui n’a rien de naturelle.
c) La nécessité de la libéralisation
Pour abolir l’illusion de la servitude volontaire, on se rend compte qu’il faut avant tout combattre le phénomène de la servitude lui-même. Si la servitude volontaire ne peut exister, c’est que la servitude tout court ne doit pas exister. L’émancipation est la condition même de la rupture du cercle vicieux de la soumission : et les trois œuvres au programme se font le chantre de cette nécessité.
Une maison de poupée : l’idéologie de la domination masculine ne devrait pas exister, afin de ne pas entraîner l’intériorisation par les femmes de leur pseudo-infériorité.
Le Discours : le régime tyrannique est illégitime et ne devrait pas exister, il est le résultat d’une dérive du pouvoir resté aux mains d’un seul. Si le tyran n’était pas en place, le peuple ne serait pas plongé dans le cercle vicieux de la soumission.
Les Lettres Persanes : ce roman épistolaire est un appel constant à la libéralisation de l’individu, et ce à tous les niveaux (domaine politique, religieux, moral, conjugal etc). Montesquieu semble insister sur le rôle de l’éducation pour pouvoir briser ce cercle vicieux : un esprit éduqué et éclairé serait de fait à même de faire de véritables choix, de manière rationnelle et voulue, et donc d’éviter de tomber dans un pseudo « servitude volontaire ».
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