L’enjeu de la diversité sociale dans l’enseignement supérieur
La question de la diversité sociale dans l’enseignement supérieur français est un enjeu de société essentiel. Elle est par conséquent, régulièrement au centre de débats et de réformes visant à aboutir à une égalité des chances, aux résultats contrastés. La France est un des rares pays au monde où l’accès à l’enseignement supérieur est gratuit ou quasiment gratuit, même pour les meilleures universités. Cela devrait grandement contribuer à une meilleure représentativité des étudiants, aux profils sociaux divers. Mais dans les faits, force est de constater que des inégalités sociales persistent au sein de l’enseignement supérieur français : tout le monde n’a pas les mêmes chances de réussir à la Fac, ni de réussir en prépa.
Elles prolongent les inégalités préexistantes avant même les résultats du Bac. Avec la réforme du nouveau Bac, on a pu constater de grandes disparités de choix de spécialités de Première selon les milieux sociaux. Les élèves issus des milieux favorisés vont avoir tendance à choisir des matières scientifiques. Ils auront ainsi plus de chance d’intégrer les meilleures prépas scientifiques ou même les meilleures prépas HEC. Cela entraîne d’entrée de jeu des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur.
D’où la remise à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Vidal, d’un rapport du Comité stratégique « Diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur ». Ce comité réunit divers acteurs du supérieur : représentants des classes préparatoires, des grandes écoles de commerce, des grandes écoles d’ingénieurs, des universités, ou encore des syndicats étudiants. Le tout sous la direction de M.Martin Hirsch. Ce rapport propose plusieurs recommandations pour une meilleure diversité sociale dans l’enseignement supérieur.
Diversité sociale dans le supérieur : état des lieux
Commençons tout d’abord par voir un peu ce qu’il en est de la situation actuelle de la diversité sociale dans l’enseignement supérieur français. Il convient d’abord de rappeler que discuter de la “diversité sociale” est complexe : parle-t-on en termes boursiers, de la profession ou des études des parents ? La bourse reste ici la principale donnée de mesure de l’origine sociale. On pourrait également y inclure le fait de venir de ZEP etc.
Pour l’année scolaire 2019-2020, on recense 718 000 étudiants du supérieur ayant bénéficié d’une bourse : cela correspond à 36,8 % d’entre eux. Mais cela cache de grandes disparités entre les filières. Ainsi, le plus haut taux d’élèves boursiers se retrouve chez les STS (les Sections de Technicien Supérieur), avec un taux atteignant les 54 %. L’Université reste également relativement diverse socialement, avec 40 % de boursiers. Ce taux est plus faible parmi les effectifs des CPGE : 28 %, ce qui se retrouve logiquement au sein des grandes écoles, qui comptent quant à elles 27 % de boursiers.
La situation est plus critique lorsqu’on regarde dans le détail les taux de réussite dans l’enseignement supérieur. On y constate une plus faible réussite des étudiants boursiers. Leur taux baisse à l’université en master : atteignant seulement 31 %. Cela signifie donc que réussir sa première année de Fac est encore plus dur pour les boursiers. La situation est tout aussi critique lorsqu’on s’intéresse aux écoles les plus prestigieuses. D’après le rapport du comité, seuls 15 % de ceux qui intègrent HEC sont des boursiers. Même chose pour l’X ou l’ENS, avec respectivement 19 et 11 % de boursiers. On constate donc qu’il est plus difficile pour les boursiers de réussir les concours.
Comment améliorer la diversité sociale dans le supérieur ?
Face à ce triste constat, les pouvoirs publics se demandent donc comment faire en sorte que les élèves les plus modestes aient une chance égale d’intégrer une grande école de commerce ou d’ingénieurs, ou de réussir à l’Université. Il s’agit d’une question complexe, sujette à des divergences de point de vue. En effet, favoriser des élèves en fonction de leur origine sociale en lèse forcément d’autres. Cela est dû au caractère correctif de ces mesures, qui compensent des désavantages dus à l’origine sociale. Un élève de milieu modeste aura plus de mal à se loger à Paris, n’aura pas forcément les moyens de prendre des cours particuliers, certains étudiants doivent travailler en dehors des études, en donnant cours par exemple, etc. Mais certaines mesures, proposées par le Comité stratégique évoqué précédemment peuvent faire débat.
Une solution, par exemple, consiste à accorder un bonus aux élèves boursiers pour les prépas. Les boursiers obtiennent des points bonus pour les concours BCE ou les concours Scientifiques, comme le concours X-ENS. Mais cela revient alors à défavoriser les élèves non boursiers, ce qui peut poser problème en termes de méritocratie, grand principe fondateur à l’origine des classes préparatoires à la française. En outre, cela conduit à de graves effets de seuil. Des étudiants dont les parents gagnent juste au-dessus des seuils retenus pour les bourses seraient grandement lésés.
D’où le fait que le Comité ne souhaite pas s’en tenir uniquement à cette mesure : il faut également, dans le cas des grandes écoles, diversifier les voies d’entrée dans le supérieur. Il est déjà possible, par exemple, d’intégrer HEC sans prépa. Cela est permis par le système des Admissions Parallèles, grâce auquel les meilleurs élèves de la Fac peuvent rejoindre des grandes écoles. Généraliser un système de voies diversifiées passe par une reconnaissance de la diversité des parcours, permettant une meilleure mixité sociale dans les grandes écoles. C’est déjà le cas pour intégrer Sciences Po par exemple, avec le système de Conventions Éducation Prioritaire. Un souhait du Comité est également de favoriser l’accès aux universités et grandes écoles pour les meilleurs bacheliers professionnels.
Accompagner les étudiants une fois dans le Supérieur
Toutefois, améliorer la diversité sociale dans le supérieur ne passe pas que par la réforme de son accès. On l’a vu précédemment : il est plus difficile pour les étudiants d’origine modeste d’y réussir. Il faut donc améliorer leur accompagnement. D’où l’accent mis par le rapport du Comité sur la généralisation du tutorat et du mentorat. Le tutorat repose très souvent sur des initiatives privées, provenant d’acteurs issus de la société civile. Les associations œuvrant pour les élèves de ZEP sont d’ailleurs très courantes et actives dans les Grandes Écoles.
On peut citer Fleur de Bitume qui opère à HEC Paris ainsi qu’à l’ESCP. Ou encore le réseau PQPM (Une grande école Pourquoi Pas Moi) présent notamment à l’Essec. Le tutorat et le mentorat permettent non seulement une aide scolaire mais aussi un apport de connaissances et d’expertise utiles à de jeunes aspirants étudiants. Le Comité stratégique estime donc qu’il serait utile de mieux les généraliser, les encadrer, les institutionnaliser sans pour autant les uniformiser (les évaluer par exemple, et délivrer des certifications).
La question du financement des études reste également clé pour une meilleure diversité sociale dans le supérieur. On sait, de manière assez bourdieusienne, que le “capital culturel” importe beaucoup. En veut pour preuve, la surreprésentation massive des enfants d’enseignants dans les grandes écoles. Et pour rappel : 86 % des enfants d’enseignants et de cadres détiennent un baccalauréat général ou technologique contre seulement un tiers des enfants d’ouvriers non qualifiés et moins d’un enfant d’inactifs sur quatre. Toutefois, le capital économique joue également. D’où l’importance d’un meilleur accompagnement du financement des études pour les étudiants issus de milieux plus modestes. Cela peut passer par une généralisation de l’alternance ou par une augmentation du nombre de prêts à taux zéro garantis par l’État notamment.
Les études doivent en effet, être perçues comme un investissement pour l’avenir : elles augmentent l’espérance de revenu, de 15 % avec une licence, de 35 à 45 % avec un master !
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