Après une prépa littéraire, faire l’Ecole normale supérieure ou SciencesPo ?
Fort heureusement aujourd’hui, après une prépa lettres khâgne-hypokhâgne, on n’en n’est plus à devoir s’en tenir à cette triste formule : « l’ENS ou rien ». Beaucoup de khâgneux suivent désormais de beaux parcours universitaires, rejoignent des filières sélectives au sein d’établissements très variés, en France ou à l’étranger, sont admis dans des écoles de commerce après prépa littéraire, entre autres. Pour une grande majorité néanmoins, et pour ceux qui réalisent une troisième année de prépa en particulier (une « khûbe » ou « cube »), l’Ecole normale et/ou SciencesPo Paris restent les objectifs principaux. Ce sont ces deux écoles (l’ENS ou IEP Paris) qui s’inscrivent le plus dans la lignée des enseignements déjà reçus en cours de classe prépa et qui permettent de nourrir et d’enrichir les rêves nés au moment des premiers pas dans l’enseignement supérieur. Alors, après une prépa littéraire, SciencesPo ou l’ENS ; ou…les deux ?
Il est parfaitement possible de préparer l’ENS et Sciences Po, en année de cube
Souvent, les étudiants sont mis en garde : on leur demande de ne pas « courir plusieurs lièvres à la fois » et de s’en tenir à un seul objectif, qui est généralement de rentrer à l’ENS. Ce conseil n’est pas à écarter d’un revers de main ; à chacun de connaître ses capacités, de redéfinir ses envies et ses buts. Mais, quoi qu’il en soit, il faut avoir à l’esprit que préparer le concours de SciencesPo pour une admission en master en même temps que l’on prépare l’ENS ne demande pas un effort supplémentaire démesuré. Le concours écrit de note de synthèse ayant été supprimé, il s’agit désormais de monter un dossier dans lequel on doit s’efforcer de proposer un projet clair, précis, et en cohérence avec le parcours que l’on a suivi.
Y passer un peu de temps pendant les différentes vacances jusqu’à la date butoir, voilà en quoi peut se limiter cette préparation ; rien de plus. Pour l’examen oral, il faut tout simplement suivre l’actualité avec grande rigueur et renforcer son discours sur le projet que l’on défend. En définitive, quelques heures de travail en plus pendant la troisième année de prépa (travail qui consiste d’ailleurs essentiellement à se sonder soi-même, à mettre en avant ses qualités et à mûrir un projet professionnel) peuvent permettre de s’ouvrir les portes d’une école formidable. L’ENS doit rester une priorité, parce que son concours d’entrée est autrement plus sélectif et le programme reste lourd.
L’ENS et SciencesPo : 2 écoles, 2 états d’esprit, 2 atmosphères différentes
A l’ENS : la liberté
On dit souvent de Normale Sup qu’elle propose une scolarité « à la carte ». C’est une réalité qui détermine considérablement « l’esprit de la maison ». Grâce à un parcours très individualisé, toujours bien guidé par un « tuteur » – un professeur titulaire qui donne cours dans le département auquel on est rattaché – on jouit d’une grande liberté entre les murs de la rue d’Ulm. A l’ENS, on demande aux élèves de privilégier l’interdisciplinarité, de s’ouvrir à des univers qu’ils ne connaissent pas (suivre des cours dans un autre département que le sien compte même pour un tiers du diplôme). On leur demande, en quelque sorte, de se sentir libres et de faire leur choix sans pression ni idée préconçue.
Ainsi, on suivra son cours de littérature et on prendra, pour s’ouvrir à autre chose qu’on ne connaît pas, un cours sur l’opéra, un cours de droit (mais pas de cours de maths 😉 !) ; on suivra un séminaire mensuel ou un séminaire d’élèves. Et, de fait, comme les parcours sont individualisés, à l’ENS, les individus comptent beaucoup ; rien d’étonnant, puisqu’il s’agit d’une école qui recrute peu de monde. Avec environ une centaine d’étudiants par promotion (toutes modalités de recrutement confondues), personne ne fait jamais strictement la même chose. Chacun construit sa spécificité, son propre parcours formant, ce qui le distingue et le rend unique. Mais, par voie de conséquence, c’est ce qui prive aussi de tout réel esprit de promotion : les parcours sont tellement variés que le rythme est également différent pour chacun.
Quand l’un décidera de partir en césure dès sa deuxième année, l’autre aura fait un choix différent ; difficile, dans ces conditions, de créer du lien. Le volume horaire des enseignements est par ailleurs assez limité, puisque l’école ne demande la validation que de 72 crédits ECTS sur trois ou quatre ans pour le diplôme (en plus du Master 2 que l’on doit de toute façon valider dans une université partenaire) : rares sont ceux qui se chargent de nombreux cours à suivre. A l’ENS, on préfère donner du temps à des « projets personnels » : pièces de théâtre, concerts, films, conférences, écriture.
A Sciences Po : un cadre
A SciencesPo, à l’inverse, quand on présente sa candidature à un programme de Master, on s’engage à s’y plonger pleinement. L’organisation des cours est toute différente. Généralement, le programme est lourd. Beaucoup de cours, beaucoup d’examens de fin de semestre et un travail soutenu, si bien qu’on ne voit plus le temps passer. Tout est plus conventionnel, plus cohérent aussi – à première vue du moins –, dès lors que le parcours est pensé pour remplir un objectif précis : fournir à des étudiants un diplôme solide qui leur permette d’arriver bien armés sur le marché du travail (via un recrutement immédiat ou via la préparation de concours).
Ainsi, les contraintes sont importantes : l’assiduité est plus que contrôlée, les travaux parfois un peu infantilisants sont monnaie courante (exposés et autres fiches de lecture). L’établissement fonctionne donc bien plus comme une université classique. A SciencesPo, on voit beaucoup plus de monde qu’à l’ENS. On peut être plus de 200 ou 300 par Master. Et il ne sera jamais vraiment possible de connaître tous ses camarades. Mais, de facto, on rencontre plus de monde et les personnalités sont variées. Surtout, grâce aux efforts faits par SciencesPo pour s’ouvrir à l’international, une grande partie des étudiants viennent de l’étranger, et notamment d’Europe. Même si l’ENS fait aussi des efforts en ce sens, c’est pour l’instant sans commune mesure avec les murs de la rue Saint Guillaume où l’on entend toutes les langues (souvent l’anglais), où les gens se parlent pour apprendre à se connaître et apprendre en même temps à connaître une nouvelle culture, s’ouvrir à de nouveaux horizons.
L’esprit de camaraderie qui en résulte fait la part belle aux valeurs d’échange, d’effacement des frontières, dans un environnement politique souvent progressiste et très largement pro-européen. Pour ceux qui aiment l’esprit de groupe, de promotion, SciencesPo est le lieu idéal : l’énergie entraînante qu’on y trouve est la spécialité de la maison. Ce n’est de loin pas le cas rue d’Ulm.
Intégrer Sciences Po Vs ENS : Des conditions matérielles différentes
A l’ENS : l’intimité
Peut-être plus anecdotique mais non sans importance, les deux écoles se distinguent aussi par les conditions matérielles qu’elles offrent à leurs étudiants. A cet égard, l’ENS est un cadre de rêve, y compris parce qu’on y est moins nombreux : une grande cour centrale met le lieu un peu à l’abri du tumulte de la ville, une immense bibliothèque permet de travailler des heures durant dans le plus grand calme et de bénéficier de ressources tout à fait exceptionnelles.
Là, pas de problème de place, pas de problème de locaux surchargés. Si les locaux sont moins modernes qu’à SciencesPo, de nombreux efforts ont été faits dans les dernières années, notamment pour équiper les salles du matériel multimédia nécessaire. Par ailleurs, l’école bénéficie d’une grande cantine où les élèves peuvent déjeuner à prix très réduit et d’une cafétéria. Un élément qui change tout : il est possible d’être logé sur le campus, puisque que l’ENS propose un internat sur deux sites (Ulm et Jourdan). Même si les effets sur « l’esprit d’école » sont limités, c’est un élément qui peut s’avérer déterminant pour certains.
A SciencesPo : la ruche
A SciencesPo, les choses sont différentes : plusieurs petits bâtiments dispersés dans un périmètre, certes restreint, du 7ème arrondissement rendent les choses parfois compliquées. On marche beaucoup, d’un cours à l’autre, dans une foule souvent compacte. Les locaux sont insuffisants pour le monde qui est accueilli dans ces murs. La bibliothèque est trop petite pour que tout le monde puisse en profiter pleinement. Quelques cafétérias du Crous fonctionnent bien mais, là aussi, on reste sur sa faim. Le sentiment d’être toujours nomade ou de ne pas savoir où trouver un coin de table pour travailler entre deux enseignements prend toujours un étudiant de l’IEP à un moment ou un autre de son parcours.
Finalement, SciencesPo marque des points dans la qualité de ses salles de cours, très bien tenues et équipées, et dans un système informatique à la pointe. Beaucoup de ressources en ligne (un grand nombre de cours sont filmés), outils pratiques et efficaces : tout cela marche tellement bien que l’école peut parfois en devenir « trop virtuelle », quand on sent que la machine a pris trop de place et que le contact direct avec l’administration, submergée d’emails, devient de plus en plus difficile.
Peut-être faut-il rappeler aussi ici une différence fondamentale : à l’ENS, gratuité ou même traitement (grâce à un salaire pour les élèves fonctionnaires) s’opposent radicalement à la politique de SciencesPo où les frais de scolarité peuvent être élevés en Master, même si l’école accueille une part toujours plus grande d’étudiants qui bénéficient d’une bourse complète.
Des opportunités d’ouverture: ENS ou Sciences Po
A l’ENS comme à SciencesPo, on incite les étudiants à partir à l’étranger et à faire des stages. Mais les modalités sont un peu différentes.
A l’ENS des séjours de recherche en université
La rue d’Ulm dispose d’une puissante Direction des relations internationales qui permet d’envoyer tout le monde à l’étranger pour six mois ou un an. Très prisés notamment les séjours de recherche à l’étranger et les « lectorats ». En la matière, le réseau disposé aux États-Unis est absolument exceptionnel : l’ENS envoie ses élèves remplir une fonction d’enseignant de français dans de prestigieux établissements. Cette expérience est rémunérée et, en plus, on peut bénéficier de cours, souvent avec le statut « d’auditeur libre ». Bien entendu, il existe de nombreux postes sur tous les continents et chacun choisit sa destination en fonction de ses envies et du degré de compétition. Ce « séjour à l’étranger » est obligatoire à l’Ecole normale et reste un moment crucial de la scolarité de chacun.
A sciences Po : des opportunités de stage en entreprise
En revanche, le bureau des stages de l’ENS, en dépit des efforts faits ces dernières années, reste très peu efficace quand on le compare au puissant « Service carrières » de SciencesPo. Là, un bureau d’un dynamisme exceptionnel, toujours prêt à aider les étudiants à trouver une place dans les meilleures administrations, entreprises, organismes. Les offres de stage sont publiées chaque semaine et toutes sont très alléchantes. SciencesPo a su développer une relation de confiance avec des partenaires qui cherchent des profils très généralistes – et souvent de futurs fonctionnaires –, partenaires qui ne s’adressent plus qu’à cette école pour faire passer leurs offres. Un bon tremplin, en somme, pour découvrir de nouveaux horizons, surtout à l’époque où les stages sont devenus essentiels dans les études supérieures. A l’ENS, on peut bénéficier de deux années de césure mais jamais de façon consécutive. Une spécificité : la « césure sortante », une année que l’on peut prendre juste après la sortie de l’école.
A part, il existe aussi le « programme Italie », fort d’une relation ancienne avec l’Ecole normale supérieure de Pise et ses partenaires. A SciencesPo, on encourage les étudiants à prendre une césure entre les deux années de Master ; année à l’étranger ou stage, chacun choisira. En plus de cela, le dernier semestre du parcours de deux ans consiste soit en un stage, là aussi, soit en un séjour d’études. Seuls quelques-uns décident de rester à Paris pour rédiger un mémoire de recherche.
Quelques idées reçues sur Sciences Po ou l’ENS
Dans l’esprit commun, l’ENS forme à la recherche et à l’enseignement. C’est vrai, c’est très vrai, mais ça ne saurait se résumer à cela aujourd’hui. L’école propose de plus en plus de diversité de parcours et de possibilités d’ouverture. En particulier, elle favorise considérablement les « élèves-artistes » ou « créateurs » ; on ne compte plus les ateliers, les spectacles, les projets collectifs qui associent recherche, enseignement et création. Le gros département « d’Histoire et théorie des arts » en est la meilleure synthèse. Plus encore, on peut préparer plusieurs concours administratifs à l’ENS : le concours de l’ENA, le concours du Quai d’Orsay, entre autres. Les formations sont complètes et les élèves bien encadrés. Pour l’agrégation, les murs de la rue d’Ulm restent évidemment le meilleur cadre de préparation. De SciencesPo, on dit souvent que c’est l’école de l’action : on y enchaîne les enseignements « qui vont servir en pratique et très vite ». Là aussi, il s’agit d’un jugement un peu hâtif qu’il convient de nuancer. On cherche à développer la recherche, notamment en science politique, et grâce à l’École doctorale qui prend de plus en plus d’envergure. Aussi, il n’est plus vrai que SciencesPo « ne forme que de futurs fonctionnaires » ; chacun peut trouver son chemin dans cet établissement, à condition de faire preuve d’un peu d’audace, souvent.
Faire SciencesPo et l’ENS en même temps, c’est possible ?
Oui, il est tout à fait possible de suivre un cursus dans les deux écoles dans le même temps. J’en ai fait l’expérience il y a quelques années. Mais il faut être prévenu : personne n’aidera le candidat à cette aventure : il faut s’arranger soi-même pour organiser un emploi du temps qui satisfasse tout le monde et qui permette de répondre à l’exigence d’assiduité. A l’ENS, le fait de devoir suivre un master dans une université partenaire en même temps que la scolarité de l’école complique un peu les choses : dans les faits, on fait la navette entre trois
établissements différents. Rue Saint Guillaume, on ne veut rien savoir : il n’y a pas de dispense d’assiduité autorisée. La vie devient un peu difficile, mais rien d’effrayant pour un ancien élève de classe préparatoire littéraire.
Un « truc » néanmoins ; à l’ENS, on propose aux élèves qui veulent faire les deux écoles d’utiliser leurs deux années de césure pour suivre le master de SciencesPo. On se prive alors des multiples opportunités de séjours à l’étranger offerts par l’école, ce qui laisse penser que ce n’est pas certainement pas la bonne option. Il vaut mieux faire l’effort de maintenir le cap, avec une école sous chaque bras ; toutes les portes s’ouvriront d’autant plus en grand par la suite.
Juliette.
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- Les poursuites d’études après une prépa littéraire
- Les spécialités en première et terminale pour faire prépa HEC
- Choisir entre prépa B/L et licence d’éco ?
Bonjour,
Comment avez-vous candidaté pour suivre à la fois Science Po et l’ENS, s’il vous plaît ? Vous recevez le diplome des deuxx écoles ?
Et qu’avez vous fait avant ? Une prépa ? Si oui, laquelle ?
Merci par avance de votre réponse
Bonjour Anaëlle,
Voici pour répondre à tes questions :
« J’ai fait trois années de classe préparatoire littéraire classique (A/L) au Lycée Louis-le-Grand à Paris et ai passé le concours de l’ENS (c’est le débouché naturel de cette prépa) tandis que je préparais en parallèle, seul, le concours d’entrée en master à SciencesPo (il suffit de s’inscrire au concours sur le site de sciencesPo).
Ayant intégré les deux écoles, j’ai décidé de faire les deux en même temps. Mais aucun aménagement n’est possible, il faut s’organiser soi-même.
Effectivement, à l’issue du parcours, on obtient donc les diplômes des deux écoles. »
En espérant que ces réponses te seront utiles,
Très bonne journée
Bonsoir à tous,
j’aurais aimé savoir quels sont les masters à Sciences Po les plus accessibles et ouverts aux khâgneux. Quelles sont nos chances d’intégration après trois ans de prépa ? Les profils de khâgneux sont-ils vraiment recherchés à Sciences Po ?
Par avance, merci de votre réponse
Bonjour Rose,
Depuis quelques années SciencesPo, comme beaucoup d’autres établissements d’études supérieures tendent à diversifier le profil de leurs étudiants. De plus, les profils de Khâgneux présentent de nombreux avantages pour intégrer les masters de SciencesPo : très bonne connaissance en langues, très bonnes capacités rédactionnelles, grandes connaissances en philosophie, histoire ou encore en géographie.
Néanmoins, il nous est difficile de te donner des informations précises concernant les chances d’intégration. Mais nous te recommandons de contacter directement l’institut afin d’avoir les bonnes réponses à toutes tes questions.
Bonjour Juliette,
Je ne sais pas si ce post fonctionne encore mais je tente…
Que pensez vous qu’il soit le mieux ? faire une prépa et ensuite aller en licence ou master de science po ou entrer directement à science po après le bac ?
Je pose cette question pour ma fille qui n’est qu’en seconde mais qui se posent beaucoup de questions et qui hésite entre ces deux voies…je ne suis pas d’une grande aide car je ne connais que la fac…
Encore une question…ma fille ne sait pas trop quoi faire de son avenir mais elle est brillante dans toutes les matières alors je me dis qu’il faut qu’elle en profite pour faire des études prestigieuses…elle aimerait aller à l’international peut être vers des missions politiques ou non…elle est sensible aux grandes causes humanitaires et environnementales…et rien à voir mais elle aime aussi écrire, lire et aimerait être écrivain et réalisatrice….peut-être tentera t-elle la fémis après un master…
Du coup pensez vous que sciences po lui correspondrait bien ou me conseillez vous une autre piste ?
Bonjour,
Vu le profil de votre fille, nous lui recommandons d’abord de faire une prépa HEC puis d’enchaîner avec une école de commerce. Lors de ses années en école de commerce, elle pourra toujours si elle le souhaite, passer un double diplôme à Sciences Po. L’entrée à Sciences Po pourra également se faire directement après la prépa.
La prépa reste une voie très appréciée et très valorisée par les recruteurs, d’où notre recommandation de passer par la prépa avant de rejoindre un cursus à Sciences Po.