Comment le Français Langue Étrangère représente-t-il notre pays ?
Une langue, quelle qu’elle soit, est indéniablement un véhicule culturel. Des schémas mentaux et des représentations sont intrinsèquement liés à la langue parlée, qui elle-même se construit continuellement au gré des cultures et civilisations. On ne conçoit pas son rapport à autrui selon que l’on parle français ou mandarin ou anglais et nombreux linguistes, à commencer par Saussure, l’ont démontré depuis des décennies. Prenons un seul exemple pour illustrer ce propos : alors qu’en français, seuls « tu » et « vous » permettent de s’adresser à l’autre, en vietnamien, il n’existe pas moins de six possibilités de nommer celui ou celle à qui on parle ; selon le sexe, l’âge et le rang familial de la personne désignée. De ce fait, les rapports sociaux sont beaucoup plus hiérarchisés au Vietnam qu’en France.
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Pourquoi créer le FLE comme dispositif spécifique ?
Mais rappelons que le Français Langue Étrangère a d’abord été conçu pour faciliter l’intégration des migrants arrivés sur le sol français. Il s’agissait alors d’un enseignement basé essentiellement sur la grammaire et des listes de vocabulaire. C’est dans un second temps que le FLE s’est exporté à l’étranger, notamment par le biais des Alliances Françaises. C’est dans le même temps que la méthodologie de l’enseignement a commencé à être modifiée.
Ainsi, la grammaire, d’inductive et explicite, est passée à déductive et implicite. De même, les méthodes didactiques du FLE se sont distinguées de celles enseignées aux natifs : elles se sont de plus en plus attachées à mettre l’apprenant dans « une situation proche de la vie réelle ». C’est donc progressivement que le Français Langue Étrangère est devenu une méthode d’enseignement à part, avec le but principal de permettre aux apprenants « d’agir dans la vie réelle ».
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À première vue, il paraît donc évident que, comme un wagon, une langue traîne derrière elle un ensemble de concepts qui sont en fait des modes de pensée et de vie ; de ce fait, le français n’échappant pas à la règle, le FLE est un outil de rayonnement de la France à l’étranger. Cela est d’autant plus vrai que, grâce au réseau des Alliances françaises dans le monde, le français est chaque année appris par de plus en plus de personnes. Il y a aujourd’hui près de 1 000 Alliances françaises implantées dans 136 pays, et ce sont pas moins de 500 000 personnes par an qui apprennent le français d’une manière ou d’une autre.
Ce grand nombre s’explique en partie par la diversification de l’offre, qui a commencé dans les années 2000. En effet, après s’être parfaitement adapté au Cadre Européen Commun des Références pour les Langues créé en 2005, le Français Langue Étrangère a voulu s’adapter au marché des langues ; dans ce but, de nouvelles branches ont été crées. Sont ainsi apparus le FG (Français Général de demande sociale), le FS (Français de Spécialité) et le FOS (Français sur Objectifs Spécifiques) pour attirer toujours plus de public, et donc plus de parts de marché. C’est notamment pour ne pas perdre du terrain face à l’anglais et au mandarin que les Alliances Françaises, soutenues par le gouvernement, ont revu leurs offres.
Ainsi, depuis 2006, le FLE dans sa globalité a profité d’une hausse de 6% du nombre d’apprenants à travers le monde. Ceci participe évidemment au rayonnement culturel, mais aussi économique de la France, puisque 20% des échanges commerciaux dans le monde se font en français, et c’est là un point non-négligeable pour l’Etat.
Mais à travers ces chiffres, deux questions essentielles se posent à nous : d’une part, le FLE ne serait‐il pas en train de suivre l’exemple de néocolonialisme instauré par le soft-power américain à la sortie de la guerre froide ? D’autre part, à force de vouloir conquérir des parts de marché, le français ne risque-t-il pas, à l’image de l’anglais, de devenir une langue utilitaire ?
Voir : Comment donner des cours particuliers de français en ligne ?
Le véritable rôle du FLE
À la première lecture, le processus d’implantation des Alliances françaises, et donc celui de l’enseignement du FLE, semblent suivre la trace, avec beaucoup de nuances toutefois, des missionnaires catholiques et des colons. L’enseignement du français à l’étranger servirait donc à « convertir » la population locale à la culture française. C’est ce qui d’ailleurs transparaît dans les premiers manuels de méthodologie de FLE. Est en effet véhiculée l’image d’une France dominatrice.
Mais au fil des années, cette vision a été délaissée au profit d’une méthodologie plus ouverte et plus souple. Non seulement l’enseignement du français prend en compte le multiculturalisme et les conséquences qui s’imposent, mais une part de plus en plus grande est désormais laissée à l’expression de la culture locale. Ainsi, le FLE n’a plus seulement pour vocation le rayonnement de la France, mais aussi la mise en valeur des coutumes du pays où il est implanté. On s’éloigne donc d’une vision néocolonialiste et la France se retrouve doublement gagnante dans cette nouvelle perspective : d’une part, en laissant un espace d’expression plus grand à la culture locale, le français s’implante mieux à l’étranger, d’autre part la France bénéficie en retour de cet échange culturel. C’est ainsi par exemple que des artistes étrangers, grâce au FLE et aux Alliances françaises, se produisent ou exposent leurs œuvres en France et donnent une incroyable opportunité au pays d’en tirer bénéfice dans la nouvelle concurrence culturelle mondiale.
Voir encore : Comment donner des cours particuliers d’anglais en ligne ?
Le FLE doit-il mieux rayonner ?
En ce qui concerne le risque de devenir une langue utilitaire, à l’instar de l’anglais dont le niveau peut être certifié par un test d’anglais Toeic ou un test d’anglais Toefl, le FLE a encore du chemin à parcourir. La multiplication des offres de langues crée la possibilité pour les apprenants, notamment à travers le français sur Objectifs Spécifiques, de ne caresser qu’un pan partiel de la langue, et donc de la culture.
Nous sommes loin du schéma où les étrangers apprenaient le français par amour pour Victor Hugo, les Lumières ou les Surréalistes. Si certains voient là une modernisation de l’enseignement du français, nous pouvons néanmoins nous inquiéter d’une perte éventuelle de l’exception française. Le français, par son histoire et par tout ce qu’il a contribué au développement des idées et de l’art dans le monde, est en train de perdre tout ce qui faisait sa différence, et donc sa richesse.
Posons-nous alors la question qui dérange : ne faudrait-il pas que la France rayonne moins, mais mieux à l’étranger ? Ne faudrait-il pas qu’il y ait moins de gens qui apprennent le français, mais que davantage l’apprennent pour être capable de lire Baudelaire, pour que le français demeure une langue d’exception ?
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Shayan Mousavi,
Contributeur Groupe Réussite