Entrer en école de commerce après une prépa littéraire
Les prépas littéraires en école de commerce : un atout
Les humanités ont le vent en poupe, et les étudiants des classes préparatoires littéraires ne le savent peut-être pas assez. Il était temps : la polyvalence, la solidité intellectuelle, la sensibilité artistique (options musique, histoire des arts, cinéma) développés par la formation littéraire sont largement attendues par les entreprises où l’on se plaint régulièrement du manque de culture générale, d’esprit de synthèse et d’analyse d’une partie de la génération qui arrive sur le marché du travail.
Faut-il rappeler que l’étudiant de prépa littéraire CPGE A/L ou B/L sait travailler en équipe, partage les fruits de son effort au sein de groupes, maîtrise la méthode complexe de la dissertation en 6h dans plusieurs disciplines, établit des liens entre ces dernières, traduit des textes difficiles dans plusieurs langues, possède des notions de culture antique et de langues anciennes qui enrichissent encore sa connaissance intime de la langue française, son sens historique, ses capacités de communication et de créativité ? C’est bien ce regard différent, à la fois plein de distance et capable de profondeur face aux enjeux professionnels, qui intéresse les écoles de commerce et de management post prépa :
« Les étudiants issus des classes préparatoires littéraires peuvent s’appuyer sur leur formation pluridisciplinaire, solide et rigoureuse pour accéder aux grandes écoles de management. Ces dernières apprécient leur ouverture d’esprit, leurs aptitudes en communication et leur sensibilité. Autres atouts indéniables : les littéraires ont acquis des solides connaissances en lettres, en philosophie, en langues et en sciences humaines. Leur formation les amène à prendre en compte l’aspect culturel et la civilisation des pays. Ce bagage leur donne des outils indispensables pour s’adapter à la dimension internationale des formations dispensées par les écoles de management et aux métiers nombreux et très divers auxquels ces écoles préparent. »
Issu du site du Concours BCE littéraires.
Les prépas littéraires autant capables au sein d’une entreprise
Par ailleurs, au nom de quelle partition supposée du cerveau un littéraire serait-il incapable de s’intéresser à des enjeux de gestion, de management, d’organisation d’événements ? Pourquoi la formation littéraire ne viserait-elle à former que des spécialistes que toute une génération ne peut pas devenir, sous peine de compromettre la diversité des parcours qui caractérise maintenant notre enseignement supérieur ? Et pourtant, les étudiants de CPGE littéraire, A/L comme B/L, éprouvent parfois une forme de timidité au moment de s’engager dans des voies auxquelles leur profil correspond peut-être.
Entendons-nous bien : il n’est pas question de dire ici que tous les littéraires devraient aller en école de commerce. Ceux qui ont une véritable vocation de chercheur et d’enseignant s’engageront, s’ils réussissent les concours des ENS (Ulm, Lyon, Cachan), au service du développement d’une discipline et de sa transmission par l’enseignement. Il s’agit là d’une voie d’excellence spéculative qui fait la fierté des filières littéraires, et d’une tradition française de haut niveau. Mais tous ne souhaitent pas suivre cette voie si leur tempérament les porte à entrer dans un univers plus opérationnel, d’ailleurs souvent, mais pas toujours, lié à la culture. Les littéraires peuvent désormais faire le choix d’une école de commerce.
Les banques d’épreuves écoles de commerce ouvertes aux prépas littéraires
D’autres possibilités s’offrent depuis l’ouverture récente des « banques » : ainsi, la Banque d’épreuves littéraires BEL propose bien des débouchés aux prépas littéraires A/L qui souhaitent faire fructifier la formation très riche reçue en CPGE littéraire sans aller vers la spécialisation universitaire. Certains intégreront les écoles de commerce du groupe Ecricome (ecricome.org/concours-khagne-prepa-litteraires-esc), le CELSA, d’autres l’ISIT, l’ESIT, l’ISMaPP, l’Université Paris-Dauphine, l’École du Louvre, les IEP, l’École des Chartes ou l’ESM Saint Cyr. Certains encore, par la Banque Commune d’Épreuves (BCE : concours-bce.com/litteraires, voir la brochure consacrée aux littéraires, et la filière des B/L, « Lettres et Sciences sociales »), rejoindront l’un de ses vingt-quatre établissements, avec des niveaux d’intégration très divers.
Les étudiants ayant réalisé une prépa littéraire peuvent également intégrer ces écoles après une inscription au concours Passerelle 2 ou Tremplin 2 (pour une admission à Montpellier Business School, EM Strasbourg, Kedge, etc.). Il faudra au préalable se préparer au Tage Mage mais aussi effectuer une prépa Toeic ou une prépa Toefl et passer les écrits de Passerelle pour maximiser ses chances de réussite. Après une école de commerce et de management, on retrouve les anciens littéraires dans tous les domaines (marketing, achat et vente, communication, contrôle de gestion, audit, stratégie, ressources humaines, finance d’entreprise), dans tous les secteurs (industrie, services, santé, édition, associatif, développement durable, collectivités publiques, banque, culture).
Cette orientation relève pour l’étudiant d’une personnalité spécifique : attirance pour les projets de groupe, leur construction rapide, goût d’entreprendre, aptitudes de gestion. Certains portent depuis longtemps un projet précis que l’école leur permettra de mener à bien grâce à des formations complémentaires, des outils professionnels et un réseau qui les lancera. Rien ne leur interdira de suivre un double cursus, approfondissant une discipline littéraire, socle d’un profil particulièrement rare, précieux et valorisé.
Les prépas littéraires doivent se préparer pour entrer en école de commerce
Autre idée reçue : l’entrée en école de commerce et de management ne se préparerait pas, ou peu. Trop d’étudiants littéraires découvrent leur existence tard dans leur cursus et ne comprennent pas assez que la spécificité des épreuves écrites des concours cpge comme orales (BCE, Ecricome…) leur demande de consacrer du temps à ce projet. À l’écrit, si certaines des épreuves des ENS comptent pour les écoles de commerce par interclassement, langues anciennes comprises, elles seront complétées par un ensemble d’épreuves spécifiques selon les filières : dissertations propres en 4 h, contraction de texte, très bien réussie par les littéraires préparés, voici l’exemple de copie de concours contraction de texte HEC 20/20 (2016), synthèse, épreuves de langues dont latin et grec ancien possibles, etc.
À l’oral, si les épreuves d’HEC relèvent davantage de la rhétorique ou d’une culture traditionnelle, l’entretien de personnalité demande un véritable travail sur soi, idéalement accompagné d’un préparateur pour travailler sur son projet professionnel. Mettre en récit sa personnalité, son parcours, ses qualités, ses envies professionnelles, apprendre à persuader avec naturel, élaborer et mettre en forme son moi social, bien connaître les parcours offerts par les écoles, tout cela se construit. C’est un autre type d’entraînement, toujours passionnant pour le professeur accompagnant, qui travaille là au plus près de l’humain. Son caractère moins académique n’implique pas qu’il faille le prendre à la légère.
Depuis quelque temps, responsables des banques d’épreuves, directeurs des études, professeurs de CPGE littéraires, étudiants se rencontrent et mettent en commun leurs expériences. C’est l’occasion d’entendre des témoignages d’ « anciens » aux carrières variées : des bacheliers de spécialités différentes se dirigent vers des postes de management culturel, s’occupent de communication, d’événementiel, de partenariats, de direction des publics, en poste dans des maisons comme Artcurial (ventes aux enchères), l’Opéra de Paris, le Musée du Quai Branly. Mais on voit aussi d’anciens littéraires dans l’aéronautique, ou encore en conseil et stratégie, comme chez Accenture.
L’alternance qui permet, par l’apprentissage, d’être exonéré des frais de scolarité et rémunéré par son entreprise, est souvent une bonne solution pour faire face à la question financière. La formation en alternance est aussi un bon choix pour les étudiants qui souhaitent intégrer le monde professionnel rapidement. Quant aux doubles diplômes, ils permettent aux plus acharnés de mener conjointement deux scolarités (ENS/HEC, ENS Cachan/ESSEC), qui les conduisent par exemple, après un master de recherche, vers l’agrégation, associée à des cursus professionnels spécialisés en école de management. On ne peut que souhaiter la poursuite de ces échanges qui font se rencontrer des professionnels d’univers autrefois plus étanches : il y a là pour les professeurs l’occasion d’élargir leur connaissance des débouchés offerts à leurs étudiants, et pour ces derniers, de belles opportunités professionnelles à saisir.
Un autre article du blog traite des prépa littéraire, une fois n’est pas coutume, on s’intéresse au choix entre la prépa B/L ou la fac d’éco, à vous de lire !
Aurélie Zygel-Basso
À propos d’Aurélie
Aurélie Zygel-Basso est professeur de Chaire supérieure, professeur agrégé de Lettres classiques. Elle enseigne au lycée Condorcet (Paris) en CPGE littéraires, après avoir donné cours à des CPGE BL, prépas scientifiques et prépa ECS des deux années. Elle poursuit la préparation des étudiants aux concours des grandes écoles de commerce, entraîne aux questions de l’entretien de personnalité et corrige la dissertation de culture générale de l’ESSEC.
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