Dissertation rédigée sur le thème Faire croire en CPGE - Orwell
Exemple de dissertation sur Faire croire avec Orwell en prépa scientifique
cours particuliers
Cours particuliers de français
La dissertation est un des exercices clés des concours en CPGE scientifique, que ce soit à Centrale Supelec, à Mines Ponts, à X ENS ou encore à CCINP. Une des manières de progresser dans la méthodologie de la dissertation sur le thème Faire croire en CPGE, est de lire, analyser et éventuellement apprendre des exemples de dissertations entirrement rédigées et corrigées par un professeur de CPGE. Par ailleurs, en suivant une dizaine d’heures de cours particuliers de français en prépa, vous pourrez apprendre et progresser au contact d’un enseignant aguerri. Celui-ci vous donnera les outils et les connaissances nécessaires pour faire face à n’importe quel sujet de dissertation le jour des concours.
Lire également : Individu et communauté CPGE
Sujet 1 : Orwell sur le thème Faire croire en CPGE scientifique
Nous vous proposons ici une dissertation rédigée sur le thème Faire croire en philosophie en CPGE scientifiques. Vous pouvez vous appuyer sur cette dissertation pour travailler la méthode de dissertation et les connaissances à avoir pour réussir le concours de CPGE scientifique.
Voici le sujet de dissertation proposé :
Durant l’Entre-deux-Guerres, George Orwell (1903-1950), le romancier britannique et auteur de 1984, écrit dans un de ses articles : « Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent ».
À la lumière des œuvres au programme de prépa sur le thème « Faire croire », vous vous interrogerez sur cette réflexion.
(Accroche) « La guerre, c’est la paix, la liberté, c’est l’esclavage, l’ignorance, c’est la force… » Dans son célèbre roman dystopique 1984, George Orwell a recours à une série de tournures oxymoriques, comme dans le sujet que nous allons étudier. La politique serait ainsi pour Orwell, cet art de la manipulation, qui change le nord en sud, le zénith en nadir et la vérité en mensonge – et cela, pour de noires raisons.
Définition dynamique des termes du sujet Faire croire
D’emblée nous pouvons en effet noter la tonalité à la fois péremptoire et polémique de notre sujet, catégoriquement assassin sur le langage politique. Cet aspect polémique (donnant une dimension éthique au jugement d’Orwell) rejaillit en particulier à travers, nous l’avons signalé, un fonctionnement global par oxymores : « vraisemblable » s’oppose à « mensonges » ; « respectables » à « meurtres » ; « solidité » à « vent ». [nota bene : il est bon de faire du moment définitionnel de la citation une mini-explication de texte, pourquoi pas via des figures de style]. Orwell paraît également péremptoire, comme le signalent l’emploi du présent de vérité générale (« est ») et l’usage de l’article défini « le » (englobant l’entièreté du langage politique, non « un certain » langage politique). On relèvera enfin que la citation d’Orwell ne procède pas vraiment par gradation : les « meurtres » (aspect hyperbolique) semblent au milieu de deux méfaits moins graves, les « mensonges » et la vacuité des propos.
Orwell écrit d’ailleurs, notons-le, « langage » et non « langue » politique. Pourquoi cette différence ? Peut-être parce que ce langage, cette faculté d’exprimer sa pensée et de communiquer avec autrui, ne consiste pas seulement dans une langue particulière, comme l’anglais, le français, etc. Mais comme un système de signes ou de symboles, un langage qui peut être d’ailleurs aussi corporel, où le « sous-texte » serait aussi important que le texte : c’est ainsi que l’on parle dans le débat public de « langue de bois » pour définir cette langue bien particulière que constituerait le langage politique technocratique ; ou bien encore de « novlangue » dans le cas orwellien (un langage politique qui cherchait à faire passer le blanc pour du noir).
George Orwell, romancier britannique et auteur de 1984, estime que « le langage politique est destiné à rendre vraisemblable les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent ».
Voilà bien un jugement péjoratif sur le langage politique. Et pourtant, originellement, au sens aristotélicien, la politique (terme venant de « polis », la cité en grec) était le souverain bien, l’art suprême de conduire les hommes en vue du bien commun. Toutefois, ici, Orwell évoquerait moins la grande Politique que la politique « politicienne », l’art des intrigues et des complots, dans le secret douteux des alcôves…
Et l’on peut d’ailleurs quelque peu comprendre cette vision si péjorative de la politique en rappelant le contexte historique : car le romancier britannique écrit dans une période troublée, l’Entre-deux-Guerres. Cette période est celle de l’échec ou de l’impuissance du politique, qui n’a pas su tenir ses promesses, qui s’avère impuissant, tant à juguler la crise économique de 1929 que la montée des fascismes (sous couvert d’un langage démocratique parfois hypocrite, celui de l’esprit de Munich, qui cache, sous les discours pacifistes, la crainte de faire la guerre). Notons aussi que cette période de l’Entre-deux-Guerres est marquée par l’apparition des médias de masse (notamment la radio), qui renforcent le rôle de la propagande en politique (il existe même un très officiel « ministère de la Propagande » en France). En somme, ce contexte historico-social sinon excuse, du moins explique le jugement si tranché d’Orwell envers l’art suprême d’Aristote.
Le jugement d’Orwell est si rude que le destin (« destiné ») du langage politique serait ainsi de trahir – comme si cela relevait de la fatalité, du registre tragique. Ce langage ainsi pour Orwell, rendrait « vraisemblable » (non pas « vrai », mais seulement crédible, ce qui a l’apparence de la véracité) les « mensonges » (c’est-à-dire, la volonté de tromper, par omission ou non, d’altérer la vérité, se différenciant de la rhétorique par exemple qui tout en cherchant à influencer l’opinion, le fait sans volonté manifeste de manipulation ou de tromperie).
Mais le langage politique est-il universellement et unanimement à condamner ? N’y a-t-il aussi des moments où le mensonge peut être salutaire – ne serait-ce que pour des raisons de secret d’État ? De même, il faut aussi s’interroger sur le rôle des meurtres. Certes, l’oxymore « respectables les meurtres » horrifie le lecteur – Orwell écrit d’ailleurs « respectables » et non « respectés », c’est-à-dire plutôt au sens de tolérables. Cependant, comme l’illustre la théorie philosophique du juste tyrannicide, n’y a-t-il pas aussi des cas extrêmes où le meurtre est sain ? Enfin, si le terme « vent » pour Orwell est bien entendu négatif (au sens de vain, sans aucun sens), on pourra également se demander si la politique n’a justement pas besoin de vent, d’énergie, pour entraîner les hommes et les femmes (on remarquera du reste la tournure restrictive « ce qui n’est que vent »). En somme, George Orwell n’est-il pas par trop sévère avec le langage politique ? Qu’est-ce qui pourrait expliquer son jugement si négatif, qu’est-ce qui pourrait le relativiser ?
Problématisation et plan de la dissertation sur Faire croire
Problématisation par rapport aux œuvres de CPGE scientifiques
Nous sommes par conséquent face à un paradoxe que nous nous tâcherons d’élucider en étudiant les trois œuvres au programme : l’art de la tromperie du langage politique, s’il est souvent fréquent et à déplorer, n’est-il pas, en certaines occasions, souhaitable ou nécessaire ? Nous nous interrogerons en somme sur la fatalité du mensonge dans le langage politique, pour déterminer soit sa (réelle) universalité, soit sa possible nécessité.
Annonce des axes de la dissertation en prépa
Pour ce faire, nous tenterons d’expliciter, dans un premier moment de l’argumentation, les fondements de l’assertion orwellienne : la proximité entre le mensonge et le langage politique paraît presque relever du lieu commun, des topos. Cependant, dans un deuxième temps de l’argumentation, nous montrerons que le mensonge politique peut être parfois nécessaire et souhaitable ; et qu’il n’est pas une fatalité, car existe aussi un « parler-vrai » en politique. Nous tenterons enfin, dans un dernier mouvement, de concilier l’éthique de la vérité avec la nécessité de l’agir politique.
Aristote, à l’inverse d’Orwell, estimait pourtant que la politique (venant de « polis », la cité en grec) était un bien suprême et noble, l’art de conduire le gouvernement de la cité pour le bien commun.
Fondements de l’assertion orwellienne : la proximité entre le mensonge et le langage politique
Le langage politique apparaît certes, dans un premier moment, comme celui de la tromperie – et même au-delà, comme l’art de dissimuler ou de justifier les crimes. Cette proximité entre mensonge et politique paraît si forte qu’elle pourrait en être consubstantielle…
Le langage politique comme mensonge et vacuité
Le langage politique semble être, en premier lieu, marqué communément par le double sceau du mensonge et de la vacuité. Cela parait être son mode de fonctionnement même ; Comme le traduirait le jugement d’Orwell, nécessité politique et nécessité du mensonge paraissent presque consubstantiels ; le langage politique chercherait donc moins à refléter la réalité, qu’à la travestir, la trahir, pour servir les intérêts de ceux qui sont au pouvoir (ou ceux qui aimeraient y parvenir).
(Exemple) C’est par exemple cette proximité topique (qui relève du lieu commun) entre mensonge et politique que relève Hannah Arendt, dès les premières pages de son article au titre révélateur, « Du mensonge en politique » : « Le secret – ce qu’on appelle diplomatiquement la “discrétion”, ou encore arcana imperii, les mystères du pouvoir – la tromperie, la falsification délibérée et le mensonge pur et simples employés comme moyens légitimes de parvenir à la réalisation d’objectifs politiques, font partie de l’histoire aussi loin qu’on remonte dans le passé. La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques » écrit-elle ainsi.
(Exemple 2) La marquise de Merteuil, dans la fameuse Lettre LXXXI des Liaisons Dangereuses, ne porte pas un jugement bien différent : elle assimile aussi le talent des politiques à l’art du mensonge et de la dissimulation. Lorsqu’elle évoque sa maîtrise de la science du paraître, de la tromperie, elle relève ainsi qu’à quinze ans, elle possédait « déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent leur réputation », c’est-à-dire l’art de mentir et de brasser « du vent » pour reprendre l’expression orwellienne.
(Transition) Si l’art du langage politique est bien celui de la dissimulation et de la tromperie, nous nous doutons bien des motivations qui l’expliquent : l’appât du pouvoir, du gain, l’orgueil, etc. Mais sur quels procédés, sur quels moyens se fonde-t-il ? Quelles sont les modalités du « faire croire » pour le langage politique ?
Orwell, qui a « l’horreur de la politique » selon le sinologue Simon Leys, ne va-t-il pas trop loin dans son dégoût de la politique ?
Langage politique utilisé comme langue de « bois »
Science apparente de la tromperie, le langage politique a notamment recours à une arme redoutable que met en lumière Orwell dans notre citation : celle de la rhétorique manipulatrice ; ou pour parler en termes plus crus, de la langue « de bois ».
(Exemple) La pièce de Musset, Lorenzaccio, est ainsi remplie de complots politiques, dont chacun a vocation à neutraliser l’adversaire, fût-ce définitivement. Mais les personnages agissent dans l’ombre, en ayant bien souvent recours à un procédé soutenant leur pouvoir : la manipulation rhétorique. Prenons l’exemple du Cardinal Cibo qui, à la fin de la pièce, apparaît comme le faiseur de rois, ou plutôt du duc, en faisant de Côme de Médicis son pantin. Le serment que fait répéter le cardinal à Côme est rempli de ce lexique trompeur et hypocrite, vide de sens, presque ridicule, car en contradiction avec tous les méfaits du cardinal et du précédent duc Alexandre : « Faire la justice sans restriction ; ne jamais rien tenter contre l’autorité de Charles Quint ; venger la mort d’Alexandre, et bien traiter le seigneur Jules et la signora Julia, ses enfants naturels. » (V, 8). Chaque partie du serment d’Alexandre peut être tournée en dérision : par exemple, c’est plutôt « l’injustice » que le duc, possible futur tyran, devrait faire sans restriction… S’éclairent ainsi la vanité, mais aussi l’immoralité de ce langage politique.
(Transition) Cependant la figure du tyran nous amène justement à un point décisif : dans certains cas bien délimités, n’est-il pas nécessaire de rendre « respectables les meurtres » ? Le tyrannicide n’est-il pas légitime et dans cette hypothèse, le langage politique, en le rendant respectable, ne serait-il pas justement mis au service d’une cause plus noble, plus juste ? En somme, il s’agit désormais de s’interroger sur l’universalité de l’assertion orwellienne – qui nous apparaîtra, comme nous allons le voir, trop sévère ou catégorique.
Pour Hannah Arendt, les liens entre le mensonge et la politique sont aussi anciens qu’évidents. Mais il faut, selon elle, aller plus loin…
Le mensonge politique peut être parfois nécessaire et souhaitable
L’art de la rhétorique politique peut certainement inclure des éléments de tromperie et de dissimulation. Cependant, il convient de noter que cette tromperie n’est pas toujours dictée par des intentions malveillantes – elle est parfois nécessaire ou souhaitable.
Le langage politique utilisé pour des faits nécessaires
Si l’art du langage politique peut être en effet, celui de la tromperie ou de la dissimulation ; si le langage politique peut même rendre des meurtres « respectables », cela n’est pas forcément dans un but négatif. Dans certaines occasions, le mensonge, le meurtre même, sont des objectifs sinon souhaitables, du moins nécessaires. Il ne faut ainsi pas voir forcément, à rebours peut-être de la vision orwellienne, la capacité du travestissement du langage politique comme un aspect déplorable.
(Exemple) L’intrigue même de Musset reprend ainsi la théorie médiévale du « tyrannicide » : quand le despote (le duc de Médicis) outrepasse les droits de l’humanité et ignore ses devoirs, alors le meurtre ne devient-il pas légitime ? Du reste Lorenzo dans la pièce (III, 3) convoque lui-même des exemples antiques de tyrans tués par un libérateur, comme le roi romain Tarquin le Superbe assassiné par Brutus (qui put acquérir un statut de grand défenseur des libertés romaines) : « Brutus a fait le fou pour tuer Tarquin, et ce qui m’étonne en lui, c’est qu’il n’y ait pas laissé sa raison » témoigne ainsi Lorenzaccio. En outre, il ne faut pas oublier que la vérité peut parfois nuire ou décourager l’action politique, comme le remarque un des bannis à Pierre Strozzi : « Je n’annoncerai pas cela [le refus de Philippe Strozzi de se joindre au soulèvement] à mes camarades. Il y a de quoi les mettre en déroute. »
(Exemple 2) « Rendre vraisemblable les mensonges » et cacher la vérité s’impose également pour des raisons légitimes de secret d’État, d’espionnage : n’est-il pas nécessaire à un ministre des Affaires étrangères de cacher la vérité à son homologue, surtout quand il est dangereux ? C’est cette nécessité du mensonge (même par omission) dans les affaires régaliennes que reconnaît Hannah Arendt dans les premières pages de « Vérité et politique » : « Assurément les secrets d’État ont toujours existé ; tout gouvernement doit classer certaines informations, les soustraire à la connaissance du public, et celui qui révèle d’authentiques secrets a toujours été traité comme un traître. »
(Transition) Cependant, même si cela est pour de bonnes raisons, le langage politique n’est-il donc que la pratique de la dissimulation et du mensonge ? N’existe-t-il aucun exemple de franc-parler, de parrésia (la franchise du discours dans l’Antiquité grecque) en politique ?
Le meurtre n’est-il pas nécessaire en politique dans certaines occasions extrêmes ? C’est la thèse ancienne du tyrannicide, celle de Brutus tuant le dernier roi de Rome, le tyran Tarquin le Superbe. Lorenzo réactive cette théorie en tuant le duc de Médicis.
Le langage politique comme pratique de la dissimulation et du mensonge
Au contraire, le langage politique n’est pas « destiné », par une sorte de fatalité maudite, à convoyer des messages de dissimulation ou de tromperie.
(Exemple) Cette sincérité transparaît en particulier dans les discours politiques des Strozzi, dans leurs échanges aussi avec Lorenzo. C’est ainsi que devant le vieux Philippe Strozzi, Lorenzaccio se montre sans fard et quand il parle politique, c’est sous le signe de la sincérité, comme dans ce passage (III, 3) : « Tel que tu me vois, Philippe, j’ai été honnête. J’ai cru à la vertu, à la grandeur humaine, comme un martyr croit à son dieu. »
(Exemple 2) De plus, même les menteurs, les trompeurs les plus invétérés sont à un moment donné, capables de franchise et de vérité : il n’y a pas de fatalité du mensonge, y compris pour le vicomte de Valmont. Dans la lettre XXXVI, le vicomte exprime ses sentiments amoureux pour la présidente de Tourvel, décrit les « tourments de l’amour » qu’il ressent… et le lecteur, avec le recul de l’intrigue, aura finalement bien du mal à distinguer le mensonge de la vérité. « Tout est littéralement vrai dans le passage de cette lettre d’amour » remarque ainsi le dossier de l’édition au programme.
(Transition) Cependant est-il vraiment réaliste de vouloir généraliser ce « parler-vrai » à l’ensemble de la sphère publique ? N’a-t-elle pas aussi besoin du secret d’État pour servir des intentions qui ne sont pas forcément aussi noires que ne le pense Orwell ? L’impératif de vérité, de sincérité dans l’espace politique, est ainsi bien possible… mais peut-être contradictoire avec d’autres nécessités politiques (la raison et le secret d’État notamment). Comment essayer donc de concilier ces deux impératifs ? Comment satisfaire à la fois à la nécessité du secret en politique, et à la nécessité d’agir pour le bien commun, en respectant l’intelligence des citoyens et la bonne foi de chacun ?
Laclos a lui-même fait de la politique : l’auteur des Liaisons Dangereuses a notamment été un bonapartiste convaincu.
Concilier l’éthique de la vérité avec la nécessité de l’agir politique
Il apparaît possible de concilier l’impératif de vérité avec les nécessités de l’action publique, à condition de mettre en place un système de contre-pouvoirs et de transparence, respectant et même élevant la dignité intellectuelle du citoyen. Le langage politique ne serait plus, dans ces conditions, destiné à la tromperie et aux rapines, mais serait redirigé en vue de servir justement et efficacement les nécessités de la politique, avec toutes ses contraintes nécessaires.
La véracité du langage politique
Il est tout d’abord possible et nécessaire de mettre en place un système de garde-fous, de contre-pouvoirs, notamment politiques, médiatiques et citoyens, pour veiller à la véracité du langage politique – sans aboutir à une transparence totale, qui risquerait d’entraver l’action publique dans ses nécessités. Résoudre le problème de l’immoralité et du manque de transparence de l’action publique ne doit pas en effet nous conduire à paralyser toute action publique.
(Exemple) Ce système de contre-pouvoirs pourrait être à la fois politique et médiatique. Dans « Du mensonge à la violence », Hannah Arendt relève, dans cette optique, le rôle crucial qu’aurait pu jouer le Congrès américain pour contrôler les actions du pouvoir exécutif (celui de Richard Nixon notamment). Une guerre clandestine comme au Viêt Nam n’aurait pas été possible, signale-t-elle, si le Congrès américain avait été respecté dans ses prérogatives (dans le système de check and balances, soit de séparation et équilibre des pouvoirs). Ce fut d’ailleurs le cas durant la présidence Eisenhower, qui pensait nécessaire d’obtenir l’autorisation du Congrès pour lancer une guerre : « Le président Eisenhower était démodé au point de garder le respect de la Constitution. Il prit contact avec les dirigeants du Congrès et, s’étant convaincu que celui-ci se refuserait à soutenir un engagement officiel, il décida de ne pas intervenir ouvertement » note ainsi, avec ironie, Hannah Arendt. Respecter le système de contre-pouvoirs, informer les leaders du Congrès des projets des USA, aurait ainsi permis d’éviter le langage politique de s’embourber dans une valse de mensonges – en contrôlant, non entravant, l’action publique.
(Exemple 2) Le système judiciaire peut également jouer un rôle pour rétablir la vérité, démasquer les trompeurs. Les juges jouent ainsi un rôle crucial dans la chute de la marquise de Merteuil, permettant de rétablir la vérité des faits sur ses arrangements financiers. C’est ce dénouement que rappelle Madame de Volanges à Madame de Rosemonde, dans la Lettre CLXXV (175) : « Un autre événement vient d’ajouter encore à ses disgrâces et à ses torts. Son procès a été jugé avant-hier, et elle l’a perdu tout d’une voix. Dépens, dommages et intérêts, restitution des fruits, tout a été adjugé aux mineurs [plaignants] : de sorte que le peu de sa fortune qui n’était pas compromise dans ce procès est absorbé, et au-delà, par les frais. »
(Transition) Cependant, les citoyens, communs mortels comme George Orwell, semblent encore relativement exclus de ces initiatives, qui impliquent surtout certaines catégories particulières de la société. Comment justement essayer d’inclure le tout un chacun, pour faire écho notamment à l’étymologie du terme « polis » (cité, le domaine du citoyen) ?
La politique est-elle condamnée à rester cet art du mensonge et de la dissimulation ?
Tentatives de dissimulation et de tromperie du langage politique
L’éducation de chacun, le développement de l’esprit critique de toutes et tous, permettraient d’armer le citoyen face aux tentatives de dissimulation et de tromperie du langage politique.
(Exemple) Renforcer l’esprit critique et la vigilance de tous, est d’ailleurs le but premier de l’écriture des Liaisons Dangereuses, tel qu’avancé du moins par Laclos dans la « Préface du Rédacteur », pour se défendre face aux critiques possibles. « L’utilité de l’ouvrage, qui peut-être sera encore plus contestée, me paraît pourtant plus facile à établir » se félicite ainsi Laclos. « Il me semble au moins que c’est rendre un service aux mœurs, que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces lettres pourront concourir efficacement à ce but. »
(Exemple 2) Dans le même esprit, c’est le manque d’éducation du peuple que pleure Philippe Strozzi dans sa tirade de l’acte II (Scène première). Il relie dans cet extrait directement la corruption et l’immoralité de la société florentine, à une éducation inachevée : « Dix citoyens bannis dans ce quartier-ci seulement ! le vieux Galeazzo et le petit Maffio bannis, sa sœur corrompue, devenue une fille publique en une nuit ! Pauvre petite ! Quand l’éducation des basses classes sera-t-elle assez forte pour empêcher les petites filles de rire lorsque leurs parents pleurent ! La corruption est-elle donc une loi de nature ? (…) ».
Conclusion de la dissertation en prépa scientifique
(Rappel de la problématique et réponse) Y a-t-il donc une fatalité au mensonge du langage politique ? Le fil directeur de notre raisonnement était le suivant : comment essayer de concilier, d’une part, la nécessité de l’agir politique avec, d’autre part, l’impératif éthique de la vérité ? Nous nous étions en somme demandé s’il existait une fatalité, une nécessité du mensonge en politique ; et si le langage politique n’avait pas parfois de bonnes et solides raisons de « rendre respectables les meurtres », de dissimuler la vérité. Au terme de notre réflexion, il apparaît, de manière nette et claire, que le jugement porté par Orwell est bien trop cynique et négatif : certes, le langage politique peut mener à la tromperie, voire à la légitimation des meurtres. Mais le mensonge, le tyrannicide même, peuvent être également légitimes et nécessaires. De plus, le langage politique dépend de celui qu’il l’utilise : dans de bonnes mains, encadré par des systèmes de contre-pouvoir démocratiques et d’éveil critique citoyen, le langage politique peut redevenir ce qu’il devrait être, c’est-à-dire le langage de la citoyenneté critique, mis au service de l’action publique. L’exigence de vérité en politique est nécessaire – quant au cynisme, il est contre-productif.
(Ouverture) Mais à la défense d’Orwell, notons cependant que même durant les Trente Glorieuses, période pourtant moins « propice » aux mensonges et à la manipulation que l’Entre-deux-Guerres, les responsables politiques ne s’étaient toujours pas montrés exemplaires en la matière. On songe ainsi à un célèbre et douteux aphorisme du « Président Queuille (l’ancien Président du Conseil Henri Queuille sous la IVe république), selon lequel : « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Dont acte !
Les articles suivants sur le français en CPGE peuvent également vous intéresser :