Dissertation corrigée sur travail et nature en CPGE scientifique
Réflexion stoïcien - Sénèque (4 avant J-C environ – 65 ap. J-C)
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Sujet de dissertation de français en prépa : travail et nature
La dissertation que nous vous proposons rédigée dans cet article vous servira pour les concours en CPGE scientifiques sur le thème du travail. Que vous soyez en prépa MP, PSI ou encore en BCPST, cette dissertation corrigée pourra vous aider à acquérir la méthode et les connaissances nécessaires pour réussir aux concours Centrale, Mines Ponts ou encore Polytechnique.
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Voici le sujet que nous allons traiter dans cette dissertation sur le thème du travail en CPGE
« Travailler contre le vœu de la nature est peine perdue » a écrit Sénèque (4 avant J-C environ – 65 ap. J-C). À la lumière des œuvres au programme de prépa scientifique, vous vous interrogerez sur cette réflexion du philosophe stoïcien.
Accroche de la dissertation : Au chant XXI de l’Iliade, Achille, le héros à la force pourtant surhumaine, manque de se noyer dans le fleuve Scamandre (opposé aux Grecs), qui entre en crue pour anéantir son adversaire. Achille ne sera sauvé qu’in extremis par le dieu Héphaïstos. Cet épisode est ainsi révélateur de la toute-puissance, dans les représentations mentales de l’Antiquité, des éléments naturels pour broyer l’homme, fût-il héros, fût-il Achille.
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Définition des termes du sujet de dissertation – travail et repos
Un même préjugé antique, enclin à souligner la puissance de la nature, paraît se retrouver dans cette citation du philosophe stoïcien Sénèque, qui a bien sûr baigné dans les grands textes d’Homère. Nous pouvons ainsi commencer, d’emblée, à nous demander dans quelle mesure Sénèque pourrait être « prisonnier » de ce préjugé antique, que l’on peut expliquer relativement simplement : dans l’Antiquité, le Romain craignait les pouvoirs de la nature, bien qu’il commençât à les maîtriser (avec les aqueducs, etc.). Ce préjugé antique se traduit ici par un ton péremptoire, didactique ou professoral de Sénèque, qui paraît asséner une vérité ; en témoigne l’usage de l’infinitif ou du présent de vérité générale (« est ») généralisant la thèse de notre auteur – comme s’il s’agissait d’une vérité scientifique universalisable, ce dont nous pourrions tout de même douter.
La citation nous confronte ainsi face à une nature qui paraît toute-puissante. Mais de quelle nature parle-t-on ? Dans le droit fil de cette pensée stoïcienne, la nature peut d’abord renvoyer à un « cosmos harmonieux », juste et bon, conduit par la fatalité, ou chaque humain subit plus qu’il ne choisit sa place. Dans une plus large conception, la nature renvoie également à « la force spécifique du vivant » ou « l’ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l’activité et de l’histoire humaines » (CNRTL). Elle s’oppose à l’artifice, à la culture, qui englobe elle les produits des créations humaines.
Cependant, nous nous demanderons aussi si cette opposition entre nature et culture est bien fondée. N’existe-t-il pas aussi d’ailleurs une « nature humaine » (dispositions psycho-physiologiques dominantes qui déterminent la personnalité d’un individu) ? De surcroît, le dualisme nature/culture renvoie peut-être à une vision datée : de plus en plus aujourd’hui, face à la crise climatique, la notion de « vivant » tend à remplacer celle de « nature », pour mieux souligner que l’humain aussi fait partie du « vivant », la séparation entre nature et culture n’ayant pas de sens.
Quelles sont les relations entre la nature et le travail ?
Capricieuse, la nature n’est-elle pas aussi généreuse ?
Nous comprenons ainsi qu’il ne s’agit peut-être pas de poser la relation entre le travail humain et la nature dans une vision d’opposition, ce qu’indique la proposition « contre » employée par Sénèque. Cette préposition « contre » décrit de prime abord en effet une idée d’opposition, et non de complémentarité ou d’identification : la nature irait dans le sens inverse de l’activité travailleuse (comme dans l’expression nager à « contre-courant »). Toutefois l’expression « danser joue contre joue » par exemple, complexifie cette vision oppositionnelle : la préposition « contre » peut également décrire, non une idée d’hostilité ou de lutte, mais d’harmonie, de rapprochement, de proximité. Dans la perspective d’une relation plus saine et apaisée avec la nature (ou le vivant), ne faut-il ainsi pas essayer de travailler avec la nature plutôt que contre ? Est-il aussi possible de travailler sans elle ?
Du reste, la nature aura-t-elle même son mot à dire dans cette relation ? Dire, comme Sénèque, que la nature a la possibilité de formuler un « vœu » unique et bien identifié (comme l’indique l’article défini « le » vœu), semble là encore renvoyer à un préjugé antique : celui du finalisme de la nature, qui aurait une unicité, une identité, et une volonté propres. Cette « personnalisation-unification » de la nature est-elle fondée ? N’est-elle pas plutôt le reflet d’une vision cosmologique voire religieuse de la nature (le « vœu » a d’abord un sens religieux, celui de la promesse faite à Dieu) ?
Nous comprenons en somme mieux la perspective mentale antique qui est celle de Sénèque : comment oser défier, par l’activité travailleuse, cette force surplombante d’une nature toute-puissante ? Nous pouvons cependant nous demander de quel « travail » parle Sénèque. Le contexte paraît plutôt renvoyer à la notion de travail comme labor, c’est-à-dire comme activité physique harassante renvoyant aux travaux du paysan ou de l’ouvrier ; non du negotium du marchand voire de l’otium de l’artiste et du philosophe, dont les travaux semblent moins dépendants directement de la nature ou des saisons. Nous sommes d’autant plus enclins à penser que Sénèque renvoie au labor qu’il emploie ici le mot « peine », qui étymologiquement renvoie à l’idée de souffrance (« pathos ») consubstantielle à la peine physique du labor. Cette peine peut également être morale – et il s’agira aussi de creuser cette question ; de même, nous nous demanderons si le negotium (l’activité marchande) et l’otium n’ont réellement aucune prise avec la nature ; ou s’il n’est pas possible de les en dégager aussi. La « peine perdue » (ce dont on est privé définitivement) semble enfin confirmer cette idée de fatalisme inhérent à la pensée stoïcienne : là encore, nous nous demanderons s’il n’y a pas une sous-estimation possible du pouvoir démiurgique du travailleur.
Problématisation par rapport aux œuvres de CPGE
Travailler « contre » ou « avec » la nature : le dilemme posé par le philosophe romain Sénèque.
Nous sommes ainsi placés face à un paradoxe qu’il s’agira d’élucider : certes d’un côté, la vision cosmologico-stoïcienne de Sénèque traduit une réalité certaine, la puissance et la certaine dépendance du travail humain par rapport à la nature ; mais d’un autre côté, cette dépendance n’est-elle pas aussi de plus en plus relative, face au pouvoir démiurgique du paysan, du travailleur ? Nous nous demanderons s’il s’agit enfin de penser l’opposition nature/culture dans l’activité travailleuse dans ces termes, ou s’il n’est pas possible de travailler sans, ou avec, la nature, plutôt que contre.
Annonce des axes de la dissertation en prépa
- Nous reviendrons en première instance sur la conception classique qui est aussi relayée et reflétée par cette citation de Sénèque : cette vision est celle d’une dépendance fondamentale du travail humain aux bonnes volontés de la nature, celle-ci étant trop puissante pour être contredite.
- Nous mettrons cependant en lumière le fait que cette vision stoïcienne est également une vision datée ou anachronique, traduisant la soumission antique à la nature : or au contraire, compte tenu du pouvoir démiurgique de l’homme, il est parfois possible de travailler non seulement contre la nature, mais également, de plus en plus, sans elle.
- En définitive, nous mettrons en lumière le fait que la vision de Sénèque présuppose un dualisme humain/nature ou travail/culture qui ne paraît ni efficace, ni fondé sur le long terme : nous montrerons ainsi qu’il est possible, à certaines conditions, de concevoir un travail humain qui ne soit plus construit sans ou contre la nature, mais avec elle – car il n’y a pas d’autre alternative possible, puisque nous faisons tous partie de l’ordre du vivant, humains et nature.
La conception reflétée par Sénèque
La conception reflétée par Sénèque est le reflet d’une évidence classique : la nature joue un tel rôle, à la fois d’adjuvante et d’opposante, dans le travail humain, qu’une interconnexion fondamentale semble exister entre travail humain et ordre naturel. Le concours de la nature, paraît être la condition sine qua non de la possibilité d’un travail humain.
Il existe tout d’abord une « antique alliance » entre le travail humain et la nature, l’ordre du vivant favorisant la production humaine. C’est de cette conception classique que Sénèque se fait ici le héraut.
Exemple : L’idée que le travail humain dépend de l’énergie, des dons de la nature, ne traverse d’ailleurs pas que l’Antiquité. Nous retrouvons en effet une même vision, une même conception « naturaliste » dans La Condition ouvrière. Simone Weil y rappelle (dans « Condition première d’un travail non servile », avec une perspective plus chrétienne) que toute énergie provient de la nature, et que le travail humain dépend donc à l’origine d’elle : « Le soleil et la sève végétale parlent continuellement, dans les champs, de ce qu’il y a de plus grand au monde. Nous ne vivons pas d’autre chose que d’énergie solaire ; nous, la mangeons, et c’est elle qui nous maintient debout, qui fait mouvoir nos muscles (…), qui par nos bras soulève des fardeaux, qui meut nos moteurs. » Simone Weil souligne par la suite que le « tout le travail du paysan » en particulier revient à cultiver cette « vertu végétale » qui, dans la perspective chrétienne de Simone Weil, est aussi le reflet de la puissance christique.
Transition : Cependant, si la nécessité humaine doit suivre la nécessité naturelle, ce n’est pas seulement parce que la nature est adjuvante du travail humain, ou en est à l’origine ; c’est également parce que sa toute-puissance peut aboutir, au contraire, à l’annihilation totale, facile et immédiate du travail humain.
Opposante ou adjuvante : quelle est la relation de la nature avec le travail ?
La nature peut favoriser et rendre possible le travail humain, mais aussi le détruire : nous comprenons ainsi d’autant mieux l’appel à la révérence, au respect, de cette puissance que lance ici Sénèque. Que le travail humain ne défie pas la puissance incommensurable de la nature !
Exemple : Une humanité qui chercherait à travailler contre la nature serait même coupable d’hybris, cet orgueil démesuré et punissable selon la conception antique. Au Livre IV des Géorgiques, Virgile décrit un exemple de destruction du travail humain par le soleil (Sirius), dans des sociétés éloignées, et en des termes très crus : « Déjà le vorace Sirius qui brûle les Indiens altérés s’enflammait dans le ciel, et le soleil en feu avait à demi épuisé son cercle ; les herbes se desséchaient et les rayons cuisaient les cavités des fleuves, chauffés jusqu’au limon dans leurs gorges à sec (…) ». Nous pouvons encore songer aux oiseaux du Livre I, qui dévorent le produit des moissons, ou bien aux sécheresses, tempêtes et maladies qui dévastent les produits des cultures.
Transition : Parce qu’elle est à la fois une aide indispensable et une puissante opposante possiblement au travail humain, la nature est ainsi comme une sorte de divinité à respecter, voire à implorer : si bien que l’on comprend que dans la perspective antique, travailler « contre » elle semble être non seulement impossible, mais encore inconcevable ou offensant. Toutefois, cette impuissance humaine est-elle une fatalité ? Sénèque n’est-il pas aussi le reflet d’une conception antique des choses, possiblement dépassée ou anachronique, soit la soumission de l’ordre humain à l’ordre naturel ? L’humanité, par son ingéniosité, semble bien pourtant en mesure de soumettre la nature à et sa volonté – si du reste la nature a bien une volonté propre et arbitraire, ce dont on peut aussi bien sûr douter…
Déshumanisé, le travail présenté par Simone Weil est-il aussi un travail dénaturé ?
Il est non seulement possible que le travail humain aille à l’encontre de la nature (travail contre la nature), mais aussi qu’il s’en passe complètement (travail sans la nature), dans la mesure où la culture peut tordre ou se passer de la nature.
La conception stoïcienne de Sénèque aboutit à une sous-estimation du pouvoir démiurgique de l’homme. Le travail permet en effet de dominer la nature à travers les progrès techniques : travailler contre le vœu de la nature n’est ainsi plus peine perdue, mais possible voire souhaitable.
Exemple : Un bon exemple de ce pouvoir démiurgique, transformateur de l’humain sur la nature se retrouve bien sûr tout au long des Géorgiques. L’on perçoit, dans le poème virgilien, ce pouvoir violent de la technique humaine pour transformer la nature, prouvant que la volonté humaine peut bien plier l’ordre naturel à ses desiderata. L’exemple de la greffe des espèces, pour les transformer et les améliorer (l’humain change ainsi la nature, preuve de son pouvoir sur elle), au Livre II, est peut-être le plus éclairant : « Cependant [écrit Virgile à propos des espèces arboricoles], si eux-mêmes on les greffe et qu’on les confie, en les transplantant, à des fosses bien ameublies, ils dépouilleront bientôt leur naturel sauvage et, cultivés avec soin, se plieront sans tarder à tous les artifices que l’on voudra ». L’on voit ici bien à l’œuvre ce pouvoir de démiurge de l’humain sur la nature qui ne peut qu’obéir (elle n’a d’ailleurs aucune volonté propre, elle est objet, non sujet).
Transition : Non seulement l’humain peut travailler contre la nature, comme nous l’avons vu ; mais il peut encore travailler sans elle : en effet le progrès humain a conduit à décorréler de plus en plus le travail humain de l’ordre naturel.
Parce que le travail humain peut relever autant, sinon plus, de l’ordre de la culture, que de la nature, il est possible de concevoir un travail humain sans considération de la nature.
Exemple : Le travail moderne se dégage en effet de plus en plus de la nature. Le negotium (travail marchand) dans Par-dessus Bord, la pièce de Michel Vinaver, paraît être un travail dénaturé. Par exemple si l’ordre des saisons (ordre naturel) est évoqué, ce n’est que dans une perspective marketing, commerciale, comme en témoigne l’extrait suivant : « MADAME LÉPINE : Depuis le début janvier c’est calme mais alors c’est calme // LUBIN : Bientôt le printemps madame Lépine // MADAME LÉPINE : Le printemps parlez-m’en // LUBIN : C’est pour vous faire gagner de l’argent ». Le travail humain est ainsi, de plus en plus, un travail sans la nature, dénaturé.
Transition : Cet état des choses laisse cependant apparaître des effets potentiellement indésirables : cet oubli de la nature ne peut-il pas être une des causes de l’oubli du vivant, voire ayant causé, dans une perspective plus contemporaine, le saccage de la nature ? Du reste, est-il bien concevable de vouloir opposer nature et culture ? L’humain ne fait-il pas lui aussi partie de l’ordre du vivant ? N’est-il pas en somme possible et souhaitable de considérer un travail humain non contre la nature, ni même sans, mais plutôt avec elle ?
Le travail marchand (negotium) de Michel Vinaver
La suite de la dissertation corrigée (partie 3 et conclusion) sur Seneque en prépa scientifique, se trouve dans notre application mobile PrepApp. Notre appli mobile est gratuite en téléchargement sur Google Play ou Apple store.
Voici le plan de la partie 3 et de la conclusion que vous retrouverez dans l’application PrepApp entièrement corrigées :
La nature occupe une place omniprésente dans les Géorgiques
Le point de vue de Sénèque une vision cosmologique
Conclusion du thème : travail et nature
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