Dissertation corrigée sur la valeur du travail en prépa
Le Droit à la paresse - Paul Lafargue (1880) - CPGE Scientifique
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Sujet de dissertation : La valeur du travail
Vous trouverez ci-dessous une dissertation rédigée sur le thème du travail en CPGE. Ce sujet est proche des sujets donnés chaque année aux élèves de MP, PC, PSI ou encore MPI et PT aux concours Centrale Supelec, Mines Ponts, CCINP ou encore Polytechnique et ENS.
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Dans son manifeste Le Droit à la paresse (1880), Paul Lafargue, marxiste et gendre de Karl Marx, écrit : « Nos moralistes [les capitalistes, les religieux, les hommes politiques conservateurs] sont gens bien modestes ; s’ils ont inventé le dogme du travail, ils doutent de son efficacité ». À l’appui des œuvres au programme de français de prépa scientifique de cette année, vous vous interrogerez sur ces vertus moralisatrices du travail.
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Définition dynamique des termes du sujet de dissertation
« Ne travaillez jamais ». En mai 1968, sur les murs d’un Quartier Latin en ébullition, figuraient ces inscriptions du groupe situationniste, mené par Guy Debord, l’auteur de La Société du spectacle. Guy Debord revendiquait lui-même l’héritage de Paul Lafargue et de son Droit à la paresse ; et à l’image du gendre de Karl Marx, proposait un autre modèle de société, fondé sur une morale alternative : celle d’un certain hédonisme libertaire, en opposition à une morale considérée comme trop conservatrice et édifiant la « valeur travail » en « dogme » moraliste.
Lafargue fustige ici, avec une certaine ironie, le camp de ces « moralistes ». Nous percevons l’emploi du registre ironico-satirique au moyen de plusieurs indices : tout d’abord l’usage de l’adjectif possessif « nos », qui marque une antiphrase (ce ne sont pas « les moralistes de Lafargue », mais bien ses ennemis, ses contraires). Une deuxième ironie se signale à travers une autre antiphrase, « gens bien modestes » : ce camp des capitalistes n’est justement pas « modeste » au sens financier. Il existe même une double antiphrase : modeste peut signifier sans recherche, sans prétention, dépourvu de faste (ce n’est pas le cas de ces « gens bien modestes) ; modeste peut encore signifier « assez bas dans la hiérarchie sociale » ou « peu fortuné » (idem). L’adverbe « bien » intensifie également l’aspect ironique de l’assertion de Lafargue.
Si ces moralistes ne sont pas des « gens bien modestes », sont-ils mêmes des moralistes ? Là encore, l’ironie de Lafargue peut nous en faire douter. Un moraliste est selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), une « personne qui, sans être écrivain, observe la nature humaine, les mœurs, réfléchit sur elles, et en tire une morale » pour la société. Nous pouvons ici penser à la figure de La Bruyère qui dans Les Caractères, brocardait les mœurs de la cour. Son but serait ainsi d’élever à la morale classique, aristotélicienne (au sens de la pratique de la vertu). Cependant, il y a une différence entre être un véritable moraliste, qui cherche à élever l’âme de ses lecteurs, à stimuler ce qu’il y a de mieux en chacun ; et faire simplement la morale (promouvoir la morale bourgeoise selon Lafargue) ; en somme, un monde sépare la morale et la « moraline » pour reprendre un terme de Nietzsche. Lafargue doute bien en effet de la qualité de véritable moraliste de ces capitalistes, et autres hommes politiques conservateurs.
Il convient du reste également de se demander s’il est même possible de dégager « une » seule véritable morale véritable : ou si la morale, comme le soutient Montaigne par exemple dès le XVIe siècle, n’est pas aussi une donnée bien relative, dépendant avant tout des mœurs et coutumes des pays. Lafargue porterait ainsi une autre morale : celle du marxisme et des ouvriers, contre celles des grands capitalistes. Il y aurait donc trois morales ici : la morale classique, d’Aristote, celle élevant à la vertu ; la morale « bourgeoise », celle des « gens bien modestes », poussant au goût de l’effort, au labeur, pour le bien du profit et de la stabilité de la société ; la morale « marxiste », celle du « droit à la paresse ». Ce choc des trois morales verrait donc une confrontation de trois types de moralistes… dont les moins « efficaces » seraient les « capitalistes ».
Car ces moralistes eux-mêmes, nous dit Lafargue, semblent douter de leurs dires. Ils auraient ainsi « inventé » le « dogme » du travail. Là encore, nous pouvons y voir un paradoxe. Ce « dogme » serait né en même temps qu’eux – non pas au temps des chasseurs-cueilleurs, mais de la société capitaliste. Surtout, un « dogme » n’a pas à être inventé, mais à être révélé : stricto sensu, le « dogme » est une vérité de nature religieuse, établie de manière indiscutable car divine. Ce « dogme », prétendument inébranlable et quasiment de droit divin, serait en réalité ainsi bien fragile. De surcroît, nos moralistes-religieux « doutent » de « l’efficacité » (au sens de « produire les effets attendus ») de leur propre dogme, ce qui est bien le comble pour des prêtres (nous voyons ici de nouveau l’ironie de Lafargue).
Ainsi le propos ironique de Lafargue permet de nouer des liens – que notre auteur dénonce – entre la religion, la morale, et le travail.
Le travail serait entendu davantage au sens du labor et du negotium que d’otium, dans ses répercussions presque sacrificielles, renvoyant à une image de dur labeur ; c’est-à-dire le travail non dans sa dimension liée à l’oisiveté créative (l’otium), celle liée à la pratique de la philosophie, de l’art, de la politique. [N.B. pour une définition plus complète du « travail » en introduction de dissertation, se référer à la dissertation n°1 sur la nécessité du travail pour l’humanité]. Le travail comme labor/negotium serait ainsi le moyen de forger des vertus moralisatrices, fondées sur la protection de l’ordre capitaliste – et in fine sur la protection de l’ordre social. La « fausse morale » du travail de « nos moralistes » serait le prêche pour l’effort, le sacrifice de soi, la stabilité ; mais en réalité, aurait pour but de préserver l’ordre social et la richesse des déjà riches.
Si Lafargue brocarde cette morale bourgeoise du travail, n’y a-t-il pourtant aucune vertu moralisatrice à l’activité travailleuse, comprise dans sa diversité ? Il serait également compréhensible que Lafargue ait un point de vue subjectif, ne serait-ce que par ses liens familiaux avec Marx ; mais Marx lui-même pouvait concevoir une vision positive du travail, libéré des chaînes de la Révolution industrielle.
Lafargue revendique le droit à la paresse et défend la valeur travail
Problématisation par rapport aux œuvres de CPGE scientifique
Comment concilier l’exigence de moralité avec l’exigence d’efficacité du travail ? La moralisation par le travail est-elle seulement un argument hypocrite des classes dominantes, ou bien une réelle possibilité ? Si l’on veut moraliser par le travail, ne faudra-t-il alors pas commencer par moraliser le travail ? Tout en explicitant le point de vue des moralistes puis de celui de Lafargue, il nous faudra également tenter de se départir de la subjectivité des uns et de l’autre, pour tenter d’y voir plus clair dans cette possibilité d’une morale saine du travail – au sens d’une éthique noble et propice à élever la grandeur d’âme ou à faire grandir un individu, une communauté, un pays.
Annonce des axes
En première instance, le travail apparait certes comme une valeur moralisatrice utile et bénéfique, à la fois sur le plan individuel (il développe des vertus saines liées au respect et au goût de l’effort) et collectif (il soude une communauté autour de buts précis) ; et pour les adversaires de Lafargue, il a même l’avantage de conserver l’ordre établi.
- Ce point nous conduit, en deuxième instance, à questionner l’apport moralisateur du travail : au lieu d’élever l’âme, le labor ne la dégrade-t-il pas jusqu’à un point extrême ?
- En définitive, au lieu de vouloir moraliser la société par le travail, il conviendrait davantage de moraliser d’abord le travail pour moraliser la société.
- À condition que le travail ne soit plus subi, mais choisi.
L’oisiveté, la paresse, ne sont-elles pas les portes ouvertes aux vices ?
C’est bien la crainte de la classe dominante quoi qu’il en soit au XIXe siècle.
Le travail peut, certes, être perçu dans un premier temps comme une valeur utile du point de vue de la moralisation de tout un chacun. Il développe des vertus saines, le goût de l’effort, une certaine solidarité sur le plan collectif ; pour les « gens bien modestes » que sont les riches, le travail comporte également des valeurs moralisatrices cachées mais efficaces : le respect de l’ordre établi ; on comprend ainsi qu’il soit élevé au rang de « dogme », ayant, comme la religion, l’utilité d’incarner et de stabiliser l’ordre social.
Le travail sur le plan individuel
Le travail, sur le plan individuel, comporte des vertus moralisatrices certaines qui donnent le goût de l’effort et le respect de la chose bien faite. Il est une nécessité morale, qui peut stimuler des vertus apparemment saines dans le corps et l’esprit de chacun.
Exemple : Cette vision classique du travail comme voie vers la moralisation, est celle retracée par Virgile dans ses Géorgiques. Ces vertus de la vie paysanne sont par exemple éclairées dans le passage suivant du livre II : « Ô trop fortunés, s’ils connaissaient leurs biens, les cultivateurs ! […] Là où ils vivent sont les fourrés et les repaires des bêtes sauvages, une jeunesse dure aux travaux et habituée à peu, le culte des dieux et le respect des pères ». Autrement dit, le travail du paysan permet, pour Virgile, de stimuler « le culte des dieux et le respect des pères », soit le respect des ancêtres et de la religion, et à cultiver la modération des goûts (« habituée à peu »). Pour Virgile, le travail stimule également d’autres vertus morales individuelles : comme le goût de l’effort, l’endurcissement, la volonté de bien faire.
Transition : Ce qui est permis, pour les progrès de la morale, de ce point de vue individuel, l’est-il cependant également d’un point de vue collectif ?
Les valeurs moralisatrices du travail
Dans Les Géorgiques, Virgile décrit les valeurs moralisatrices du travail, qui porte au goût de l’effort, au respect de la religion et au « culte des pères ».
Or le travail permet aussi, sur le plan social, de donner une unité collective ; il a une vocation à moraliser une société, dans le sens où le travail élève vers des vertus de solidarité, de fraternité, de cohésion. Ses vertus sont donc aussi bien collectives qu’individuelles. Son utilité devient alors proche de celle d’un « dogme » : unifier autour d’une foi commune (ou d’une religion au sens de religere, « relier »).
Exemple : « L’aventure » Ravoire et Dehaze, c’est-à-dire le travail de chacune et chacun dans l’entreprise familiale de papier toilette, est présentée de cette manière par Grangier dans Par-Dessus bord : le travail permet de donner le sentiment à un groupe d’hommes qu’ils partagent une cause commune, et ainsi de faire bloc et d’éviter les pratiques morales qui ne sont pas exemplaires – tout en diminuant les risques de déviation morale possible. « C’est la boîte entière qui fout le camp » dit ainsi Grangier, ajoutant : « il n’y a plus de boîte monsieur Olivier il n’y a plus que les gens et les gens c’est jamais très joli quand il n’y a plus de boîte pour leur donner le sentiment qu’ils font quelque chose en commun ».
Transition : Cependant nous nous sommes ici placés du point de vue des gens réellement modestes, des travailleurs, non du point de vue de ces « gens bien modestes » qu’évoque Lafargue avec ironie. Pourquoi donc alors, du côté des « riches » – ceux qui n’ont apparemment pas besoin de travailler – cet éloge du travail ? Comporte-t-il d’autres vertus tenant par exemple au maintien de l’ordre social ?
Le travail un moyen de tranquilliser les classes populaires
Le travail effectivement, en permettant d’occuper l’esprit et le corps des travailleurs, est aussi vu comme un moyen de tranquilliser, voire d’endormir, les classes populaires, afin d’éviter révoltes et séditions. De ce point de vue ses vertus moralisatrices, pour stabiliser la société (la stabilité étant également une vertu sociale possible) sont utiles aux « gens d’en haut » pour maintenir l’ordre en place. Il est ainsi moins question de « morale » digne d’élever l’âme, que de « moralisation stabilisatrice du peuple ». ‘Classes laborieuses, classes dangereuses’ dit l’adage… Dès lors, si le travail est autant porté aux nues par les « gens bien modestes » de Lafargue, voire sacralisé, c’est-à-dire élevé au rang de « dogme », ce serait pour les mêmes raisons que la religion : car le travail, de même que la religion, participeraient à la conservation de l’ordre social.
Exemple : Cette valeur du travail, « cachée » aux gens réellement modestes, et utile aux puissants, est décrite et dénoncée par Simone Weil dans son œuvre. Dans « Expérience de la vie d’usine », elle écrit ainsi que le travail à l’usine est si harassant, si épuisant, si dévitalisant pour l’âme, que le soir venu, l’ouvrière n’a le temps de penser à rien – et surtout pas à la révolution. « Le corps est parfois épuisé, le soir, au sortir de l’usine, mais la pensée l’est toujours, et elle l’est davantage » souligne-t-elle ainsi. « Combien on aimerait pouvoir déposer son âme, en entrant, avec sa carte de pointage, et la reprendre intacte à la sortie ! Mais le contraire se produit. On l’emporte avec soi dans l’usine, où elle souffre ; le soir, cet épuisement l’a comme anéantie. (…). » Ainsi vidé d’énergies et d’inventivité, comment le travailleur pourrait-il avoir suffisamment de forces pour penser, et pratiquer, la révolution ?
Transition vers la partie 2 : Nous comprenons ainsi bien mieux l’ironie de Lafargue : il dénonce l’hypocrisie des « gens bien modestes », qui valorisent le travail non pour ses valeurs moralisatrices en soi, mais pour ses effets sur la stabilité de la société et des richesses établies. Cette « pensée de derrière », pour reprendre un terme pascalien, conduit à nous interroger plus profondément sur la réelle vertu du travail comme valeur moralisatrice : est-ce vraiment le cas ? N’est-ce pas au contraire le travail qui peut corrompre l’âme ?
Le travail déshumanisant et avilissant décrit par Simone Weil
Quid du travail déshumanisant et avilissant décrit par Simone Weil dans les usines Alstom et Renault ? Comment peut-on oser penser qu’il ait quelque vertu morale en l’état actuel ?
Cependant le travail lui-même peut promouvoir une autre morale – une morale de l’immoralité pour l’efficacité. Pire, par sa tendance portant à l’animalisation ou la réification de l’ouvrier, il peut dévitaliser les âmes et aller à l’encontre des fondements mêmes de la morale humaniste. Dès lors, le travail n’est pas le remède, mais la cause de l’immoralité.
L’univers du travail peut être immoral ou amoral
L’univers du travail peut être immoral, ou amoral, et récompenser les méchants ; il porterait ainsi non à la vertu, mais au vice pour des raisons d’efficacité. Dans ces conditions, le travail apparaît non seulement comme impuissant pour moraliser une société, mais comme l’adversaire d’une morale saine (au sens d’Aristote, pour élever à la vertu).
Exemple : La morale classique, aristotélicienne, apparaît ainsi comme l’ennemie de la réussite et de l’efficacité dans la pièce de Michel Vinaver. À titre d’illustration, au téléphone, Ausange, qui doit choisir si l’entreprise Ravoire et Dehaze mérite d’être financée, n’hésite pas à préférer Benoît à Olivier, car le second était trop moral, trop gentil – bref, il n’avait pas les crocs d’un ‘loup de Wall Street’. Cette métaphore du prédateur carnassier est d’ailleurs reprise textuellement par Ausange : « Et puis nous ne sommes pas sûrs que vous êtes personnellement Olivier le manager qui convient dans une situation comme celle-ci j’ai pour vous la plus vive estime personnelle mais vous êtes mon cher un patron pour temps paisibles donc une condition que nous mettons à la souscription de ce prêt c’est la remise des pouvoirs à Benoît qui nous paraît être plus méchant que vous or il nous faut un méchant bonhomme qui aime mordre » lance-t-elle ainsi. L’univers du capitalisme contemporain apparaît effectivement comme un univers de prédateurs, de cannibales sans morale, pour reprendre le thème d’une autre pièce de Michel Vinaver (L’Ordinaire, des PDG pratiquaient le cannibalisme pour pouvoir survivre !).
Transition : « La morale » capitaliste, si elle est soumise au dogme de l’efficacité, serait ainsi bien le contraire de la « morale » classique, aristotélicienne, soumise à la pratique de la vertu : car si Montaigne nous a appris qu’il y avait une morale occidentale et une morale des « indigènes », peut-être existe-t-il aussi une morale antique et classique, et une morale des Trente Glorieuses et du capitalisme de la deuxième moitié du XXe siècle.
Cependant, si l’on se replace bel et bien du point de vue de la morale classique, celle qui doit pousser à élever l’âme en développant ce qu’il y a de plus noble en elle, le travail contemporain serait ainsi, par destination, immoral – par les conditions qu’il nécessite pour sa réussite. Mais le travail n’est-il pas également, par nature, et au préalable, immoral au sens où il dégrade l’humaine condition ?
La morale humaniste
Au sens de la morale humaniste de la grandeur de la dignité humaine, celle de Pic de la Mirandole, le travail, dans certaines conditions, est immoral en soi (non pas seulement par les conditions qu’il requiert en soi) en ce qu’il avilit l’être humain ; il n’est pas synonyme de moralisation, mais au contraire de dégradation des qualités de l’âme. Le travail n’élève pas l’âme, mais au contraire peut l’abaisser au dernier degré dans ses conditions même d’exercice.
Exemple : Cet avilissement de l’âme est bien entendu décrit par Simone Weil tout au long du recueil. Le travail dans l’usine va en effet jusqu’à nier la dignité de l’ouvrier. Imagine-t-on un objet ou une simple force mécanique capable de morale ? Or non : on lui demande simplement d’exercer une force physique pour le bénéfice de la production. C’est précisément à cette simple force physique qu’est réduit l’ouvrier selon Simone Weil. « Que reste-t-il aux ouvriers ? Il leur reste l’énergie qui permet de faire un mouvement, l’équivalent de la force électrique ; et on l’utilise exactement comme on utilise l’électricité » écrit-elle ainsi dans « La Rationalisation. » L’intérêt du capitaliste n’est dès lors pas de « moraliser » l’ouvrier, cela est hors-sujet : il s’agit simplement de tirer profit de la force physique de l’ouvrier réduit à un objet.
Transition : C’est justement parce que le travail est avilissant qu’il avilit les mœurs : le travail tel qu’il existe n’est ainsi pas le remède à l’immoralité, mais sa cause première. Cependant, nous prenons ici le terme du travail sous l’angle du labor, du travail harassant, celui presque de l’esclave antique ; qu’en est-il de l’otium ? Le goût des lettres, le travail et la pratique artistiques, le refuge dans l’art, ne peuvent-ils pas servir à moraliser les travailleurs bien davantage ?
L’otium peut-il être une échappatoire possible pour échapper à l’horizon avilissant du labor quotidien ?
En vérité, à cause de cet avilissement du travailleur dans le labor, l’otium, le recours à l’art et la pratique artistiques, sont eux-mêmes rendus impuissants dans le but de moraliser la société. L’immoralité de l’otium (le travail artistique) est elle-même causée, non vaincue, par le travail (sous l’angle du labor) – du moins le travail tel qu’il existe, non tel qu’il devrait être.
Exemple : C’est ce raisonnement précisément que tient Simone Weil dans « Condition première d’un travail non servile. » La mise en esclavage de l’ouvrier le conduit certes à chercher des échappatoires dans l’otium, dans le recours à l’art ; mais cet otium est lui-même empli de « vices », il ne contribue pas à moraliser les travailleurs, mais aggrave sa situation sur ce plan. C’est ainsi que le travailleur, explique Simone Weil, quand il lit, va surtout lire des romans poussant à la débauche et des films mettant en avant les pires pratiques vertueuses : « La débauche a exactement la fonction d’un stupéfiant, et l’usage des stupéfiants est toujours une tentation pour ceux qui souffrent. (…) Le goût des romans et des films policiers, la tendance à la criminalité qui apparaît chez les adolescents correspond aussi à ce besoin. » Pour Simone Weil, la cause de cet avilissement de l’otium n’est pas un mystère : elle vient directement des conditions générales d’existence du travailleur. « La nécessité est partout, le bien nulle part. Il ne faut pas chercher de causes à la démoralisation du peuple. La cause est là ; elle est permanente ; elle est essentielle à la condition du travail. Il faut chercher les causes qui, dans des périodes antérieures, ont empêché la démoralisation » écrit ainsi Simone Weil plus haut, dans le même chapitre.
Transition : Dès lors, si l’on veut que le travail, comme otium, labor ou negotium, joue réellement son rôle moralisateur – s’il est seulement en mesure de le faire – comment concilier l’exigence de moralité avec l’exigence d’efficacité du travail ? Pour moraliser la société, comment faire en sorte de moraliser le travail ? A-t-on même besoin des vertus moralisatrices du travail pour parvenir à ce but ?
Le combat des classes bourgeoise de Paul Lafargue
La suite de la dissertation corrigée (partie 3 et conclusion) sur le droit à la paresse en prépa scientifique, se trouve dans notre application mobile PrepApp. Notre appli mobile est gratuite en téléchargement sur Google Play ou Apple store.
Voici le plan de la partie 3 et de la conclusion que vous retrouverez dans l’application PrepApp entièrement corrigées :
L’absence de travail semble parfois davantage profiter aux bonnes mœurs
Le travail peut être une source de moralisation positive
La grève solidaire des ouvriers (ou l’espérance chrétienne) chez Simone Weil
Conclusion du thème : le Droit à la paresse
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