L'enfance : thème de français en prépa scientifique 2022
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Le programme de français pour les prépa scientifiques (MPSI, PCSI, PTSI, BCPST, MP2I, MP, PC, PSI et PT) a été dévoilé dernièrement. Le thème sera ainsi « L’enfance. » Les trois œuvres au programme de CPGE sur l’enfance qui seront à étudier et à employer pour les épreuves écrites aux concours sont désormais connues. Il s’agit :
• Emile (Livres 1 et 2) de Jean-Jacques Rousseau
• Aké les années d’enfance de Wole Soyinka (réédition attendue aux éditions Belfond)
• Contes d’Andersen, traduction par Marc Auchet (Livre de Poche classique n°16113).
Lire aussi : Cours de français en prépa scientifiques
Si vous envisagez une préparation rigoureuse et sur mesure pour aborder ces œuvres et le thème de l’enfance avec succès, des cours de français adaptés à votre programme de CPGE peuvent vous aider à acquérir une compréhension approfondie de ces textes, à développer vos compétences d’analyse littéraire et à vous préparer de manière optimale aux épreuves écrites et orales des concours.
N’hésitez pas à consulter notre article sur les citations des œuvres en CPGE sur l’enfance que vous pourrez utiliser en dissertation.
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L’enfance : une analyse définitionnelle
Il y a 75 ans, après les terribles drames de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale se réunissait pour instituer le « Fonds des Nations unies pour l’enfance », désormais connu sous le nom de l’Unicef.
Il s’agissait là d’une nouvelle percée majeure pour les droits de l’enfant, dans un second XXe siècle qui sera riche en la matière (nous le verrons plus loin) avec en guise de « cerise sur le gâteau », la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
Aujourd’hui, avec la pandémie de Covid-19, les droits de l’enfant sont menacés d’une régression sans précédent. Comme le rappelle l’Unicef sur son site Internet : « 463 millions d’enfants dans le monde n’ont pas eu accès à l’enseignement à distance lorsque leur école était fermée. » De plus selon l’UNESCO, 24 millions d’enfants ne pourraient jamais retrouver leurs classes après la pandémie, dont 11 millions de filles. Enfin, s’agissant des violences faites aux enfants, l’Unicef précise que « 13 millions de mariages d’enfants sont prédits dans les 10 prochaines années, s’ajoutant aux 150 millions de cas déjà prévus pour cette même période, tandis que 4 millions de filles pourraient être mariées avant leurs 18 ans dans les deux prochaines années ». Cette situation est directement liée aux situations de confinement qui ont justement « confiné » des enfants avec leurs agresseurs.
Toutes ces données servent d’accroche à cet article de présentation du thème de français en CPGE : elles pourraient tout aussi bien illustrer quelques copies en guise de « captatio benevolentiae » le jour du concours !
Un article défini et un usage du singulier trompeur ?
En comparaison du thème de l’année précédente, « La Force de vivre », « L’enfance » semble relativement plus classique et facile à envisager comme domaine d’étude – ce qui n’est bien sûr qu’une évidence apparente.
Il s’agit d’abord de remarquer que l’article défini « Le » ou « L’ » a été préféré à l’article indéfini « un » ou « une ». De même le singulier est utilisé plutôt que le pluriel (« L’enfance » plutôt que « Les enfances » ou « Des enfances »). De fait, l’enfance est aussi traitée de manière unique, comme si une seule conception de l’enfance se diffusait à travers les trois œuvres au programme de prépa scientifique sur l’Enfance, ce qui, on l’aura compris, est difficilement soutenable.
Ainsi malgré l’article défini et le singulier, il faudra garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’étudier « l’enfance » en soi, comme un concept substantivé, mais comme une réalité fondée sur la diversité des vécus, des approches et des théories différenciées de l’enfance. En somme l’enfance est diverse, multiple, et non unique.
« L’enfance » : voir aussi son acception polysémique ou métaphorique
L’enfance : à partir de quel âge ?
Malgré la simplicité apparente du terme, il ne faut pas perdre de vue son usage polysémique et potentiellement métaphorique : les correcteurs, eux, ne l’ignoreront certainement pas quoi qu’il en soit ! Il sera ainsi utile, dans une introduction, de rappeler le cas échéant les multiples définitions de l’enfance.
L’enfance est tout d’abord, cela va de soi (selon le CNRTL et le Larousse), le mot résumant la première période de la vie, soit les « premières années de la vie d’un être humain jusqu’à l’adolescence ». Mais à quel âge devient-on enfant ? À quel âge cesse-t-on de l’être pour devenir par exemple adolescent ?
D’un point de vue étymologique, l’enfance devrait se limiter aux toutes premières périodes de la vie, puisque « l’in/fans » est celui, en latin, qui ne parle pas.
Cependant, cette conception de l’enfance s’est étoffée par la suite. La Convention des droits de l’enfant précédemment citée nous livre une réponse : l’enfance va de la naissance à 18 ans. Ainsi l’adolescence est incluse dans cette définition (cette dernière sous-période allant de 10 à 19 ans). Pour l’OMS, l’enfance se limite à la période des 0 à 10 ans (l’adolescence suit alors). Quel méli-mélo juridique !
Que disent nos dictionnaires ? L’Académie française précise que l’enfance s’étire jusqu’à « douze ans environ » ; le Littré, jusqu’à « treize ou quatorze ans » ; quant au Larousse il tranche dans la même direction : « Période de la vie humaine qui va de la naissance à l’adolescence ». Certains spécialistes distinguent aussi la « première enfance » (de 0 à 3 ans) de la seconde enfance (jusqu’à 12 ou 13 ans).
De cela retenons ceci : l’enfance serait la période allant potentiellement de 0 à 18 ans, mais avec un accent fortement mis sur la période préadolescente, de 0 à 12 ans. C’est d’ailleurs dans cette tranche d’âge que les années de l’éducation d’Émile chez Rousseau se jouent, ou bien à cet âge que l’on lit les contes d’Andersen.
Il existe également un usage métonymique de l’enfance : selon le CNRTL, il s’agirait alors d’envisager « les enfants pris dans leur ensemble ». C’est cette acception que l’on retrouve dans le titre même de Fonds des Nations unies pour l’enfance (les enfants de toute l’humanité).
Les approches polysémiques et métaphoriques du thème
Il est important cependant de ne pas se limiter à ces approches purement centrées sur l’âge au moment de définir le thème de l’enfance.
En effet, deux autres acceptions de l’enfance peuvent et doivent être soulignées, ayant une approche plus métaphorique.
L’enfance peut tout d’abord être synonyme de « manque de maturité, naïveté, innocence » (CNRTL) ; renvoyer ainsi à un statut d’inaptitude, de minorité, d’inachèvement ; de comportements puérils et non-autonomes. C’est ainsi que l’on dit de certaines personnes âgées qu’elles « retombent en enfance » (avec le sens péjoratif de « retomber » et de « enfance »), quand elles ne sont plus en état d’autonomie et que symboliquement, il faut à nouveau changer leurs couches. C’est aussi le cas de certains aliénés, dont on dit qu’ils se comportement « comme des enfants ».
Ainsi il existe un côté péjoratif et « sombre » de l’enfance ; et de même, l’enfance (ou le comportement infantile) peut concerner aussi des personnes adultes et âgées. L’aspect infantile de l’enfance, avec ses comportements erratiques en la matière, devront en somme être abordés dans les dissertations.
L’enfance : le commencement, la naissance de quelque chose
Il existe enfin une troisième acception, métaphorique, de l’enfance qu’il faut retenir. L’enfance, c’est aussi « le commencement », la « naissance » de quelque chose, d’un art, d’une idée, d’un concept.
C’est ainsi que Lascaux est synonyme de « l’enfance de l’art » dans les acceptions courantes des paléontologues. Le CNRTL signale par exemple aussi cette citation de l’orientaliste Volney, qui évoquait « l’enfance des nations » – celui de l’état de nature, « quand les hommes encore dans les forêts, soumis tous aux mêmes besoins, doués tous des mêmes facultés ».
Dès lors ne perdons pas de vue la triple acception de l’enfance en abordant ce thème de CPGE 2021-2022 : période de la vie, manque de maturité, et naissance ou commencement.
Conceptions historiques et philosophiques de l’enfance
L’enfance : la révolution historiographique de P.Ariès
Cette analyse définitionnelle ayant été menée, il reste à faire le point sur l’évolution historique du concept « d’enfance ». Il s’agit là d’un passage obligé car « l’enfance » est presque une création contemporaine – autrement dit, par le passé, le statut de l’enfant, sa reconnaissance en tant qu’enfant, était loin d’être une évidence, comme nous allons le voir à travers cet examen historique.
Du point de vue historiographique, les études relatives à l’enfance ont longtemps été laissées de côté ou ignorées par les historiens. C’est avec la montée de l’histoire sociale ou l’histoire d’en bas, succédant à l’histoire-bataille (étudiant uniquement les grandes guerres ou les grands hommes) que l’enfance est apparue comme un sujet historique d’importance.
Si l’on ne devait retenir qu’un seul nom d’historien ayant étudié l’enfance, ou un livre sur le sujet, la réponse serait évidente : Philippe Ariès, auteur, en 1960, d’un livre fondateur sur le sujet, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. C’est ce livre (dont les conclusions sont certes aujourd’hui relativisées) qui a fait surgir l’enfance comme sujet historique à part entière.
La thèse de P.Ariès peut ainsi se résumer. Pendant fort longtemps (jusqu’au XVIIIe siècle), l’enfance était un concept qui n’existait pas, l’enfant n’était pas reconnu comme tel ; il était perçu comme un adulte en miniature. Cela n’excluait ni affection ni tendresse des parents, mais « le sentiment de l’enfance » ou sa spécificité était placé dans ce qu’Ariès appelle une sorte de « quarantaine ».
Du point de vue philosophique, Laurent Bachler (« Trois conceptions philosophiques de l’enfance », Spirale, 2016/3 (N° 79), p. 48-57) fait du reste le même constat sur cette « ignorance de l’enfant » a priori : « Si toute l’histoire de la philosophie se ramène à une entreprise pour répondre à la question : qu’est-ce que l’homme ? [selon l’interrogation fondamentale de Kant sur la philosophie], alors il est possible que toute la philosophie ne soit qu’une tentative pour en finir avec l’enfance, pour régler ses comptes avec elle. » L’auteur reconnaît cependant que la philosophie de l’enfance apparaît « à différents moments » dans le déroulé de l’histoire philosophique, notamment chez Platon, Descartes et Nietzsche, que ceux qui auront travaillé le thème de l’an dernier connaissent bien !
Au XVIIIe siècle cependant selon Ariès, un changement d’ampleur se met alors en place : l’enfant commence à être l’objet d’une reconnaissance en tant que tel, d’un surinvestissement affectif. Ce siècle n’est pas anodin : c’est celui de l’écriture de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau. Ariès relie cette évolution au changement du modèle familial, passant d’un modèle plus nucléaire et fermé, à un modèle plus malthusien, avec une réduction des naissances et donc une augmentation proportionnelle de l’attention portée aux enfants. Les progrès de la médecine, avec la chute de la mortalité infantile, expliquent aussi cette attention augmentée portée aux enfants – on s’attache d’autant plus aux enfants s’ils meurent moins vite…
Cette évolution pour Ariès se marque de manière très claire dans une liste d’ouvrages publiées au tournant de 1700. L’historien cite par exemple le Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont nouvellement accouchées du chirurgien François Mauriceau (1668), La Belle éducation de l’abbé Laurent Bordelon (1694), ou De l’Éducation des enfants du philosophe John Locke (traduit en 1695), et dont Rousseau s’est en partie inspiré. En somme, l’enfance devient un sujet d’attention, ce qui est une vraie révolution.
Par la suite, Ariès a tenu à relativiser ses travaux. Il a ainsi montré que l’enfant était tout de même plus considéré qu’il ne le pensait au Moyen- Age, plus aimé que ce que sa thèse initiale le laissait penser. De même, les violences sur l’enfance, depuis l’Antiquité, avaient toujours été dénoncées ou combattues – mais elles n’en demeuraient pas moins fréquentes en raison de ce manque de reconnaissance de l’enfance.
Un tour d’horizon historique et philosophique des enfants
Sous l’Antiquité : une condition peu enviable
Ainsi si l’on évoque plus brièvement les grandes tendances historiques de l’enfance, l’Antiquité doit être vue comme une période de non-reconnaissance et de faiblesse pour les enfants.
Comme nous l’avons mentionné, le terme d’enfant est très péjoratif et nous vient du latin : « in/fans », celui qui ne parle pas (ce qui a donné par exemple « infantile » dans ce sens péjoratif). Par ce nom même, la civilisation romaine affirme le statut d’être inférieur de l’enfant, qui est considéré presque comme un individu sauvage, en tout cas largement inaccompli. Comme le signale Emmanuelle Valette-Cagnac, (« Être enfant à Rome. Le dur apprentissage de la vie civique », Terrain, n° 40, pp. 49-64.), il existe un « rejet de l’enfant du côté de l’animalité à Rome », qui « s’explique en particulier par son incapacité à parler un langage articulé ». Il est marqué par sa faiblesse (imbecilitas), ou sa corruption (mollitia). Dans la Rome antique, l’enfant n’a ainsi pas de droit ou statut légal. Le pater familias a même droit de vie et de mort (la patria potestas) et il n’est pas rare de voir des enfants abandonnés.
Il n’est donc pas surprenant de voir que les taux d’infanticide et d’abandon des enfants soient dramatiquement élevés à Rome, jusqu’à 40 % des nouveau-nés. Dans le même esprit, les châtiments corporels ne sont pas rares à l’école (quand les enfants y vont). Cependant, là encore, cela n’exclut pas de nombreuses marques d’affection et de tendresse. Notons enfin que les filles au statut encore inférieur, sont encore moins valorisées que les garçons, et sont plus affectées par l’abandon et l’infanticide.
Du point de vue philosophique, cette acception se traduit sans surprise dans les textes gréco-antiques. Chez Platon par exemple, dans le Ménon, l’enfant est parfois rapproché, dans sa conception même, de l’esclave, de l’animal ou du fou, dans les comparaisons dressées par Socrate. « Il y a ainsi une hésitation entre l’enfant et l’esclave ; quoiqu’il en soit l’enfant est bien décrit comme une figure de l’ignorance, celui non seulement qui ne parle pas, selon l’étymologie, mais qui ne sait rien. Il y a donc une proximité entre ces derniers. L’âge classique rapprochera l’enfant de l’animal ou du fou, la philosophie antique rapprochait l’enfant de l’esclave » note Laurent Bachler, analysant l’œuvre platonicienne.
Au Moyen âge et à la Renaissance : la marche du progrès
Un changement de cap progressif se construit avec la christianisation de l’Europe. Au Moyen Âge, l’enfant n’est plus considéré comme un être imparfait et parfois méprisable, mais comme un « petit homme » en devenir – même si aucune distinction ne sépare clairement l’enfance de l’adulte. Le christianisme promet ainsi le paradis aux enfants (baptisés) et les enfants sont même invités à participer aux rites religieux (l’image du Christ enfant, et de la Vierge le portant, aident aussi). Par la législation, ces progrès se font marquants dès les premières années de l’Empire romain chrétien. Par exemple Valentinien Ier, empereur de Rome, fait considérer en 374 l’infanticide comme un meurtre à part entière, punissable d’une peine capitale.
Le Moyen Âge tardif commence à porter une attention plus soutenue aux enfants, en distinguant plusieurs étapes chronologiques dans sa « transformation » en adulte. L’infantia couvre ainsi les 7 premières années de la vie ; la pueritia court de 7 à 12 ans (14 pour les garçons) : c’est le moment de l’apprentissage du métier ; l’adolescentia est la période allant de 14 ans à 21 ans environ où l’enfant devient apprenti et homme.
La Renaissance et le protestantisme voient une accélération de l’attention portée à l’enfance. Le philosophe humaniste Érasme en particulier écrit des traités de pédagogie, signalant l’importance du rôle des parents dans l’éducation des enfants ; il rappelle aussi l’importance de l’éducation, car l’enfant est un être à qui on peut tout apprendre – il le compare à la cire d’une bougie que l’on peut modeler à sa guise ; Érasme critique enfin les châtiments corporels sur les enfants, en particulier à l’école qu’il compare… à des salles de torture.
Ce regain d’intérêt se perçoit nettement dans les œuvres artistiques de la Renaissance, où les peintres sont de plus en plus nombreux à représenter des enfants. De même les progrès de la législation traduisent cette évolution. Au Royaume-Uni, les Poor Law, dès 1597, donnent pour mission aux paroisses de prendre en charge les enfants pauvres ou abandonnés, et des premiers hôpitaux pour enfants ouvrent à Londres aux alentours de 1610. En France, l’hôpital des Enfants-Trouvés voit lui le jour en 1638 à Paris.
Cependant, la conception « régressive » de l’enfance continue de perdurer, notamment dans la philosophie. Ainsi pour Descartes, comme pour Platon des siècles et des siècles auparavant, l’enfant reste résumé à sa fonction d’ignorance. « Nous avons tous été enfant avant que d’être homme » martèle Descartes dans une célèbre formule du Discours de la méthode. En somme l’enfance est perçue comme la métaphore de la bêtise ou de l’erreur, de l’ignorance et des préjugés. Alors que la philosophie cartésienne est fondée sur le doute, l’enfant est au contraire l’incarnation de la naïveté et de la candeur coupable. De même que Freud invite chacun à « tuer le père », de même pour Descartes il s’agirait de tuer l’enfant qui est en nous (au sens métaphorique d’ignorance).
Les Lumières ou la révolution de l’enfance
Cette accélération de la reconnaissance du statut de l’enfance ne fait que s’accroître à partir du tournant de 1700. La date du traité de Locke sur l’enfance, à la fin du XVIIe siècle, a ainsi été déjà signalée. De même il est significatif de voir qu’un nouveau marché prend son essor : celui du jouet – ce qui traduit une attention accrue portée aux enfants, en même temps qu’une reconnaissance des besoins particuliers de l’enfance en tant que tel. C’est dans ce mouvement de « littérature enfantine » que s’inscrit l’écriture des Contes d’Andersen dans les années 1830. De même, les peintres sont de plus en plus nombreux à représenter des enfants, et à le faire d’une manière positive, en mettant en valeur non leur stupidité, mais leur innocence, leur candeur.
Sur le plan philosophique, cette conception nouvelle se traduit dans les écrits de Dumarsais dans l’Encylopédie, ou dans le traité de Condillac, philosophe matérialiste des Lumières, sur l’enfance. Pour Condillac, l’enfant est ainsi une promesse et est tout à fait disponible pour faire les apprentissages nécessaires pour progresser – il faut donc le traiter dans tout son potentiel d’intelligence. Dans le même esprit, Condorcet, autre philosophe des Lumières, croyant dans l’optimisme de la société, dans son progrès, construit un plan d’instruction publique générale et incite les familles à éduquer les enfants, à les envoyer à l’école.
C’est ainsi dans ce contexte que s’inscrit l’Émile de Rousseau, en 1762. Rousseau y défendra, nous le verrons plus tard, cette originalité spécifique de l’enfance, sa perfectibilité (capacité à s’améliorer) correspondant parfaitement à ce tournant des Lumières et à la révolution décrite par Ariès.
La Révolution industrielle : une réaction après une régression
Mais ces progrès de l’enfance viennent se heurter aux réalités de la révolution industrielle, qui aboutit à une régression pour les enfants. En effet pour industrialiser l’Europe, pour extraire du charbon, il faut des bras ! Et ceux des enfants sont pratiques pour se glisser dans les plus petits recoins des mines… Dès lors la condition de l’enfant se dégrade, avec plus de 15 heures de travail par jour, un salaire misérable, et bien entendu une santé qui décline. Les taux de scolarisation, qui progressaient, diminuent. La pauvreté des enfants augmente, comme le signale Victor Hugo dans son Discours sur la misère de 1849 : « Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver. » Les filles sont bien plus discriminées que les garçons : la mortalité infantile reste élevée et les abandons des filles sont toujours plus nombreux que ceux des garçons.
Ces régressions vont faire heureusement réagir, et aboutir à des séries de lois plus protectrices. La Loi Falloux de 1849 en France conduit à l’ouverture de nombreuses écoles de filles (obligatoires) dans les communes de plus de 500 habitants. En 1874, une loi réduit la durée de travail des enfants et proscrit l’embauche d’enfants de moins de 12 ans dans les ateliers de filature. Surtout, les lois Ferry vont rendre la scolarisation laïque et obligatoire dans les années 1880, ce qui aboutit au plus grand progrès positif de la période. En 1898 enfin, une loi réprime plus fortement les violences faites aux enfants. La scolarisation obligatoire progresse dans toute l’Europe, en parallèle. En outre, il est significatif de voir que la pédiatrie est reconnue comme discipline médicale scientifique à part entière, avec par exemple la création d’une chaire sur la question à Berlin en 1894.
Le XXe siècle, le siècle de l’enfant ?
La marche du progrès, bien lancée, ne va pas s’arrêter. Pour reprendre la prédiction de la féministe Ellen Key de 1900, le XXe siècle fut en effet, à bien des égards, le « siècle de l’enfant ». Cette reconnaissance se matérialise d’abord dans le droit, et plus précisément dans le droit international pour bien marquer le caractère universel des droits de l’enfant – ne dépendant donc d’aucune particularité culturelle. Dès 1919 à la Société des Nations, l’ancêtre de l’ONU, est créé le Comité de protection pour l’enfance. En 1923, la philanthrope britannique Eglantyne Jebbs rédige une « déclaration des droits de l’enfant » sur le modèle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui aboutira à la création de l’Union internationale de secours de l’enfant, une organisation pionnière. Cependant, même si les droits universels progressent beaucoup dans l’immédiat après-Guerre (avec la fondation de l’ONU en 1944), il faudra patienter plus longtemps pour voir les droits de l’enfant universels s’imposer aux côtés des droits de l’homme universel. Il faudra tout simplement attendre le 20 novembre 1989 soit plus de 40 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour que soit adoptée un texte majeur, la Convention internationale des droits de l’enfant.
Cette Convention étend ou garantit en quelque sorte la déclaration universelle des droits de l’homme aux enfants. Elle reconnaît, dans son préambule, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ainsi que l’égalité et le caractère inaliénable de leurs droits sont le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». La Convention rappelle aussi « l’importance des traditions et valeurs culturelles de chaque peuple dans la protection et le développement harmonieux de l’enfant » (cet aspect de diversité culturelle est du reste très important pour le livre d’Aké les années d’enfance, de Wole Soyinka.)
Cette reconnaissance du droit de l’enfant doit beaucoup à l’œuvre philosophique de Janusz Korczak, un médecin-pédiatre et écrivain polonais, marqué par l’image des enfants de Treblinka (il fut déporté par les nazis). « Les enfants, disait Janusz Korczak, ne sont pas des personnes en devenir, mais des personnes à part entière. […] L’inconnu qui sommeille en eux est notre espoir pour l’avenir. » Ainsi l’on voit bien l’achèvement du progrès de la considération des enfants en tant qu’enfants dans cet extrait du philosophe et pédagogue polonais : le processus décrit par Ariès arrive alors à son terme.
Cependant, la situation des enfants dans le monde, si elle a progressé du point de vue juridique, ne se traduit pas, dans les faits, par un constat tout aussi réjouissant. Les chiffres de l’Unicef mentionnés en introduction le rappellent suffisamment. On peut rajouter à ce constat le fait que (selon les chiffres des Nations Unies) :
- La moitié des enfants – soit près d’un tiers de la population mondiale – vit dans la pauvreté.
- Au moins un enfant sur cinq dans le monde est victime de violences sexuelles.
- Les enfants réfugiés, risquent cinq fois plus que les autres de ne pas pouvoir aller à l’école.
- Les jeunes filles pâtissent d’inégalités en moyennes plus prononcées, en particulier dans les sociétés plus traditionnelles, notamment africaines, où les pratiques d’excision, de mariage forcé, de grossesses précoces et forcées, nuisent à l’éducation et à l’émancipation des filles.
Ce dernier point permet de souligner que même si les trois œuvres au programme concernent a priori surtout des enfants garçons, l’aspect genré de la question ne devra pas être oublié.
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