Nous vous proposons ici 4 sujets de dissertations sur le thème de la démocratie, au programme 2020 des épreuves de français-philo en prépa scientifique. Le sujet 3 est entièrement corrigé. En espérant que cela vous sera utile dans vos révisions pour éviter des erreurs en français aux concours. Vous vous rendrez compte que pour performer en dissertation il faut lire les œuvres au programme, mais cela ne suffit pas, il faut savoir les faire communiquer entre elles.
Si vous ressentez le besoin, vous pouvez faire appel à des cours de français à domicile ou des cours particuliers de philosophie pour vous aider à mieux comprendre les concepts et mieux comprendre ce qui est attendu de vous en termes de méthodologie de la dissertation.
Sujet de dissertation sur la démocratie n°1 : l’exemple d’une citation longue
Dans De L’Esprit des lois, Montesquieu écrit que « Une autre espèce de démocratie, c’est celle où toutes les autres caractéristiques sont les mêmes, mais où c’est la masse qui est souveraine et non la loi. C’est le cas quand ce sont les décrets qui sont souverains et non la loi. Cela arrive par le fait des démagogues. […] Là où les lois ne dominent pas, alors apparaissent les démagogues ; le peuple, en effet, devient monarque, unité composée d’une multitude, car ce sont les gens de la multitude qui sont souverains, non pas chacun en particulier mais tous ensemble. […] Donc un tel peuple, comme il est monarque, cherche à exercer un pouvoir monarchique, parce qu’il n’est pas gouverné par une loi, et il devient despotique, de sorte que les flatteurs sont à l’honneur, et un régime populaire de ce genre est l’analogue de la tyrannie parmi les monarchies.
C’est pourquoi le caractère de ces deux régimes (Le premier est “l’autre espèce de D” soit la monarchie où le peuple est une “masse” et l’autre est la tyrannie) est le même, tous deux sont des despotes pour les meilleurs, les décrets de l’un sont comme les ordres de l’autre, et le démagogue et le courtisan sont analogues et identiques. Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie. »
Discutez le propos de ce philosophe à la lumière de votre lecture des œuvres au programme du thème 2020 sur la démocratie.
La glose du sujet de dissertation en démocratie : définition des mots-clés et explicitation de l’idée générale
Introduction dissertation démocratie : la recherche des mots-clés :
PHRASE 1 – > 1. “autre espèce de démocratie” / 2. “autres caractéristiques” / 3. “la masse” / 4. “la loi”.
- Cette expression sous-tend que la démocratie n’est pas forcément un concept unique et indivis même si on aurait pu le penser au premier abord.
- Tous les éléments de définition sont identiques sauf ceux énoncés dans la proposition relative introduite par “où” (pronom relatif qui reprend “autre espèce de démocratie”).
- + 4. La différence de cette “autre espèce” consiste en ce que le pouvoir soit aux mains de la “masse” et non de la “loi”.
PHRASE 2 -> “décrets” désigne une décision arbitraire sans le consensus du vote que nécessite une “loi”.
PHRASE 3 -> 1. “démagogues” -> désigne celui qui dit aux “gens” ce qu’ils veulent entendre. (Étymologiquement : celui qui mène le peuple selon son bon vouloir)
PHRASE 4 -> 1. “le peuple devient monarque” / 4. “unité composée d’une multitude” / 3. “les gens de la multitude qui sont souverains” / 2. “Là où les lois ne dominent pas, alors apparaissent les démagogues”
- + 4 Le peuple devient monarque car il n’y a plus d’individualisation : c’est un tout, une unité. Cela rappelle le mot de “masse” très péjoratif. On sent le désaveu de Montesquieu.
- Quand les décrets supplantent la loi c’est là que les démagogues entrent en jeu : l’opinion devient trop importante.
PHRASE 5 -> 1. “un tel peuple… devient despotique” / 2. “cherche à exercer un pouvoir monarchique, parce qu’il n’est pas gouverné par une loi” / 3. “les flatteurs sont à l’honneur” / 4. “et un régime populaire de ce genre est l’analogue de la tyrannie parmi les monarchies”
- + 2 Un peuple, lorsqu’il n’est pas gouverné par une loi, devient despotique ; ce dernier terme s’oppose à “monarque” en ce qu’un despote a une volonté d’assujettissement de ceux qu’il gouverne. Il y donc une notion de danger ici.
- “populaire” = “qui plaît au peuple” ou “qui vient du peuple”. Un régime POUR (idée de la flatterie qui infléchit ledit peuple pour le profit du flatteur) le peuple et PAR le peuple.
PHRASE 6 -> Montesquieu développe l’analogie monarchie (= autre espèce de démocratie) / tyrannie : décrets / ordre, démagogue (flatte le peuple souverain) / courtisan (flatte le tyran)
PHRASES 7 et 8 -> Dans la démocratie qui n’est pas cette “autre espèce de D”, le peuple a élu des représentants. Ceux-ci permettent d’éviter le travers des décrets dénoncés par Montesquieu. En Effet, eux “sont capables de discuter les affaires”. La démocratie représentative, parce qu’elle s’appuie sur une constitution, ne risque donc pas de verser dans la tyrannie.
Propositions de problématiques de la dissertation démocratie n°1
Faites par des élèves du stage en maths spé et stage maths sup :
- Les représentants peuvent-ils éviter la dérive de la démocratie vers un régime despotique ?
- Quelles causes peuvent mener le peuple d’une démocratie vers le despotisme? (Quels éléments font que le peuple en démocratie peut tendre vers le despotisme ? (problème: faire: verbe pauvre)) faire : verbe vicaire.
- Quelle est l’importance des lois en démocratie ? // À quel point les lois sont-elles importantes dans une démocratie ? La démagogie est-elle inhérente à la démocratie ?
- Faut-il que le gouvernement d’un peuple démocratique soit mené par la globalité ou une portion élue/choisie de celui-ci ?
- Existe-t-il une forme de démocratie exempte de tout attrait vers la tyrannie ? La démocratie que plébiscite Montesquieu est-elle vraiment exempte de tout attrait vers la tyrannie parce qu’elle est représentative ?
Proposition finale de problématique faite par le prof qui donne cours en stage :
Nous pouvons nous demander si la démocratie, bien qu’elle mette par définition le pouvoir aux mains du peuple, demeurerait éloignée de la tyrannie en restreignant la souveraineté dudit peuple par le biais de ses représentants élus.
La multitude n’a pas de volonté propre, le démagogue tire son profit de ce fait puisqu’il insuffle (par la flatterie ou la rhétorique) sa propre volonté à cette multitude, c’est ce qui donne le peuple, qui lui a une volonté.
Par hypothèse, la multitude est inerte : pas de volonté propre. Le démagogue lui, par la flatterie ou la rhétorique, va insuffler son opinion personnelle pour son propre profit. On obtient ainsi le peuple monarque dont Montesquieu parle ici. Ce peuple tend vers le despotisme en raison de…
Sujet de dissertation en démocratie CPGE n°2 (Le sujet philosophique)
Peut-on attendre de la démocratie qu’elle soit conforme aux exigences de la raison ?
Vous répondrez à cette question en en faisant jouer le propos dans les œuvres au programme.
Piste -> la démocratie est aux mains de tout le monde. Chaque individu ayant une logique distincte d’autrui, on ne peut pas exiger de la démocratie qu’elle suive la raison au sens absolu.
Sujet de dissertation n°3 démocratie en prépa : l’exemple d’une citation brève
Dans Le Monde de l’éducation, Jacques Derrida écrit en 2000 que « L’historicité, la perfectibilité infinie, le lien originaire à une promesse font de toute démocratie une chose à venir. »
Vous analyserez et commenterez cet avis en raisonnant à partir de votre lecture des œuvres au programme.
Glose des mots-clés pour le sujet n°3
“Historicité” : fait d’être inscrit dans l’Histoire. La démocratie a marqué l’Histoire de l’humanité.
“La perfectibilité infinie” : plus le temps avance, meilleur est la D.
“Le lien originaire à une promesse” : cette promesse est celle de confier le pouvoir au peuple. “Lien” peut être pris en bonne comme en mauvaise part : attachement ou emprisonnement.
“Chose à venir” : plus le temps progresse, plus on s’approche d’une démocratie aboutie.
-> la citation de Derrida s’intéresse à la démocratie soumise à l’avancée du temps.
Propositions de problématique pour le sujet de dissertation sur la démocratie n°3
Par les élèves du stage de Pâques en prépa maths spé :
- La démocratie dans son intemporalité est-elle à l’abri d’un despotisme ?
- Nous pouvons nous demander si la démocratie, bien que perfectible dans le temps, n’est pas muselée par sa promesse, et donc imperfectible. (pb: museler) Imaginons que dans l’amorce il ait expliqué que “La promesse lie la démocratie à son origine : on peut comprendre ce lien en bonne part comme une continuité ou en mauvaise part comme un musellement.” + il aurait fallu avoir expliciter ce qu’est cette “promesse”.
- En quoi l’Histoire et la condition (même) selon Derrida de la démocratie font indéfiniment tendre l’Homme vers un idéal de démocratie ?
- La démocratie est-elle condamnée à une éternelle insatisfaction ?
- La poursuite de l’idéal démocratique voue-t-elle le citoyen d’une démocratie à l’insatisfaction ?
Proposition finale d’une problématique par le prof
Bien que la démocratie soit sempiternellement imparfaite à l’instant présent, la promesse qui la fonde justifie-t-elle qu’on continue de tenter de la mener à son aboutissement ? (semper en latin signifie “toujours” ; “sempiternellement” = “qui dure toujours”)
ATTENTION On pourrait être tenté d’adopter un plan :
- I) Historicité
- II) Perfectibilité infinie
III) Lien originaire à une promesse
À NE PAS FAIRE
L’annonce de plan dans l’introduction dissertation démocratie qui suit s’appuie sur la proposition finale de problématique
I] Nous rappellerons d’abord que la démocratie existe, même imparfaitement, et que son existence est le témoignage d’une promesse qu’elle cherche à tenir.
II] Puis nous montrerons que, selon l’idéal (égalitaire) de la démocratie, elle est nécessairement à venir : la promesse doit toujours être menée à bien.
III] La démocratie n’est donc pas un état de fait mais une dynamique en mouvement : l’idée même de sa perfectibilité l’inscrit dans l’Histoire.
Dissertation sur la démocratie : développement du plan pour le sujet n°3
I] Ce n’est pas parce qu’une démocratie tend vers sa perfection qu’elle n’est pas une démocratie à l’instant T
- En quoi la démocratie est un régime fonctionnel / montrer qu’elle fonctionne puisqu’elle permet à chaque citoyen de s’exprimer librement // exemples : Assemblée -> bien que le système ait été dévoyé, l’Ekklesia offre aux citoyens athéniens, et ici aux femmes en particulier, la possibilité de transformer une volonté en une réalité politique / Complot : la liberté de la presse est fondamentale en D, on le voit avec Wheeler : il est AUTORISÉ à parler même si le régime de Lindbergh ne le SOUTIENT pas
- Une démocratie est, au départ, une solution pour résoudre certains maux : guerre, famine, conflit même si elle n’est pas forcément achevée ou idéale // exemples : Cavaliers -> Athènes ne va pas très bien en raison du contexte de la guerre du Péloponnèse HÉLIE (6000 héliastes = juges tirés au sort par an) / BOULÈ (élus) / EKKLESIA (libre d’accès) Aristophane critique au moment de l’écriture des Cavaliers le fait que Cléon ait corrompu les héliastes qui sont payés pour siéger et au moment de l’écriture de L’Assemblée il dénonce le paiement du triobole des ekklesiastes qui ne viennent plus siéger que pour cet argent sans participer aux débats. Tocqueville : Expose souvent les raisons de l’origine de la D.
- Une démocratie imparfaite, elle rencontre tout de même des pb // exemples : Cavaliers -> critique de la démocratie dans un but didactique avec l’exhibition de Démos mangeant sa pâtée / Tocqueville : même but didactique, il a écrit son essai pour prévenir les dangers et donner des moyens de les curer / Complot : avec Lindbergh, elle est “partiellement et partialement” imparfaite ; les juifs y sont lésés mais la majorité des citoyens voient ce régime comme une D. Roth est contre le système de politique intégrative mais, dans l’économie de ce roman et selon le point de vue de la majorité des Américains, c’est la famille Roth qui est anti-démocratique.
II] Mener la démocratie à son terme, c’est répondre à la promesse de son origine
b)
c)
III] La démocratie est une dynamique qui l’inscrit dans l’Histoire (cf. La démocratie est providentielle selon Tocqueville)
a)
b)
- c) Il faut engager la responsabilité citoyenne :
La responsabilité citoyenne est donc engagée : il faut véritablement vouloir aller de l’avant. C’est pourquoi le roman de Roth se focalise sur le jeune Philip, entouré de jeunes gens : son frère Sandy, son cousin Alvin, ses amis Earl et Seldon. La jeunesse de ces personnages met en scène la destinée encore à dessiner de l’Amérique. Et cette destinée est plurielle tout en étant plus ou moins inféconde : Seldon sauve Philip alors que le protagoniste l’abhorre ; Earl doit déménager pour rejoindre son père alors qu’il éveillait Philip à des horizons nouveaux. La jeunesse est en effet le moment charnière, où se forgent les consciences, à la fois par le milieu et par les discours qui nous entourent. En partageant le lit voisin à celui de Philip, Sandy, Alvin puis Seldon forgent son caractère, l’inspirent, le font réfléchir et lui permettent de devenir quelqu’un sur qui on peut compter . Pour éviter les dangers qui parsèment la route, longue et sinueuse, de la démocratie, les citoyens doivent être capables de concevoir ce qui est encore à améliorer. Démos, dans Les Cavaliers, caricature le peuple qui serait incapable de se caricaturer lui-même, à l’inverse de Tocqueville qui cherche à la fin de son essai à « embrasser d’un dernier regard tous les traits divers qui marquent la face du monde nouveau ». Il revient bien aux citoyens de garder le cap, pour garder la démocratie dans cette dynamique de perfectibilité.
Proposition de corrigé dissertation démocratie du sujet n°3
Je vous propose ci-après une correction de la dissertation portant sur le sujet de Derrida dans Le Monde de l’éducation. À plusieurs reprises, j’y inclus des remarques à votre attention en bleu. J’ai mis les grands titres qui évidemment ne figureraient pas plus que lesdites remarques dans une copie. Si nécessaire, vous pouvez revenir vers moi pour que je vous donne les titres de chaque sous-partie. Je peux également vous préciser quelle logique suit l’articulation d’une idée à une autre même si, après relecture, cela me semble clair.
(Intro)
Lorsque Simone Weil définit la démocratie comme « [un moyen] en vue du bien », la philosophe refuse de voir la démocratie comme une fin en soi, comme un aboutissement. Elle dit en l’espèce que la démocratie est un outil que les peuples démocratiques utilisent pour s’accomplir. Cette position est contredite par un propos de Jacques Derrida : « l’historicité, la perfectibilité infinie, le lien originaire à une promesse font de toute démocratie une chose à venir ». La démocratie n’est ici plus un état de fait – et elle ne peut donc plus être un outil – elle est « à venir » : elle n’est donc plus un moyen dont disposeraient les hommes en vue d’une autre fin mais devient sa propre fin. La proposition peut déconcerter. Ne vivons-nous pas en démocratie ? De nombreux régimes dans le monde étant constitués sous ce terme, ce nom de « démocratie » serait-il pourtant impropre ? On peut aisément entendre qu’elle est perfectible – son système électoral reflète mal la volonté du peuple dans son ensemble certaines de ses institutions semblent bien éloignées de ses préoccupations ; mais cette imperfection justifie-t-elle qu’on la considère nécessairement incomplète ? Partant, il conviendra de se demander si bien que la démocratie soit sempiternellement imparfaite à l’instant présent, la promesse qui la fonde justifie qu’on continue de tenter de la mener à son aboutissement. Nous rappellerons d’abord que la démocratie existe, même imparfaitement, et que son existence est le témoignage d’une promesse qu’elle cherche à tenir. Puis nous montrerons que, selon l’idéal égalitaire de la démocratie, elle est nécessairement à venir : la promesse doit toujours être menée à bien. La démocratie n’est donc pas un état de fait mais une dynamique en mouvement : l’idée même de sa perfectibilité l’inscrit dans l’Histoire.
(I) Ce n’est pas parce qu’une démocratie tend vers sa perfection qu’elle n’est pas une démocratie à l’instant T)
Nous ne pouvons pas nier que nous vivons dans des régimes que l’on appelle « démocratie ». Ces régimes ont été établis pour répondre à la promesse d’instaurer l’égalité entre les hommes. La démocratie est une réponse politique à la forme que doit prendre le vivre ensemble. À son fondement, il y a une promesse qui lie entre eux les individus qui acceptent cette forme de gouvernement. Ainsi, expliquer comment s’est fondée la démocratie permet d’expliquer son évolution. C’est le sens de la démarche de Tocqueville, comme le montre le titre de la quatrième partie du deuxième tome de son essai, « De l’influence qu’exercent les idées et les sentiments démocratiques sur la société politique » . L’instauration de ce régime, qui paraît si neuf et si faillible aux Européens du XIXe siècle, est une réponse à la tension entre égalité et liberté qui le sous-tend et cette tension, non résolue par la seule constitution du régime, continue d’agir sur les citoyens américains. Le quatrième tome de De La Démocratie en Amérique vient pousser les effets des conclusions américaines dans les démocraties de l’Europe et tend à montrer au lectorat contemporain de l’auteur que, chez eux aussi, la démocratie a toute sa place. Dans L’Assemblée des femmes, la prise de pouvoir par les femmes montre une évolution comique et fantasmée de la société et non une véritable révolution qui mettrait fin au régime. En inventant de nouvelles lois, les femmes impulsent une forme nouvelle à la démocratie athénienne, que l’on célèbre lors du banquet à la fin de la pièce. Ainsi, chez Aristophane comme chez Roth, les œuvres se terminent sur une image, certes nouvelle, de la démocratie. En effet, dans Le Complot contre l’Amérique, le lecteur découvre à la fin ce qu’il connaît déjà pourtant bien : en sortant de la temporalité uchronique, il est soulagé de revenir à ce régime qu’il avait perdu le temps du roman. Cette image nouvelle s’explique par le fait que la démocratie tient sa promesse de manière évolutive. Loin d’être finie une fois instaurée, elle s’inscrit dans l’histoire, qui peut être vue en ce sens comme progressive. ***
La démocratie se réinvente à chaque fois que change la forme que prend la réponse à la promesse initiale. La fantaisie de L’Assemblée des femmes illustre ces changements possibles. La hiérarchie sociale du début de la pièce fait place à un communisme nouveau, où l’égalité est élevée en principe supérieur à la liberté ; c’est pourquoi le Jeune homme finit par céder sa liberté aux Vieilles qui revendiquent l’égalité de ses faveurs. Roth aussi met en scène ce qui fait évoluer la société et pendant la majeure partie du roman, les États-Unis font l’expérience d’un État nouveau. Par leur vote, les citoyens américains ont exprimé le choix d’un nouveau venu en politique, bien plus jeune que le plus âgé et plus expérimenté président en place. Cette expérience qui s’avère funeste est vite abandonnée. Dans les deux cas, on voit que la démocratie sait s’interroger, qu’elle mue selon les choix que les votes expriment et que ces changements peuvent être abrogés s’ils sont jugés néfastes. L’évolutivité caractérise donc les régimes démocratiques. ***
Comment comprendre ces aléas, si on considère l’histoire comme un progrès constant et absolu ? Il ne faut pas oublier qu’il y a, en plus de la promesse, une mythologie de l’origine : l’origine devient elle-même un discours qui alimente l’imaginaire des citoyens. Cela a deux effets : le premier, positif, permet de consolider la démocratie, solidement fondée par et dans cet imaginaire collectif. Le second est plus négatif, car au nom d’une promesse initiale, il peut y avoir la volonté réactionnaire d’un retour aux origines. L’importance de cet imaginaire est rappelée par Tocqueville : « chaque citoyen, devenu semblable à tous les autres, se perd dans la foule, et l’on n’aperçoit plus que la vaste et magnifique image du peuple lui-même » . On le devine aussi dans la philatélie du jeune Philip, dont l’imaginaire de l’Amérique passe par les timbres, ses images officielles. Le cauchemar de les voir souillés par la croix gammée est une mise en abîme du cauchemar de l’uchronie. On se donne des images effroyables pour se rassurer de l’image de la démocratie qu’on a : imparfaite mais bel et bien là et fidèle à ce que l’on attend d’elle. ***
Cependant, puisque la réponse démocratique ne cesse de se chercher, on est en droit de dire que l’avènement de la démocratie n’a pas encore eu lieu.
NB : Je précise ici une chose dont nous n’avons pas parlé : la transition. Une transition DOIT être ménagée entre chaque grande partie. Théoriquement, elle reprend sommairement ce qui a été dit et annonce ce qui va suivre. La transition qui précède ici ne donne, formellement, que l’annonce de la suite. Mais si vous regardez la dernière phrase de la troisième sous-partie, vous verrez que j’ai rédigé la conclusion partielle de sorte qu’elle soit aussi la première partie de la transition. En outre, pour la mise en page, ne sautez pas de lignes entre les sous-parties d’une même grande partie ; Google doc m’y contraint et c’est la raison pour laquelle il y a ici des sauts de ligne à supprimer que je signale par ***. Si ces questions formelles de mises en page ne sont pas claires pour vous, n’hésitez pas à me demander des précisions.
(II) Mener la démocratie à son terme, c’est répondre à la promesse de son origine)
Nous disions plus haut vivre en démocratie, une démocratie qui est donc. Mais on peut légitimement inverser la proposition en repartant de l’idée de Derrida : si la démocratie est perfectible, c’est qu’elle n’est pas encore, du moins pas tout à fait. Le premier problème relève encore de l’imaginaire. Comment nommer et concevoir cette « chose à venir » ? Il faut être visionnaire, comme veut l’être Tocqueville qui affirme tout le long De La Démocratie en Amérique vouloir réussir à théoriser ce qui n’est encore qu’embryonnaire, innommé. C’est cette notion même qu’il explique lorsqu’il imagine le despotisme d’un nouveau genre hérité de l’égalitarisme excessif : « La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer. » Mais comment tendre vers quelque chose que l’on ne peut pas encore voir ? L’imaginaire des origines, le souvenir de cette origine mythologique peuvent donc bloquer la marche en avant de la démocratie, en s’imposant contre l’idéal promis ou plutôt l’imaginaire dudit idéal promis vers lequel il faut tendre. Dans Les Cavaliers, le Charcutier préfère raconter au Chœur comment il l’a emporté sur le Paphlagonien au Conseil, sans se soucier une seule fois de ce qu’il était bon de faire pour la cité. *** Je ne mets qu’un exemple parce qu’il ne m’en vient aucun autre. Si une idée vous vient, n’hésitez pas à l’incorporer.
Cependant, l’avenir a aussi un lourd poids et l’idéal dont nous parlions peut devenir un fardeau quand on désespère de pouvoir l’atteindre. Ainsi il n’est pas seulement question de ne pas entrevoir l’avenir, il est question de le trouver trop loin de nous ou trop parfait et donc irréel ou au moins immatériel. Cette idée est mise en scène par Aristophane dans L’Assemblée des femmes : c’est le bon sens féminin qui dicte les décisions de Praxagora et pourtant son idéal égalitariste semble bien illusoire quand on songe à la division que ses lois ont provoquée parmi les citoyens : Chrémès contre l’égoïsme de son voisin, les trois Vieilles contre le Jeune homme et sa compagne. Chez Roth, le retour à la démocratie n’est pas non plus l’avènement d’une meilleure démocratie. Le dernier chapitre s’appelle « La peur perpétuelle » et montre la violence qui perdure au-delà du retour à l’ordre que laissait supposer la fin de l’uchronie romanesque avec le retour de Roosevelt. Les événements ne sont pas seulement liés à l’organisation démocratique de la société et celle-ci ne semble pas suffire à rendre la société parfaite. ***
On considère alors inutile d’aller mieux, de peur justement d’empirer les choses. On pense que la situation dans laquelle on est constitue déjà un progrès par rapport à un avant qu’on feint parfois de renier et on s’illusionne en pensant que l’histoire – et l’Histoire – peut s’arrêter là. Le Premier esclave – il me semble que dans votre éditions de référence, les traducteurs ont pudiquement nommé « serviteurs » les deux esclaves de Démos mais je garde ici le sens grec originel de δούλος [doulos] « esclave » – des Cavaliers n’est pas très attaché à chercher le meilleur intendant possible pour Démos, il en veut simplement un qui pourra le débarrasser du fourbe et calomniateur Paphlagonien. Il ne vise donc pas ce qu’il y a de mieux pour son maître – et donc pour le peuple qu’il symbolise par allégorie. Il veut simplement ce qu’il y a de mieux pour lui, et s’accommode très bien d’un autre démagogue, quitte, peut-être, à recommencer son manège. De même, Tocqueville rappelle que les citoyens « tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres » et que « ce n’est donc jamais qu’avec effort que ces hommes s’arrachent à leurs affaires particulières pour s’occuper des affaires communes » : il est plus confortable de préférer le bien au mieux. ***
La démocratie est donc toujours encore à venir. Son état actuel est assez démocratique pour la nommer ainsi sans pour autant qu’on puisse s’en satisfaire. Quel rôle joue l’idée de sa perfectibilité pour la faire advenir ?
(III) La démocratie est une dynamique qui l’inscrit dans l’Histoire (cf. La démocratie est providentielle selon Tocqueville))
La démocratie « à venir » est perfectible et c’est la notion même de perfectibilité qui l’inscrit dans une dynamique et dans l’Histoire. Les auteurs des œuvres au programme jouent à se faire peur. Illustrer les périls qui guettent la démocratie, c’est déjà se rassurer : cela n’est pas arrivé et cela n’arrivera pas. On a échappé au pire. On peut le deviner par la « Note au lecteur » du Complot contre l’Amérique, qui rappelle d’emblée que le roman « est une œuvre de fiction ». Roth peint par le biais de la fiction une limite de la démocratie, qui laisse entrevoir le risque de son échec et nous pousse à la défendre. En ce sens, ce romancier n’est pas moins didactique que Tocqueville : sa mise en garde est adressée aux États-Unis du XXIe siècle – dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme » – et le roman participe lui-même de la perfectibilité de la démocratie américaine. De même, les exagérations proposées par les comédies d’Aristophane visent à provoquer un sursaut démocratique chez les citoyens athéniens pour qu’enfin cessent la montée des démagogues et la guerre du Péloponnèse. ***
Mais accepter les imperfections de la démocratie actuelle, ce n’est pas nécessairement la mettre en péril. Mettre en scène ses imperfections et appeler aux changements nécessaires pour sa perfection, c’est comprendre qu’elle est ancrée dans l’Histoire et que chaque renouveau amène une démocratie nouvelle. Cette démocratie nouvelle, ou plutôt renouvelée, qui accouchera de ces sursauts et élans citoyens(« citoyens » est un adjectif ici), sera ainsi à nouveau perfectible, et ainsi de suite : c’est la perfectibilité infinie. Ainsi, par la notion même de perfectibilité et par sa mise en scène, on peut espérer aller de l’avant. La crieuse publique – ici non plus je ne suis pas sûr du nom du personnage selon la traduction de votre édition – qu’engage Praxagora ne termine-t-elle pas son discours par des propos encourageants : « avancez donc » et « allons » ? C’est également ainsi que conclut Tocqueville : « je vois de grands périls qu’il est possible de conjurer ; de grands maux qu’on peut éviter ou restreindre, et je m’affermis de plus en plus dans cette croyance que pour être honnêtes et prospères, il suffit encore aux nations démocratiques de le vouloir ». ***
La responsabilité citoyenne est donc engagée : il faut véritablement vouloir aller de l’avant. C’est pourquoi le roman de Roth se focalise sur le jeune Philip, entouré de jeunes gens : son frère Sandy, son cousin Alvin, ses amis Earl et Seldon. La jeunesse de ces personnages met en scène la destinée encore à dessiner de l’Amérique. Et cette destinée est plurielle tout en étant plus ou moins inféconde : Seldon sauve Philip alors que le protagoniste l’abhorre ; Earl doit déménager pour rejoindre son père alors qu’il éveillait Philip à des horizons nouveaux. La jeunesse est en effet le moment charnière, où se forgent les consciences, à la fois par le milieu et par les discours qui nous entourent. En partageant le lit voisin à celui de Philip, Sandy, Alvin puis Seldon forgent son caractère, l’inspirent, le font réfléchir et lui permettent de devenir quelqu’un sur qui on peut compter . Pour éviter les dangers qui sèment la route, longue et sinueuse, de la démocratie, les citoyens doivent être capables de concevoir ce qui est encore à améliorer. Démos, dans Les Cavaliers, caricature le peuple qui serait incapable de se caricaturer lui-même, à l’inverse de Tocqueville qui cherche à la fin de son essai à « embrasser d’un dernier regard tous les traits divers qui marquent la face du monde nouveau ». Il revient bien aux citoyens de garder le cap, pour garder la démocratie dans cette dynamique de perfectibilité.
Conclusion dissertation démocratie
Inutile donc de déplorer la faillite des démocraties modernes. Elles ne sont pas parfaites, ne le seront peut-être jamais. Il ne faut pas pour autant abandonner l’idéal démocratique. Au contraire, c’est en comprenant et en acceptant que la démocratie n’est pas un état de fait mais une dynamique qu’on comprend et accepte à quel point son imperfection est le moteur de son histoire et de l’Histoire elle-même. La réponse particulière qu’apporte la démocratie à la grande question du politique prend la forme d’une promesse qu’on tient en partie. Promesse tenue ? À chaque étape du processus démocratique, un peu plus en tout cas : c’est ainsi que la démocratie, en visant son propre idéal, devient sa propre fin. Derrida questionne l’aspect non- advenu de la démocratie et n’a pas pour enjeu de conceptualiser les difficultés du projet démocratique. Ne réduit-il pas ainsi à néant le projet de se demander si la démocratie « n’est qu’un idéal », parce que l’idéal exigerait d’opposer l’aspect absolu de la démocratie et sa réalité, au profit de son inscription dans une dynamique encourageant les citoyens à s’inventer sans cesse en acteurs démocratiques d’un nouveau type ? Pour respecter la remarque que beaucoup de rapports de juty soulèvent à propos des ouvertures de conclusion (à savoir qu’une “trop bonne” ouverture devrait alerter le candidat qui aurait peut-être dû songer à en user plutôt en III), je me borne ici à élargir le propos de Derrida et donc de cette dissertation sans aller chercher un aspect trop novateur qui aurait mérité d’être utilisé comme partie finale.
Sujet de dissertation n°4
Jean-Louis Barrault (1910-1994), un grand homme de théâtre, a dit « La dictature c’est « ferme ta gueule », la démocratie c’est « cause toujours ». » Votre lecture des œuvres au programme vous permet-elle d’adhérer à ce jugement que reprendront à l’identique Coluche ou Woody Allen par exemple ?
Piste -> Attention à ne pas juger le style de la citation. Ici, expliquer la colère et la spontanéité : oui ; dire que le propos est peu profond : non. L’auteur expose l’apparente honnêteté de la dictature et l’hypocrisie relative de le Démocratie.
Cette dissertation est corrigée dans autre article du blog.
Exercice bonus en dissertation sur la démocratie en CPGE
Résumez le texte suivant en 100 mots (plus ou moins 10%)
Je connais un certain nombre de bons esprits qui essaient de définir la Démocratie. J’y ai travaillé souvent, et sans arriver à dire autre chose que des pauvretés, qui, bien plus, ne résistent pas à une sévère critique. Par exemple celui qui définirait la démocratie par l’égalité des droits et des charges la définirait assez mal ; car je conçois une monarchie qui assurerait cette égalité entre les citoyens ; on peut même imaginer une tyrannie fort rigoureuse, qui maintiendrait l’égalité des droits et des charges pour tous, les charges étant très lourdes pour tous, et les droits fort restreints. Si la liberté de penser, par exemple, n’existait pour personne, ce serait encore une espèce d’égalité. Il faudrait donc dire que la Démocratie serait l’Anarchie. Or je ne crois pas que la Démocratie soit concevable sans lois, sans gouvernement, c’est-à-dire sans quelque limite à la liberté de chacun ; un tel système, sans gouvernement, ne conviendrait qu’à des sages. Et qui est-ce qui est sage ?
Même le suffrage universel ne définit point la Démocratie. Quand le pape, infaillible et irresponsable, serait élu au suffrage universel, l’Église ne serait démocratique par cela seul. Un tyran peut être élu au suffrage universel, et n’être pas moins tyran pour cela. Ce qui importe, ce n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants.
Ces remarques m’ont conduit à penser que la Démocratie n’existe point par elle-même. Et je crois bien que dans toute constitution il y a de la Monarchie, de l’Oligarchie, de la Démocratie, mais plus ou moins équilibrées.
L’exécutif est monarchique nécessairement. Il faut toujours, dans l’action, qu’un homme dirige ; car l’action ne peut se régler d’avance ; l’action, c’est comme une bataille ; chaque détour du chemin veut une décision. Le législatif, qui comprend sans doute l’administratif, est oligarchique nécessairement ; car, pour régler quelque organisation, il faut des savants, juristes ou ingénieurs, qui travaillent par petits groupes dans leur spécialité. Plus la société sera compliquée, et plus cette nécessité se fera sentir. Par exemple, pour contrôler les assurances et les mutualités, il faut savoir ; pour établir des impôts équitables, il faut savoir ; pour légiférer sur les contagions, il faut savoir.
Où est donc la Démocratie, sinon dans ce troisième pouvoir que la Science Politique n’a point défini, et que j’appelle le Contrôleur ? Ce n’est autre chose que le pouvoir, continuellement efficace, de déposer les Rois et les Spécialistes à la minute, s’ils ne conduisent pas les affaires selon l’intérêt du plus grand nombre. Ce pouvoir s’est longtemps exercé par révolutions et barricades. Aujourd’hui, c’est par l’interpellation qu’il s’exerce. La Démocratie serait, à ce compte, un effort perpétuel des gouvernés contre les abus du pouvoir. Et, comme il y a, dans un individu sain, nutrition, élimination, reproduction, dans un juste équilibre, ainsi il y aurait dans une société saine : Monarchie, Oligarchie, Démocratie dans un juste équilibre.
Alain, Propos sur les pouvoirs, « Le Contrôle », 79, propos du 12 juillet 1910.
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