En 2021, les étudiants en cours de prépa scientifique devront travailler sur un nouveau thème de français. Durant 2 années, les élèves vont ainsi travailler sur le thème de la force de vivre au programme de français en prépa.
Pour mener à bien l’étude de ce thème, il a été prévu d’étudier 3 œuvres sur la force de vivre en prépa :
- La Supplication de Svetlana Alexievitch, « J’ai lu »
- Le Gai Savoir, Avant-Propos + Livre 4, de Nietzsche, GF, Traduction Wotling,
- Les Contemplations, Livres 4 et 5, Victor Hugo (édition libre).
Afin de compléter vos révisions et votre apprentissage, n’hésitez pas à consulter les 2 autres articles sur l’étude des 3 citations de La supplication au programme de prépa et l’étude de 3 citations des Contemplations en français en prépa.
Citation 1 (§ 340, P.278), du Gai Savoir pour illustrer la force de vivre :
« ‘’Oh, Criton, je dois un coq à Asclépios’’. Cette dernière parole risible et terrifiante signifie pour qui a des oreilles : « Oh, Criton, la vie est une maladie ! Est-ce possible ? Un homme [Socrate] tel que lui, qui a vécu gaiement, et, aux yeux de tous, comme un soldat – était pessimiste ! Il s’était contenté de faire bonne figure à la vie et avait, toute sa vie, caché son jugement ultime, son sentiment le plus intime ! Socrate, Socrate a souffert de la vie ! » (…) Ah, mes amis ! Il nous faut dépasser jusqu’aux Grecs ! »
Pourquoi avoir choisi cette citation et comment peut-on la faire dialoguer ?
La philosophie de Nietzsche est peut-être aussi et surtout une physiologie : c’est-à-dire que le philosophe réhabilite l’importance du corps dans sa pensée et plus globalement, pour s’orienter dans l’existence. Ainsi pour Nietzsche, la philosophie classique est l’histoire d’un mépris et d’une mécompréhension du corps, d’une négation du monde dans sa sensualité véritable. Voici pourquoi Nietzsche critique tous les philosophes faisant de la vie une maladie comme Platon.
Dans cet extrait, Nietzsche accuse aussi Socrate d’avoir nourri ce mépris du corps, voyant la vie comme une souffrance physique perpétuelle. En effet, Socrate, dans sa dernière parole, après avoir bu la ciguë, aurait demandé à sacrifier un coq pour le dieu de la médecine, Asclépios.
Nietzsche tire une interprétation originale de cette parole classique de la philosophie : selon lui, cela veut dire que Socrate prenait la vie comme une maladie, c’est-à-dire comme une souffrance du corps, comme un respect de la « moralité des mœurs » de son temps. Or selon lui, cette dévalorisation du corps cache une philosophie de type « nihiliste » – un terme central. Le nihiliste, c’est celui qui prend la vie comme une souffrance, qui tente de la « déviriliser », qui est guidée par une factice volonté de vérité et de certitude ; alors que la vraie vie est découverte et aventure, escapade et inconnu…
La vie contemplative ou la réhabilitation de l’otium.
Citation 2 (§ 329, PP. 264-266), issue du Gai Savoir sur le thème de français la force de vivre en prépa scientifique
« On a déjà honte, aujourd’hui du repos ; la méditation prolongée provoque presque des remords. On pense la montre en main (…). Oui, on pourrait bientôt en arriver au point où l’on ne céderait plus à un penchant pour la vita contemplativa (c’est-à-dire pour la promenade avec des pensées et des amis), sans mépris pour soi-même et mauvaise conscience. – Eh bien ! Jadis, c’était l’inverse : c’est sur le travail que pesait la mauvaise conscience. Un homme bien né cachait son travail, lorsque la nécessité le contraignait à travailler. (…) « La noblesse et l’honneur n’habitent que l’otium et le bellum » : voilà ce que faisait entendre la voix du préjugé antique ! »
Quelle est l’importance de cette 2ème citation et comment l’analyser ?
La « véritable vie » pour Nietzsche peut, notamment mais en grande partie, se trouver dans la force de l’art, dans le génie créateur et inspirateur. Mais là encore, cette conception nietzschéenne se heurte aux préjugés du temps. Dans ce passage, Nietzsche oppose ainsi deux concepts hérités de l’Antiquité, l’otium et le negotium. Le negotium, c’est le travail du marchand, l’occupation pécuniaire, le gagne-pain ; elle était, du temps des Romains, méprisée. Les vrais aristocrates – et Nietzsche était très attaché à ce terme – préfèrent le travail fait d’une paresse créative, l’otium – imaginons un écrivain à sa table de travail, un peintre trouvant l’inspiration.
La véritable vie se trouvant dans l’art, c’est donc à une réhabilitation de l’otium que se livre Nietzsche, contre la course aux affaires, au temps, au profit, portée par le negotium. Notons qu’aujourd’hui, notre mot « travail » recoupe ces deux acceptions, otium et negotium, sans les distinguer. Sans doute une perte de sens dommageable…
Ainsi pour Nietzsche, la force de vivre se trouve dans cette forme de paresse intellectuelle et créative, l’otium. Surtout, notons les correspondances à établir entre le terme « vita contemplativa » et le nom même du recueil de Victor Hugo, Les Contemplations… Sans aucun doute, les rédacteurs du programme auront pensé à cet effet de correspondance !
« Non, la vie ne m’a pas déçu » : la vie comme moyen de connaissance
Citation 3 (§324, pp 260-261) tiré du Gai Savoir, traitant la force de vivre :
« In media vita. Non ! la vie ne m’a pas déçu ! Année après année, je la trouve au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse, – depuis ce jour où la grande libératrice est descendue sur moi, cette pensée que la vie pourrait et une expérimentation de l’homme de connaissance – et non un devoir, non une fatalité, non une tromperie ! – Et la connaissance elle-même : elle peut bien être pour d’autres quelque chose d’autre, par exemple un lit offrant le repos, ou le chemin menant à un lit offrant le repos, ou un divertissement, une oisiveté – pour moi, elle est un monde de dangers et de victoires dans lequel les sentiments héroïques aussi ont leurs lieux où danser et s’ébattre. »
« La vie, moyen de la connaissance » – avec ce principe au cœur, on peut non seulement vaillamment, mais même gaiement vivre et gaiement rire ! Et qui s’entendrait à bien rire et vivre en général, s’il ne s’entendait tout d’abord à la guerre et à la victoire ? »
Pourquoi elle est importante et comment la faire dialoguer ?
Dans ce passage particulièrement à retenir, Nietzsche réaffirme sa foi en la « vie » : non la vie des nihilistes bien sûr, mais la vie comme « moyen de connaissance » en tant ce qu’elle permet de capter les sensations de l’existence – car pour Nietzsche, l’apparence est la véritable réalité. Il n’y a ainsi pas de connaissance objective et dépersonnalisée, pas de vérité en soi ; toute vérité est construite par les sens et par l’être, elle est subjective. Dès lors, le plus savant des hommes sera celui qui aura le plus vécu, c’est-à-dire le plus expérimenté, ayant fait l’expérience des passions et des sensations. Voici donc pourquoi la connaissance ne se trouve pas dans un « lit de repos », mais dans les « dangers » et les « victoires ».
La vie a donc elle-même une force pour Nietzsche – la vie est une force : elle offre, à travers la brutalité de ses expériences, une connaissance, par le biais d’un sensualisme philosophique auquel tient beaucoup Nietzsche. Cela nécessite donc, de la part du philosophe, une certaine force physique et de caractère : celle d’accepter de subir les dangers, de plonger dans l’inconnu, de ne pas se réfugier dans les certitudes et de mettre les voiles, en quête vers la richesse de la vie.
Ainsi, cet extrait peut par exemple être utilement rapproché du titre du Livre V des Contemplations (« En Marche »), qui reprend cette idée de ne pas avoir peur, d’avancer vers l’inconnu. De même, les entreprises courageuses de certains liquidateurs de Tchernobyl pourraient faire écho à cette force de la volonté.
Ulysse Grasset
Ancien élève de prépa Khâgne A/L à Louis Le grand, diplômé de l’ENS Ulm et d’HEC, je contribue au blog de Groupe Réussite et je donne des cours privés de francais aux élèves de prépa.
Après avoir travaillé les différentes citations des œuvres au programme de prépa au thème de la Force de Vivre, exercez-vous sur la rédaction de dissertation sur le thème de la force de vivre à l’aide de nos dissertations corrigées :
- Prépa scientifique : dissertation sur la religion
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La vie n’est pas une maladie. Réhabilitation du corps en philosophie