Pour rappel, en 2021 le thème du programme de français en prépa scientifique est la force de Vivre.
Les trois œuvres à étudier en français en prépa sont :
- La Supplication de Svetlana Alexievitch, « J’ai lu »
- Le Gai Savoir, Avant-Propos + Livre 4, de Nietzsche, GF, Traduction Wotling,
- Les Contemplations, Livres 4 et 5, Victor Hugo (édition libre).
Pour bien commencer l’année, nous avons choisi trois citations (étendues et commentées) issues de l’oeuvre de Victor Hugo, Les Contemplation au programme de français en prepa scientifique qui illustre bien le thème de la force de vivre.
Attention : ces citations ont certes fait l’objet d’un choix méticuleux, mais d’autres auraient pu être choisies, et elles sont loin d’épuiser la matière du programme de maths sup et maths spé.
Retrouvez également sur notre blog, 2 autres articles où sont étudiées et analysés des citations de La supplication en prepa et des citations du Gai savoir au programme de prepa.
Considérons donc ces citations comme une entrée en matière, afin, non seulement de repérer des points d’analyse importants ; mais aussi, de voir comment exploiter ces citations, dans une dissertation – car n’oublions pas qu’avoir un magasin « seul » de citations ne suffit pas ; ce qu’il faut, c’est savoir bien les interpréter, les faire dialoguer.
Pour vous permettre de vous retrouver facilement, nous avons relevé le numéro des pages dans les éditions au programme (l’édition des Contemplations étant libre, nous avons noté le numéro des poèmes pour vous permettre de vous repérer dans l’ouvrage).
Citation 1, Les contemplations, La force de vivre en prepa scientifique
XII. À quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt :
« (…) Hermann reprit alors : « Le malheur, c’est la vie.
Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! j’envie
(…)
Et je lui dis : « Tais-toi ! respect au noir mystère !
Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre.
Les morts, ce sont les cœurs qui t’aimaient autrefois !
C’est ton ange expiré ! c’est ton père et ta mère !
Ne les attristons point par l’ironie amère.
Comme à travers un rêve ils entendent nos voix ! (…) »
Octobre 1853.
Pourquoi cette citation issue de l’oeuvre Les Contemplations est importante et comment la faire dialoguer ?
Dans ce poème, Victor Hugo s’imagine en cavalier, galopant dans une forêt aux côtés d’un certain « Hermann ». Ce poème est éclairant à plus d’un titre. D’abord, il marque l’influence germanique et romantique de Victor Hugo (notamment de Goethe). Notre poète avait été (un rappel biographique est ici utile) notamment très influencé par son voyage aux bords du Rhin (il en avait tiré Le Rhin), entre 1839 et 1840 – voici pour l’influence germanique. Quant à l’influence romantique, notons que le songe, le rêve, outre qu’il s’agit d’activités propices aux « contemplations », sont aussi une caractéristique du romantisme.
D’autre part, cette citation est un exemple de « réécriture chronologique » de Victor Hugo : car si dans le poème, Hugo assure avoir écrit ces vers en 1853, soit dix ans après la mort de Léopoldine (4 septembre 1843)… c’est en réalité faux ! Il a composé ce poème en octobre 1841, après ce fameux voyage vers le Rhin. Ainsi, cet extrait est un exemple d’illusion et de reconstruction rétroactives dans la composition du poème.
Enfin, cette citation laisse apparaître le combat intérieur de Hugo, entre découragement et volonté de résister. Car cet Hermann qui dialogue avec le poète, peut aussi être interprété comme un double pessimiste et triste du poète : c’est Hugo qui se parle aussi à lui-même dans ce poème. Face à la tentation du découragement et du fatalisme (« Le malheur, c’est la vie »), face à la faiblesse de vivre, face à la relativisation de la mort, au risque de l’oubli et de l’ironie, Hugo préfère le respect, le souvenir. C’est aussi ce qui lui donne la force de vivre : le respect payé aux morts, la volonté de perpétuer leur souvenir. Mais ce poème, par sa nature onirique, peut aussi se prêter à d’autres interprétations : le critique Jean-Bertrand Barrère voit ainsi dans Hermann le représentant du « matérialisme », et dans le poète (« je ») le représentant du « spiritualisme » – dans cette opposition entre la force de la mort et celle de l’amour.
Citation 2, Le doute envers Dieu. Livre V, Poème XV. À Villequier
Citation 2 issue des Contemplations, au programme de français en prepa
XV. A Villequier
« (…) Considérez qu’on doute, ô mon Dieu ! quand on souffre,
Que l’œil qui pleure trop finit par s’aveugler,
Qu’un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,
Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler. »
Pourquoi cette citation du doute du poète envers Dieu est importante et comment la faire dialoguer ?
Les « contemplations » sont celles, certes, de la nature (cf. la citation suivante) mais aussi, dans son sens religieux, la contemplation vers Dieu. Or le rapport du poète avec Dieu évolue tout au long du recueil, oscillant entre soumission, doute, négation et révolte.
Cet extrait est caractéristique de l’esprit du doute, avec ce vers que nous vous conseillons de relever : « Considérez qu’on doute, ô mon Dieu ! quand on souffre, ». Le « on » est un pronom indéfini, suivi d’un verbe au présent de vérité générale ; derrière ce « on », on peut cependant lire le « je » du poète romantique.
Ce passage est caractéristique de la recherche de sens du poète, qui s’étonne de voir un Dieu si bon, ne pouvoir empêcher de tels malheurs, tels que la perte de Léopoldine. Le scepticisme religieux de Hugo se fait alors plus visible – et de ce doute naîtront plus tard, la révolte et le scepticisme, comme dans le poème « Claire P. ». La force de vivre peut-elle alors être trouvée dans une religion et dans un Dieu incertains ? Il est permis d’en douter… ! En définitive, cet extrait aura toute sa part dans un devoir portant sur les aspects religieux des trois œuvres au programme, pour marquer aussi le caractère évolutif de ce rapport au Dieu chez Hugo.
Cet extrait pourra être utilement employé avec la citation de La Supplication de Svetlana Alexievitch, et la citation issu du Gai Savoir de Nietzsche pour étudier l’attitude de chacun des trois auteurs envers Dieu et la religion – par exemple en étant rapproché de la critique du catholicisme par Nietzsche, mais sur d’autres prétextes (liés à la « dévitalisation » de la force de vivre).
Citation 3, L’importance de la nature comme échappatoire
Citation 3, des Contemplations, au programme de français-philo en prepa scientifique
Livre V, Poème XXIII. « Pasteurs et troupeaux »
À Madame Louise C.
« Le vallon où je vais tous les jours est charmant,
Serein, abandonné, seul sous le firmament,
Plein de ronces en fleurs ; c’est un sourire triste.
Il vous fait oublier que quelque chose existe,
Et, sans le bruit des champs remplis de travailleurs,
On ne saurait plus là si quelqu’un vit ailleurs. »
Jersey, Grouville, avril 1855.
Pourquoi cette 3ème citation issue des Contemplations est-elle importante et comment l’utiliser ?
Cette citation est extraite du Livre V des Contemplations, « En Marche » – c’est durant ce livre que le poète se reconstruit le plus, qu’il « réapprend à vivre » après la perte de Léopoldine. Victor Hugo va naturellement chercher des échappatoires à la souffrance du deuil ; et parmi ces échappatoires, figure en premier lieu la nature.
Les « Contemplations » sont ainsi des contemplations de la nature : sa vision apaisante, l’isolement qu’elle procure, permettent à Victor Hugo d’oublier la plupart de ses souffrances. L’exemple du « vallon » de ce poème, est ainsi particulièrement éclairant : le soulagement du poète se marque dès lors dans le vers « Il vous fait oublier que quelque chose existe ».
Relevez bien l’effet de correspondance créé par la rime « existe » avec « triste » : on pourra ainsi dire que l’un (le vallon) permet d’oublier l’autre (la tristesse) – même si cette tristesse, et c’est l’autre interprétation que nous pouvons faire de cette rime, ne demeure jamais loin. Le « quelque chose » peut bien sûr renvoyer à l’entièreté des affaires humaines, mais ici, c’est surtout le deuil qui est présent à l’esprit (sous-entendu : « il vous fait oublier que quelque chose, c’est-à-dire Léopoldine, qui n’existe plus ».) En somme, voici ce qui redonne une force de vivre au poète : la contemplation de la nature, la paix qu’elle offre. Il pourra être parfaitement employé dans tout extrait étudiant l’évolution du rapport avec la nature et l’environnement. Pour tous les sujets liés au deuil, au respect envers les morts, cet extrait pourra être employé.
Ulysse Grasset
Ancien élève de prépa Khâgne A/L à Louis Le grand, diplômé de l’ENS Ulm et d’HEC, je contribue au blog de Groupe Réussite et je donne des cours particuliers aux élèves de prépa.
N’hésitez pas à progresser en français et philosophie avec les autres citations des œuvres au programme sur la Force de Vivre mais également avec nos dissertations corrigées sur la force de vivre :
- Dissertation sur la force de vivre et la religion en prépa scientifique
- Dissertation sur la force de vivre et l’universalité de la souffrance en prépa scientifique
- Dissertation sur le pouvoir de la culture et de l’art dans la force de vivre en prépa scientifique
- Dissertation sur l’engagement politique et la force de vivre en prépa scientifique
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Citation 1, « Le malheur, c’est la vie » : Livre V, Poème XII.