Dissertation corrigée sur le thème de l’amour 2019 :
Sujet
« Qu’aime l’amour ? L’infinité. Que craint l’amour ? Des bornes », Soren KIERKEGAARD, Le Journal du séducteur (1843).
Analyse du sujet en rapport avec le thème de français en prépa
Tout le sel de cette citation est concentré dans la double antithèse entre les verbes « aime » et « craint » et entre les deux substantifs « l’infinité » et « des bornes » avec toutefois un effet de quantification disparate comme si le pluriel des « bornes » s’opposé à l’article défini du groupe nominal « l’infinité » à valeur générique. Le sentiment amoureux serait donc associé à une densité quasiment mystique, indéfinissable et même indiscernable comme si le but ultime de cet effet était de montrer combien l’amour est vaste, dense immaîtrisable, usant d’un champ d’action immense, d’un espace vierge utile pour son déploiement voire pour sa survivance. À l’opposé « des bornes » castratrices et redondantes, l’amour ferait fi de la mesure et n’existerait ainsi que dans le champ de la démesure, de l’infini comme s’il était impossible d’en sonder la puissance et la force. Le philosophe danois montre ainsi toute la profondeur du sentiment amoureux qui se déploie, se redéploie, s’accroît à l’infini dans un élan puissamment vital apte à régénérer chaque jour l’être humain.
La dérivation entre « aime » et « amour » et le rebond phonique qui en découle sont un moyen subtil ici de sous-entendre cette profondeur infinie, cet élan certes répétitif mais énergétique d’accroissement à l’infini, tant la brutalité inhérente aux sonorités du mot « bornes » tendrait a contrario à montrer que l’ennemi premier de ce déploiement est la tendance qu’a l’être humain, volontairement ou non, consciemment ou non, à limiter cet amour, à l’endiguer sous l’effet de la peur. La citation nous pousse donc à voir que l’amour est certes mais puissant mais n’en demeure pas moins vulnérable voire perméable à toute forme d’intervention humaine.
Mais encore, le parallélisme de construction central sous-entend que le sentiment ne peut pas exister ailleurs que dans les extrêmes : la sécheresse de la citation, l’absence de connecteurs et la binarité des concepts sont autant de moyens de radicaliser la puissance amoureuse comme évoluant vers les pôles, comme si l’amour n’existait que par l’hyperbole : soit il est infini et confine à la passion amoureuse, soit il se fracasse contre les « bornes » du destin et n’apporte que chagrin et désespoir.
Problématique
Peut-on réellement envisager l’amour comme un sentiment aussi hyperbolique que le philosophe le laisse à penser, oscillant fatalement entre « l’infinité » et « des bornes » qui le menacent perpétuellement ?
Plan
I] Dans quelles mesures l’amour est un sentiment qui s’auto-suffit et qui provoque sa propre régénérescence jusqu’à « l’infinité » ?
A – L’amour est sentiment qui traverse l’individu, il commence discret, voire imperceptible à tel point que l’être humain ne le perçoit parfois pas, puis il se déclare et ne cesse de s’accroître.
B – L’amour n’a besoin que de lui-même, aucun autre sentiment ne lui est lié dans la mesure où il est aussi important à l’homme que l’est la vie elle-même. D’ailleurs Victor Hugo disait : « Naît-on deux fois ? Oui. La première fois, le jour où l’on naît à la vie ; la seconde fois où l’on naît à l’amour ».
C – L’amour permet d’atteindre un espace inconnu, nous permet d’accéder des sphères jusque-là inexplorées, comme si grâce à l’amour l’être humain faisait voyager sa psyché de terre en terre et découvrait toutes les myriades de son « moi ».
II] Cependant, l’amour est vulnérable et « craint » les pièges du destin, autrement dit les « bornes » qui feraient cesser cette dynamique émotionnelle.
A – L’amour est sans cesse entravé et ne peut se déployer comme il le souhaite. Il vit constamment sous la menace de forces – obscures ou non – qui le menacent et referment la possibilité de son échec.
B – L’amour reste fragile car il rentre malgré lui en concurrence avec toutes sortes d’autres sentiments que ressent l’être aimé, tant son exclusivité est flagrante.
C – Malgré sa puissance, l’amour ne peut pas échapper au temps et à toutes les contraintes qui lui sont liées (vieillissement, maladie et mort de l’être aimé). Il est par conséquent idyllique voire naïf d’imaginer un amour infini.
III] Ainsi, ne faut-il pas repenser l’amour non pas comme une « infinité » ou une rupture en suspens mais comme une entrouverture, autrement dit comme un jeu de transgression des « bornes » pour accéder à « l’infinité » ?
A – Les « bornes » peuvent être déplacées. Ce ne sont, pour Eros, que des obstacles temporaires à franchir. Il suffit de rendre la borne mouvante et de ne pas se laisser asservir par elle.
B – Les « bornes » sont une façon d’atteindre « l’infinité », elles ne limitent pas comme le pense Kierkegaard, au contraire, elles rendent l’homme encore plus amoureux. En luttant, en se heurtant à la borne et en se montrant audacieux, il mettra Eros à l’épreuve.
C – Enfin, l’amour a besoin de la « [borne] » ultime qu’est la mort pour accéder à une forme de transcendance, de communion des âmes infinie et post mortem.
Romain Berry
A propos de Romain
Romain Berry est professeur de français agrégé de Lettres Modernes. Il enseigne au lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne (42), en prépa CPGE littéraire (Khâgne, option Lettres Modernes) et prepa scientifique (PCSI et MP*).
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