Sujet de dissertation sur l’engagement politique et la force de vivre
« L’engagement politique peut être une nécessité. Il n’est jamais une valeur. » À la lumière des œuvres au programme de français en prépa scientifique, vous vous interrogerez sur cette citation du journaliste français Louis Pauwels, et sur ce qu’elle dit de l’utilité de l’engagement politique, de la recherche de vérité et de justice, pour la force de vivre. Ceci est un exemple de dissertation que vous pourriez traiter avec un professeur particulier de français en prépa scientifique.
Intro de dissertation sur la force de vivre via l’engagement politique
[Accroche] Dans L’Existentialisme est un humanisme, Jean-Paul Sartre estime que l’engagement est une nécessité, une obligation morale pour tout artiste. Telle est la responsabilité de l’écrivain selon lui – mais cet engagement, s’il est nécessaire, peut aussi être utile à l’homme. En effet, l’artiste peut en retirer une certaine volonté, une énergie propre, donnant un sens à sa vie et à son œuvre. Cet engagement politique ne sera cependant pas sans impasses et désillusions, notamment pour la génération sartrienne, déçu par le résultat des expériences soviétique ou maoïste.
[Analyse du sujet] L’engagement politique est-il ainsi une nécessité ou une valeur ? Ce balancement est posé par le journaliste français Louis Pauwels, qui fut lui-même un temps engagé dans la cité, hésitant entre la démocratie chrétienne et le communisme (nota bene : il n’est pas nécessaire de connaître ces éléments biographiques ; ces éléments sont donnés à titre d’information). Pauwels ainsi lui-même a connu la tentation, mais aussi la réalité, des désillusions politiques.
Il s’agit tout d’abord de noter que les deux phrases constituant le sujet de notre réflexion, n’ont pas le même verbe principal. D’un côté l’on repère une supposition (« peut être »), d’un autre côté, nous relevons une tournure plus affirmative, au présent de vérité générale (« n’est jamais une valeur »). Il y a donc clairement une inégalité dans la certitude de ces deux énoncés. « L’engagement politique », c’est-à-dire le fait de s’engager dans la vie de la cité (du grec polis), de s’intéresser à la politique, ou d’en faire, est présenté comme une « nécessité ». Il s’agit d’une nécessité peut-être pour les intérêts même de la société (aspect collectif). Mais du point de vue individuel, cet engagement politique peut être aussi vu comme une obligation morale ou psychologique ; elle serait utile potentiellement aussi à l’individu, en lui donnant une énergie et une volonté certaines.
Cependant l’on voit bien que Pauwels n’est pas si enchanté que cela par la perspective d’un engagement politique. Pour lui, ce qui est certain, c’est que cet engagement politique n’est donc « jamais une valeur ». Valeur s’oppose donc à nécessité. Le terme « valeur » peut recouvrir un double sens : au sens « monétaire », il désigne l’utilité sociale et collective ; au sens « moral », il désigne un principe, la dignité d’un engagement, son aspect éthique ou moral – c’est ainsi que « valeur » provient du mot latin « valor », qui peut signifier aussi « vertu ». Car en effet, si l’engagement politique peut être utile pour la vie de certains, par exemple pour les membres du parti communiste biélorusse ou ukrainien, est-il une vertu ? On voit ainsi s’opposer deux ordres, entre l’utile et le souhaitable – l’engagement dans le réel et l’engagement idéal du point de vue de la vertu.
[Problématique] L’engagement politique peut être utile à la société ou à soi ; mais est-il honorable et digne de vertu et d’estime ? N’est-il pas sans désillusions inévitables ? C’est ce balancement que nous questionnerons par conséquent : quel est le plus préférable, entre d’un côté, l’utilité de l’engagement politique, de la recherche de vérité et de justice, pour la force de vivre ; et de l’autre, les nécessaires désillusions, mensonges, tromperies, que cet engagement comporte ? Et comment les éviter ?
[Annonce de plan] Nous verrons d’abord que dans certains cas l’engagement politique, la recherche de la vérité et de la justice, peuvent en effet être un adjuvant pour la force de vivre, en étant autant une nécessité individuelle qu’une éthique collective (une valeur). Cependant l’engagement politique comporte ses limites : il peut se fonder sur des buts moins nobles, peu éthiques, et rechercher le pouvoir par le mensonge ; il n’est ainsi pas une « valeur », en plus d’être parfois inefficace et donc de manquer de nécessité. Enfin nous montrerons que c’est moins l’engagement politique qui doit être recherché que l’engagement dans la « polis » (c’est-à-dire dans la société, dans la vie) – même si la recherche de la « grande politique », au sens nietzschéen, ne peut pas en dernière instance être écartée.
Partie 1 : dissertation force de vivre et engagement politique
[I] L’engagement politique, la participation aux affaires de la cité, peuvent tout d’abord, en effet, servir d’adjuvant à la force de vivre (une nécessité), et peut même être une valeur éthique en soi.
[I-1] La volonté de témoigner et de faire triompher la vérité politique dont on est convaincu, face aux mensonges du pouvoir, peut tout d’abord être un stimulant pour la vie et le quotidien. Les mensonges en effet opérés par les autorités en place, pour se stabiliser, pour ne pas se décrédibiliser, peuvent faire naître, chez l’homme, une volonté de s’engager pour rétablir la vérité des faits. Ainsi cette volonté de témoigner est non seulement une nécessité (de vérité) mais comporte aussi une dimension éthique et morale – c’est donc une « valeur ». Dans le même temps, cet engagement peut procurer une force de vivre parce que l’homme trompé par le pouvoir, et qui veut en contredire les mensonges, est stimulé par une envie de faire triompher la vérité.
[Exemple] C’est cette attitude que l’on perçoit dans plusieurs personnages interrogés par Svetlana Alexievitch dans La Supplication. Prenons ainsi l’exemple de Nikolaï Fomitch Kalouguine (« Monologue sur une vie entière inscrite sur une porte »). De toute évidence, les autorités, comme à tout le monde, lui mentent au moment d’expliquer pourquoi sa fille et sa femme avaient « des taches noires sur le corps (…) grosses comme des pièces de cinq kopecks ». Les autorités refusent de lui communiquer les résultats, en disant que « cela ne vous concerne pas ». Le mensonge est clair : le pouvoir communiste cache les effets de la radioactivité. La fille de Nikolaï finit par mourir (« À l’époque, tout le monde disait que nous allions tous mourir. Que, vers l’an 2000, il n’y aurait plus de Biélorusses »). Le père est révolté par l’horreur de ce qu’il voit autour de lui : « Pouvez-vous imaginer sept petites filles totalement chauves en même temps ? Elles étaient sept dans la chambre… Non, c’est assez ! Je ne peux pas continuer ! ». Et cette révolte, pour faire triompher la vérité, le pousse à agir, à continuer – malgré le chagrin terrible, cette volonté de faire triompher la vérité donne ainsi une certaine force de vivre pour continuer à témoigner (« Or, en soi, la connaissance ne peut pas être criminelle. Les scientifiques d’aujourd’hui sont également victimes de Tchernobyl. Je veux vivre après Tchernobyl et ne pas mourir de Tchernobyl. Je veux comprendre… » témoigne-t-il ici ; notons l’utilisation de l’infinitif « vivre »). La volonté de faire témoigner la vérité face au mensonge politique, par l’engagement, permet ainsi à l’homme de ne pas tout abandonner, se laisser abattre.
[I-2] L’engagement politique permet ainsi de surmonter le deuil pour trouver une nouvelle force par l’implication dans les affaires de la cité. Ainsi les injustices, loin d’être le « dernier clou dans le cercueil », peuvent être un nouveau stimulant. Il s’agit aussi d’un divertissement au sens pascalien du terme, c’est-à-dire d’une occupation qui permet de « penser à autre chose » et d’oublier la mort, et d’une valeur morale, au sens où l’engagement politique peut servir une cause juste.
[Exemple] Se relever à travers l’aspiration politique, dans une exigence vertueuse de justice, en surmontant le deuil, c’est le sens même du livre V des Contemplations de Victor Hugo (« En marche »). Cette force de l’engagement politique se perçoit en particulier dans les poèmes « V » et « VI » du Livre. Dans le poème « V », dans sa longue lettre à un marquis qui l’a accusé d’être passé du royalisme au jacobinisme, Victor Hugo se justifie sur ce revirement. Il explique ainsi le sens nouveau de son engagement : « Marquis, depuis vingt ans, je n’ai, comme aujourd’hui, / Qu’une idée en l’esprit : servir la cause humaine. » Ainsi, pour reprendre Pauwels, l’engagement politique hugolien est une valeur morale dans le sens où pour le poète exilé, il s’agit de faire triompher la justice pour mieux servir les faibles et les opprimés. Mieux encore, dans le poème suivant (« VI »), Hugo rappelle que cet engagement politique peut même ignorer, surmonter, le deuil, la souffrance, notamment après la perte de Léopoldine : « J’ai devant moi le jour et j’ai la nuit derrière ; / Et cela me suffit ; je brise la barrière. / Oh ! jamais, quel que soit le sort, le deuil, l’affront, / La conscience en moi ne baissera le front » En somme l’engagement politique est une clef dans le relèvement hugolien, en poussant à l’action par un engagement qui est autant une nécessité qu’une valeur.
[I-3] L’engagement dans la vie de la cité est donc pris d’initiative, enclenche une dynamique qui permet de surmonter la passivité du deuil. Il peut en somme fonder une éthique de l’action et de l’oubli (il est donc une « valeur ») qui permet d’alléger la souffrance (il est une « nécessité », une utilité).
[Exemple] Cette éthique de l’action, valorisant la prise d’initiative comme l’oubli, est celle que propose Nietzsche dans Le Gai Savoir. En particulier dans le paragraphe 304, il vitupère contre les morales qui disent « ne fais pas telle chose » ; et se montre au contraire bien disposé pour les morales incitant à l’action – sans trop s’attacher à la durée ou au passé, mais en regardant vers l’avant (ce qui fait écho au « En marche » hugolien »). L’action devient le corollaire de l’oubli, stimulant en même temps « l’homme fort » nietzschéen. Nous voyons ainsi que cette éthique de l’action, qui ressort de ce premier mouvement de notre réflexion, peut non seulement être une nécessité, mais encore avoir un sens moral et donc être une valeur.
[Transition] Cependant Nietzsche lui-même était sans illusion sur la valeur profonde de l’engagement politique : ce qu’il valorise, c’est bien moins la « politique politicienne » qu’une morale de l’action et de l’oubli. Car la politique en effet n’est pas sans illusion, fourberies, tromperies ; elle est déceptive et comporte elle-même ses propres limites.
Pour consulter la dissertation corrigée dans son intégralité, téléchargez dès maintenant l’application mobile Prepapp. Vous pourrez également réviser et vous exercicer sur des chapitres de maths, de physique, des annales de concours, etc.
Ulysse Grasset
Ancien élève de prépa Khâgne A/L à Louis Le grand, diplômé de l’ENS Ulm et d’HEC, je contribue au blog de Groupe Réussite et je donne des cours particuliers aux élèves de prépa.
De nombreuses autres dissertations ont été rédigées par nos professeurs sur le thème de la force de vivre en Maths Sup et Maths Spé :
- dissertation corrigée sur la force du matérialisme dans la force de vivre
- dissertation sur le pouvoir de l’art et de la culture dans la force de vivre
- dissertation corrigée sur l’importance de la religion pour la force de vivre
- dissertation sur la force de vivre et l’universalité de la souffrance
- dissertation corrigée de la force de vivre sur la solitude et la souffrance
Pour compléter vos révisions et préparer efficacement l’épreuve de français au concours, voici différentes citations commentées des œuvres au programme de français sur la force de vivre en prépa. Relisez attentivement chaque citation pour pouvoir les utiliser sur vos copies lors des concours.
- 3 citations de La Supplication de Svetlana Alexievitch
- 3 citations du Gai Savoir de Nietzsche
- 3 citations issues des Contemplations de Victor Hugo
Retrouvez également sur notre blog des éléments de méthodologie :
- Résumé ou contraction de texte : l’art de savoir perdre son temps ?
- Faut-il lire les œuvres en prépa scientifique ?
- Bien lire la chartreuse de parme en cpge scientifique
- Programme de Français en prépa scientifique: Le monde des passions
- Comment réussir son oral de français en prépa scientifique ?
- Les erreurs à éviter au concours Centrale en Français
- Thème de Français en CPGE 2022 : L’enfance