Dissertation corrigée sur le thème de la démocratie
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Dissertation portant sur une citation de Jacques Derrida en 2000, dans Le Monde de l’éducation, « L’historicité, la perfectibilité infinie, le lien originaire à une promesse font de toute démocratie une chose à venir. ». Ce sujet est proposé dans le cadre des cours de français en classe préparatoires scientifiques.
Lorsque Simone Weil définit la démocratie comme « [un moyen] en vue du bien », la philosophe refuse de voir la démocratie comme une fin en soi, comme un aboutissement. Elle dit en l’espèce que la démocratie est un outil que les peuples démocratiques utilisent pour s’accomplir. Cette position est contredite par un propos de Jacques Derrida : « l’historicité, la perfectibilité infinie, le lien originaire à une promesse font de toute démocratie une chose à venir ».
La démocratie n’est ici plus un état de fait – et elle ne peut donc plus être un outil – elle est « à venir » : elle n’est donc plus un moyen dont disposeraient les hommes en vue d’une autre fin mais devient sa propre fin. La proposition peut déconcerter. Ne vivons-nous pas en démocratie ? De nombreux régimes dans le monde étant constitués sous ce terme, ce nom de « démocratie » serait-il pourtant impropre ? On peut aisément entendre qu’elle est perfectible – son système électoral reflète mal la volonté du peuple dans son ensemble certaines de ses institutions semblent bien éloignées de ses préoccupations ; mais cette imperfection justifie-t-elle qu’on la considère nécessairement incomplète ? La promesse qui fonde la démocratie est-elle ce qui l’empêche d’advenir pleinement à elle-même ou au contraire est-ce parce qu’on lui promet la perfectibilité que cela justifie la poursuite de son projet ? Nous rappellerons d’abord que la démocratie existe, même imparfaitement, et que son existence est le témoignage d’une promesse qu’elle cherche à tenir. Puis nous montrerons que, selon l’idéal égalitaire de la démocratie, elle est nécessairement à venir : la promesse doit toujours être menée à bien. La démocratie n’est donc pas un état de fait mais une dynamique en mouvement : l’idée même de sa perfectibilité l’inscrit dans l’Histoire.
Les nouveaux régimes
Nous ne pouvons pas nier que nous vivons dans des régimes que l’on appelle «démocratie ». Ces régimes ont été établis pour répondre à la promesse d’instaurer l’égalité entre les hommes. La démocratie est une réponse politique à la forme que doit prendre le vivre ensemble. À son fondement, il y a une promesse qui lie entre eux les individus qui acceptent cette forme de gouvernement. Ainsi, expliquer comment s’est fondée la démocratie permet d’expliquer son évolution. C’est le sens de la démarche de Tocqueville, comme le montre le titre de la quatrième partie du deuxième tome de son essai, « De l’influence qu’exercent les idées et les sentiments démocratiques sur la société politique » . L’instauration de ce régime, qui paraît si neuf et si faillible aux Européens du XIXe siècle, est une réponse à la tension entre égalité et liberté qui le sous-tend et cette tension, non résolue par la seule constitution du régime, continue d’agir sur les citoyens américains. Le quatrième tome de De La Démocratie en Amérique vient pousser les effets des conclusions américaines dans les démocraties de l’Europe et tend à montrer au lectorat contemporain de l’auteur que, chez eux aussi, la démocratie a toute sa place. Dans L’Assemblée des femmes, la prise de pouvoir par les femmes montre une évolution comique et fantasmée de la société et non une véritable révolution qui mettrait fin au régime. En inventant de nouvelles lois, les femmes impulsent une forme nouvelle à la démocratie athénienne, que l’on célèbre lors du banquet à la fin de la pièce. Ainsi, chez Aristophane comme chez Roth, les œuvres se terminent sur une image, certes nouvelle, de la démocratie. En effet, dans Le Complot contre l’Amérique, le lecteur découvre à la fin ce qu’il connaît déjà pourtant bien : en sortant de la temporalité uchronique, il est soulagé de revenir à ce régime qu’il avait perdu le temps du roman.
Cette image nouvelle s’explique par le fait que la démocratie tient sa promesse de manière évolutive. Loin d’être finie une fois instaurée, elle s’inscrit dans l’histoire, qui peut être vue en ce sens comme progressive.
La démocratie se réinvente à chaque fois que change la forme que prend la réponse à la promesse initiale. La fantaisie de L’Assemblée des femmes illustre ces changements possibles. La hiérarchie sociale du début de la pièce fait place à un communisme nouveau, où l’égalité est élevée en principe supérieur à la liberté ; c’est pourquoi le Jeune homme finit par céder sa liberté aux Vieilles qui revendiquent l’égalité de ses faveurs. Roth aussi met en scène ce qui fait évoluer la société et pendant la majeure partie du roman, les États-Unis font l’expérience d’un État nouveau. Par leur vote, les citoyens américains ont exprimé le choix d’un nouveau venu en politique, bien plus jeune que le plus âgé et plus expérimenté président en place. Cette expérience qui s’avère funeste est vite abandonnée. Dans les deux cas, on voit que la démocratie sait s’interroger, qu’elle mue selon les choix que les votes expriment et que ces changements peuvent être abrogés s’ils sont jugés néfastes. L’évolutivité caractérise donc les régimes démocratiques.
Comment comprendre ces aléas, si on considère l’histoire comme un progrès constant et absolu ? Il ne faut pas oublier qu’il y a, en plus de la promesse, une mythologie de l’origine : l’origine devient elle-même un discours qui alimente l’imaginaire des citoyens. Cela a deux effets : le premier, positif, permet de consolider la démocratie, solidement fondée par et dans cet imaginaire collectif. Le second est plus négatif, car au nom d’une promesse initiale, il peut y avoir la volonté réactionnaire d’un retour aux origines. L’importance de cet imaginaire est rappelée par Tocqueville : « chaque citoyen, devenu semblable à tous les autres, se perd dans la foule, et l’on n’aperçoit plus que la vaste et magnifique image du peuple lui-même ». On le devine aussi dans la philatélie du jeune Philip, dont l’imaginaire de l’Amérique passe par les timbres, ses images officielles. Le cauchemar de les voir souillés par la croix gammée est une mise en abîme du cauchemar de l’uchronie. On se donne des images effroyables pour se rassurer de l’image de la démocratie qu’on a : imparfaite mais bel et bien là et fidèle à ce que l’on attend d’elle.
Cependant, puisque la réponse démocratique ne cesse de se chercher, on est en droit de dire que l’avènement de la démocratie n’a pas encore eu lieu.
Nous disions plus haut vivre en démocratie, une démocratie qui est donc. Mais on peut légitimement inverser la proposition en repartant de l’idée de Derrida : si la démocratie est perfectible, c’est qu’elle n’est pas encore, du moins pas tout à fait. Le premier problème relève encore de l’imaginaire. Comment nommer et concevoir cette « chose à venir » ? Il faut être visionnaire, comme veut l’être Tocqueville qui affirme tout le long de De La Démocratie en Amérique vouloir réussir à théoriser ce qui n’est encore qu’embryonnaire, innommé. C’est cette notion même qu’il explique lorsqu’il imagine le despotisme d’un nouveau genre hérité de l’égalitarisme excessif : « La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer » Mais comment tendre vers quelque chose que l’on ne peut pas encore voir ?
L’imaginaire des origines, le souvenir de cette origine mythologique peuvent donc bloquer la marche en avant de la démocratie, en s’imposant contre l’idéal promis ou plutôt l’imaginaire dudit idéal promis vers lequel il faut tendre. Dans Les Cavaliers, le Charcutier préfère raconter au Chœur comment il l’a emporté sur le Paphlagonien au Conseil, sans se soucier une seule fois de ce qu’il était bon de faire pour la cité.
Cependant, l’avenir a aussi un lourd poids et l’idéal dont nous parlions peut devenir un fardeau quand on désespère de pouvoir l’atteindre. Ainsi il n’est pas seulement question de ne pas entrevoir l’avenir, il est question de le trouver trop loin de nous ou trop parfait et donc irréel ou au moins immatériel. Cette idée est mise en scène par Aristophane dans L’Assemblée des femmes : c’est le bon sens féminin qui dicte les décisions de Praxagora et pourtant son idéal égalitariste semble bien illusoire quand on songe à la division que ses lois ont provoquée parmi les citoyens : Chrémès contre l’égoïsme de son voisin, les trois Vieilles contre le Jeune homme et sa compagne.
Chez Roth, le retour à la démocratie n’est pas non plus l’avènement d’une meilleure démocratie.
Le dernier chapitre s’appelle « La peur perpétuelle » et montre la violence qui perdure au-delà du retour à l’ordre que laissait supposer la fin de l’uchronie romanesque avec le retour de Roosevelt. Les événements ne sont pas seulement liés à l’organisation démocratique de la société et celle-ci ne semble pas suffire à rendre la société parfaite.
On considère alors inutile d’aller mieux, de peur justement d’empirer les choses. On pense que la situation dans laquelle on est constitué déjà un progrès par rapport à un avant qu’on feint parfois de renier et on s’illusionne en pensant que l’histoire – et l’Histoire – peut s’arrêter là. Le Premier esclave des Cavaliers n’est pas très attaché à chercher le meilleur intendant possible pour Démos, il en veut simplement un qui pourra le débarrasser du fourbe et calomniateur Paphlagonien. Il ne vise donc pas ce qu’il y a de mieux pour son maître – et donc pour le peuple qu’il symbolise par allégorie. Il veut simplement ce qu’il y a de mieux pour lui, et s’accommode très bien d’un autre démagogue, quitte, peut-être, à recommencer son manège. De même, Tocqueville rappelle que les citoyens « tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres » et que « ce n’est donc jamais qu’avec effort que ces hommes s’arrachent à leurs affaires particulières pour s’occuper des affaires communes » : il est plus confortable de préférer le bien au mieux.
La démocratie est donc toujours encore à venir. Son état actuel est assez démocratique pour la nommer ainsi sans pour autant qu’on puisse s’en satisfaire. Quel rôle joue l’idée de sa perfectibilité pour la faire advenir ?
La démocratie « à venir » est perfectible et c’est la notion même de perfectibilité qui l’inscrit dans une dynamique et dans l’Histoire. Les auteurs des œuvres au programme jouent à se faire peur. Illustrer les périls qui guettent la démocratie, c’est déjà se rassurer : cela n’est pas arrivé et cela n’arrivera pas. On a échappé au pire. On peut le deviner par la « Note au lecteur » du Complot contre l’Amérique, qui rappelle d’emblée que le roman « est une œuvre de fiction ». Roth peint par le biais de la fiction une limite de la démocratie, qui laisse entrevoir le risque de son échec et nous pousse à la défendre. En ce sens, ce romancier n’est pas moins didactique que Tocqueville : sa mise en garde est adressée aux États-Unis du XXIe siècle – dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme » – et le roman participe lui-même de la perfectibilité de la démocratie américaine. De même, les exagérations proposées par les comédies d’Aristophane visent à provoquer un sursaut démocratique chez les citoyens athéniens pour qu’enfin cessent la montée des démagogues et la guerre du Péloponnèse.
Mais accepter les imperfections de la démocratie actuelle, ce n’est pas nécessairement la mettre en péril. Mettre en scène ses imperfections et appeler aux changements nécessaires pour sa perfection, c’est comprendre qu’elle est ancrée dans l’Histoire et que chaque renouveau amène une démocratie nouvelle. Cette démocratie nouvelle, ou plutôt renouvelée, qui accouchera de ces sursauts et élans citoyens, sera ainsi à nouveau perfectible, et ainsi de suite : c’est la perfectibilité infinie. Ainsi, par la notion même de perfectibilité et par sa mise en scène, on peut espérer aller de l’avant. La crieuse publique qu’engage Praxagora ne termine-t-elle pas son discours par des propos encourageants : « avancez donc » et « allons » ? C’est également ainsi que conclut Tocqueville : « je vois de grands périls qu’il est possible de conjurer ; de grands maux qu’on peut éviter ou restreindre, et je m’affermis de plus en plus dans cette croyance que pour être honnêtes et prospères, il suffit encore aux nations démocratiques de le vouloir ».
La responsabilité citoyenne est donc engagée : il faut véritablement vouloir aller de l’avant. C’est pourquoi le roman de Roth se focalise sur le jeune Philip, entouré de jeunes gens : son frère Sandy, son cousin Alvin, ses amis Earl et Seldon. La jeunesse de ces personnages met en scène la destinée encore à dessiner de l’Amérique. Et cette destinée est plurielle tout en étant plus ou moins inféconde : Seldon sauve Philip alors que le protagoniste l’abhorre ; Earl doit déménager pour rejoindre son père alors qu’il éveillait Philip à des horizons nouveaux. La jeunesse est en effet le moment charnière, où se forgent les consciences, à la fois par le milieu et par les discours qui nous entourent. En partageant le lit voisin à celui de Philip, Sandy, Alvin puis Seldon forgent son caractère, l’inspirent, le font réfléchir et lui permettent de devenir quelqu’un sur qui on peut compter . Pour éviter les dangers qui sèment la route, longue et sinueuse, de la démocratie, les citoyens doivent être capables de concevoir ce qui est encore à améliorer. Démos, dans Les Cavaliers, caricature le peuple qui serait incapable de se caricaturer lui-même, à l’inverse de Tocqueville qui cherche à la fin de son essai à « embrasser d’un dernier regard tous les traits divers qui marquent la face du monde nouveau ». Il revient bien aux citoyens de garder le cap, pour garder la démocratie dans cette dynamique de perfectibilité.
Inutile donc de déplorer la faillite des démocraties modernes. Elles ne sont pas parfaites, ne le seront peut-être jamais. Il ne faut pas pour autant abandonner l’idéal démocratique. Au contraire, c’est en comprenant et en acceptant que la démocratie n’est pas un état de fait mais une dynamique qu’on comprend et accepte à quel point son imperfection est le moteur de son histoire et de l’Histoire elle-même. La réponse particulière qu’apporte la démocratie à la grande question du politique prend la forme d’une promesse qu’on tient en partie. Promesse tenue ? À chaque étape du processus démocratique, un peu plus en tout cas : c’est ainsi que la démocratie, en visant son propre idéal, devient sa propre fin. Derrida questionne l’aspect nonadvenu de la démocratie et n’a pas pour enjeu de conceptualiser les difficultés du projet démocratique. Ne réduit-il pas ainsi à néant le projet de se demander si la démocratie « n’est qu’un idéal », parce que l’idéal exigerait d’opposer l’aspect absolu de la démocratie et sa réalité, au profit de son inscription dans une dynamique encourageant les citoyens à s’inventer sans cesse en acteurs démocratiques d’un nouveau type ?
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