Les études littéraires sont-elles encore attractives ?
« Maintenant qu’officiellement il n’y a plus d’analphabètes en France, plus personne ne sait vraiment lire. Pire, plus personne ne veut lire ! ». Au cours de votre scolarité, vous avez peut-être entendu un professeur de français ou de philosophie prononcer ce genre de phrases. Malgré un côté à dessein provocant, cela traduit bien une certaine réalité : la filière littéraire, représentait 50% des effectifs de la filière générale dans les années 1960, est tombée à 10% au début des années 2000 pour se stabiliser depuis une dizaine d’années autour de 15%. Le constat est indéniable, et nous pourrions en conclure que les études littéraires ne sont pas attractives et clore l’article. Or, essayons de ne pas s’arrêter à ces chiffres et d’aller plus loin.
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Les études littéraires victimes de clichés tenaces
Parmi les étudiants qui ne choisissent pas la voie littéraire, beaucoup la réduisent à la seule lecture : je n’aime pas lire, donc je vais m’orienter vers une filière scientifique ou économique comme en prépa ou la fac. D’autres la réduisent encore plus en l’assimilant à la seule littérature, ce qui alimente beaucoup les discussions avec leurs parents au moment de l’orientation en terminale. Or, les études littéraires, fort heureusement, c’est bien plus que cela. Tout d’abord d’un point de vue des matières enseignées, il y a évidemment la littérature, mais aussi la philosophie, l’histoire, la géographie et les langues. D’ailleurs dans les prépas littéraires, chaque élève doit se spécialiser dans une de ces matières. En option géographie par exemple, les élèves lisent certes, non des mots, mais des cartes qu’ils doivent interpréter. Ensuite l’essentiel atout des études littéraires réside sûrement dans ce qui est enseigné : mise à part le fait de bien lire, c’est l’esprit critique, la capacité à problématiser, réfléchir sur les termes, remettre en question les concepts, bref, tous les outils qui susciteront, non pas chez l’élève mais chez l’individu, l’émergence d’autres façons d’appréhender, de questionner le monde. L’exemple des langues anciennes (le latin et le grec) illustre parfaitement ces propos. Ce sont en effet des langues dites mortes qui n’ont aucune portée utilitaire. Mais c’est oublier que connaître la racine des mots de la langue qu’on parle permet non seulement une meilleure compréhension de celle-ci, mais aussi une connaissance plus approfondie de soi, de ses émotions, de ses sentiments, etc. Ainsi, les études littéraires seraient attractives si on prenait en compte que le rôle de l’École dans la société était d’instruire et non de professionnaliser.
Les études littéraires, victimes de la professionnalisation de l’enseignement
Une plus grande professionnalisation de la filière littéraire, dès le lycée, c’est ce que préconisait le rapport de juillet 2006 sur « l’évaluation des mesures prises pour revaloriser la série littéraire au lycée ». C’est un changement sémantique qui s’opère ici : on ne se demande plus ce qui est utile mais ce qui est utilitaire. C’est un coup dur porté à la filière littéraire qui se voit reprocher de ne pas assez préparer les élèves à entrer sur le marché du travail. Dans ce nouveau paradigme, les études littéraires marquent le pas par rapport aux études scientifiques : là où les débouchés des élèves de terminale sont nombreux, les cursus des anciens terminales L semblent surtout préparer le concours de l’agrégation. Mais on peut se demander si c’est le manque de débouchés ou leur peu de visibilité qui est préjudiciable. En effet, avec l’essor des sciences humaines, des écoles de journalisme et de commerce, de plus en plus d’horizons variés s’offrent aux élèves et étudiants qui ont choisi la voie littéraire. On peut ainsi tout à fait raisonnablement envisager d’intégrer HEC après une khagne il faut en effet savoir que les concours BCE et Ecricome sont ouverts aux effectifs d’élèves de classe préparatoire littéraire. Le refrain qui présente la khagne comme une filière où 95% des étudiants échouent aux concours est donc loin d’être vérifié puisque ce taux ne prend en compte que les Ecoles Normales Supérieures. L’enjeu est donc de mieux sensibiliser les étudiants à ce qui vient après.
Mais il faut aussi plus d’efforts sur ce qui vient avant. Même si un changement s’opère depuis quelques années, on voit encore trop d’élèves choisir la voie littéraire par défaut, parce qu’ils ne sont pas assez bons dans les matières scientifiques. Or cela contribue indéniablement à dévaloriser les études de lettres. La preuve en est qu’après la préparation du baccalauréat, un élève de filière S peut aller dans une prépa littéraire (et cela arrive très fréquemment encore aujourd’hui) alors qu’à l’inverse les élèves de la filière L ne peuvent pas prétendre aux prépa scientifiques. C’est pourquoi, pour une meilleure attractivité de la série L, il faut avant tout un rééquilibrage des filières générales pour qu’il n’y ait enfin plus de hiérarchie entres elles.
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Les études littéraires, victimes de leur essence
Il y a quelques phénomènes inhérents aux études littéraires qui les rendent de facto moins attractives que les autres. Il y a d’abord les inégalités sociales qui y sont plus importantes et qui ont tendance à se reproduire. Même si les lycées et les écoles cherchent à diversifier leur recrutement, on retrouve encore une grande proportion d’enfants de cadres supérieurs et de professeurs dans les élèves qui vont loin en filière littéraire. Pour réussir le concours d’agrégation par exemple, il ne suffit pas de commencer à lire dès la prépa, ni même dès le lycée, il faut souvent avoir baigné depuis l’enfance dans un univers économique et culturel favorable au succès futur. Il sera difficile pour un élève moins avantagé socialement de rattraper son retard en culture littéraire, alors qu’en mathématiques, on a souvent tendance à considérer qu’un élève doué pourra « s’en sortir » plus facilement, même en étant issu d’un milieu moins privilégié.
Ensuite, paradoxalement, les études littéraires peuvent tuer l’esprit créatif. A force de théories, de commentaires d’œuvres anciennes, d’analyses orthodoxes, beaucoup de « créateurs » se sentent emprisonnés et abandonnent toute idée de création. Il faut avoir une véritable maturité pour savoir exploiter tout le bagage de connaissance acquis en filière littéraire pour se fixer et atteindre ses propres objectifs.
Enfin, les études littéraires payent la baisse de prestige générale de la littérature et de la philosophie dans la société actuelle. On n’à qu’à penser à la place qu’occupaient les écrivains et les orateurs il y a encore une cinquantaine d’années dans la société. Pensez que dans les années 1960, les journalistes étaient Camus et Sartre et qu’aujourd’hui malheureusement beaucoup de journalistes n’ont lu ni Camus ni Sartre !
Shayan Mousavi
A propos de Shayan
Après des études en hypokhagne/ khagne, je suis actuellement enseignant de FLE (français langue étrangère).
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