« Servitude et soumission » : les questions à se poser
L’étude de « Servitude et soumission » s’appuie sur trois ouvrages :
–Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, texte du XVIe siècle,
–Lettres persanes de Montesquieu, roman épistolaire du XVIIIe siècle,
–Une maison de poupée, pièce du dramaturge norvégien Ibsen écrite en 1879.
Comme les années précédentes, le corpus au programme invite les candidats à envisager le thème « Servitude et Soumission » à travers plusieurs époques, des contextes socio-politiques distincts (Renaissance, siècle des Lumières, essor de la bourgeoisie d’affaires européenne) et des genres littéraires variés, puisqu’on a ici affaire à un essai, un roman par lettres et une pièce de théâtre. Une dissertation corrigée sur le thème de français en prépa est proposé.
Servitude et soumission, définitions et distinctions
La servitude est l’état de celui qui est réduit à l’esclavage, à l’image du servus (esclave) romain ou du serf de l’époque féodale, qui ne bénéficie ni de biens, ni de droit, ni de liberté. La servitude est ainsi l’obéissance totale à un maître ou à un système de domination. La soumission représente un concept plus subjectif, puisque l’on peut être en situation de soumission politique et juridique, comme dans le cas de la servitude, mais aussi morale et sociale, dans la mesure où la soumission peut être un rapport de domination dans les domaines affectif, éducatif, familial. Il est intéressant de remarquer que, plutôt que d’interroger la tyrannie ou la domination, notions pourtant proches, le programme se focalise sur la position des dominés, ceux qui sont en situation d’asservissement et de consentement à la domination.
Les deux notions, servitude et soumission sont donc centrées sur la condition du dominé. Dans cette perspective, les deux concepts complémentaires et abordés sous des angles bien différents selon les époques.
Une question en évolution constante
Déjà dans l’Antiquité, la question passionnait des philosophes comme Platon à Athènes (La République), ou Cicéron, sous la république romaine, preuve que la question se pose même dans des régimes organisés pour mettre le pouvoir aux mains du peuple.
Dans l’Europe moderne puis contemporaine, du XVIe siècle à aujourd’hui, la réflexion se poursuit. Dans un contexte de remises en question d’un ordre monarchique parfois tyrannique, des philosophes comme Montaigne, La Boétie, puis plus tard des figures comme Voltaire ou Montesquieu au siècle des Lumières, et Tocqueville au XIXe siècle, se sont demandés par quels mécanismes un pouvoir absolu détenu par un petit groupe d’individus pouvait être accepté par le plus grand nombre.
Au XXe siècle, le problème est resté central chez les penseurs, tout en prenant de nouvelles formes : prises de position contre la soumission à un ordre économique jugé injuste, réflexion féministe sur les mécanismes de la « domination masculine », acceptation de la violence et de la coercition dans les régimes totalitaires.
Les œuvres
Les trois œuvres à analyser dans la perspective du concours mobilisent une ou plusieurs de ces problématiques selon des modalités variées. Ces oeuvres seront étudiées ainsi que la méthodologie de la dissertation lors du stage de pré-rentrée en prépa scientifiques. Elles seront ensuite revues lors du stage de Noël et du stage de février en maths sup maths spé.
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La Boétie, Discours de la servitude volontaire
« C’est un extrême malheur d’être sujet à un maître, duquel on ne se peut jamais assurer qu’il soit bon, puisqu’il est toujours en sa puissance d’être mauvais quand il voudra ; et d’avoir plusieurs maîtres, c’est, autant qu’on en a, autant de fois être extrêmement malheureux. »
La Boétie le dit d’entrée de jeu, l’obéissance à un maître est source de tourments et d’injustice. Il reprend par là un débat qui avait agité les philosophes antiques : existe-t-il un régime politique meilleur qu’un autre ? Son attention se porte essentiellement sur la monarchie, qui risque bien souvent de glisser vers la tyrannie, un seul individu exerçant le pouvoir sur tous les autres. Nourri de références philosophiques et littéraires antiques, La Boétie cherche à comprendre pourquoi et comment le peuple en vient à abdiquer sa liberté au profit d’un seul, celui-ci n’étant même pas toujours reconnu comme un chef légitime, et propose des voies de révolte individuelle contre cet ordre.
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Montesquieu, Lettres persanes
C’est dans la France de la monarchie absolue que s’inscrit la réflexion de Montesquieu sur les paradoxes du pouvoir dans le contexte de la royauté. Pour exposer plus librement un propos parfois critique à l’égard du roi, Montesquieu publie de manière anonyme les lettres fictives de deux Perses en séjour à Paris, Rica et Usbek, adressés à leurs amis restés en Perse. Les observations des deux personnages sont l’occasion pour Montesquieu de dépeindre avec une fausse naïveté le système politique, économique, religieux et les mœurs français, avec l’œil de l’étranger qui découvre tout. Plusieurs lettres mentionnent en particulier la puissance du roi de France et font écho à l’étonnement de La Boétie sur le pouvoir quasi-mystique du roi sur ses sujets. Un des passages les plus célèbres est tiré de la lettre XXIV :
Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe. Il n’a point de mines d’or comme le roi d’Espagne son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. (…)
D’ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut. S’il n’a qu’un million d’écus dans son trésor et qu’il en ait besoin de deux, il n’a qu’à leur persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient. S’il a une guerre difficile à soutenir, et qu’il n’ait point d’argent, il n’a qu’à leur mettre dans la tête qu’un morceau de papier est de l’argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu’à leur faire croire qu’il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu’il a sur les esprits.
Montesquieu interroge ainsi la soumission du peuple à son roi et met en valeur le charisme de la personne royale, dans une société où le peuple est largement asservi et accepte l’injustice de la société. Sa démarche de remise en cause de l’absolutisme, assimilé à une tyrannie, est comparable à celle que mène plusieurs années plus tard Beaumarchais, dans la pièce Le Mariage de Figaro, où le personnage de l’aristocrate est largement démystifié. C’est à travers cet effort de dénonciation que les auteurs des Lumières ont contribué à rendre possibles les soulèvements qui ont conduit à la Révolution française.
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Ibsen, Une maison de poupée
La pièce se situe à la fin du XIXe siècle, en Norvège. Considéré par beaucoup comme une pièce féministe, Une maison de poupée a pour héroïne Nora, une femme de la bourgeoisie ; celle-ci est mariée à un banquier, Helme, attaché au confort matériel et aux conventions bourgeoises. Nora apparaît comme une femme dévouée, soumise à son mari et peu informée des affaires de la famille, ce qui la conduit à commettre sans le savoir un acte frauduleux pour essayer de sauver son mari et expose leur famille au chantage. La pièce met donc en valeur la soumission de la femme à son mari et son assujettissement au conformisme bourgeois qui domine dans l’Europe du XIXe siècle. Ibsen montre, comme La Boétie dans un contexte tout différent, que c’est par l’ignorance que l’on soumet les esprits, et que la condition de la femme, à son époque, se fonde sur l’incapacité où la tiennent les hommes à prendre en main son destin.
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