Dissertation rédigée sur le thème Faire croire en CPGE - Karl Marx
Exemple de dissertation sur une citation de Karl Marx en prépa scientifique
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La dissertation est un des exercices clés des concours en CPGE scientifique, que ce soit à Centrale Supelec, à Mines Ponts, à X ENS ou encore à CCINP. Une des manières de progresser dans la méthodologie de la dissertation sur le thème Faire croire en CPGE, est de lire, analyser et éventuellement apprendre des exemples de dissertations entièrement rédigées et corrigées par un professeur de CPGE. Par ailleurs, en suivant une dizaine d’heures de cours particuliers de français, vous pourrez apprendre et progresser au contact d’un enseignant aguerri. Celui-ci vous donnera les outils et les connaissances nécessaires pour faire face à n’importe quel sujet de dissertation le jour des concours.
Sujet 2 : Karl Marx sur le thème Faire croire en CPGE scientifique
Nous vous proposons ici une dissertation rédigée sur le thème Faire croire en philosophie en CPGE scientifiques. Vous pouvez vous appuyer sur cette dissertation pour travailler la méthode de dissertation et les connaissances à avoir pour réussir le concours de CPGE scientifique.
Voici le sujet de dissertation proposé :
Vous commenterez ce propos à la lumière des œuvres au programme :
« La religion (…) est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. »
Karl Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843
(Accroche) : « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer » a pu écrire Voltaire dans ses Épîtres. Marx a un point d’accord et un autre de désaccord avec la boutade philosophique de Voltaire. Comme Voltaire, Marx pense en effet que ce sont les hommes qui pourraient inventer Dieu ; mais à l’inverse du philosophe français, celui de Trêves conclurait plutôt : « Si Dieu n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer. »
Définition dynamique des termes du sujet Faire croire
Pour Marx en effet, Dieu est une création illusoire et négative, qui tend à offrir un substitut de bonheur au peuple, le détournant des véritables combats à mener, notamment sociaux. Marx est autant « critique » (comme l’indique le titre de l’ouvrage : Critique de la philosophie du droit de Hegel) que catégorique dans son propos : d’emblée nous pouvons noter sa tonalité péremptoire, assertive. Celle-ci se traduit notamment par l’usage du présent de vérité générale (« la religion est l’opium du peuple…) ; par l’emploi d’une ponctuation neutre ; ou par l’usage de l’article défini « la » religion, montrant que Marx englobe ici toutes les formes de religion, du zoroastrisme au catholicisme.
La religion devient ainsi un concept, chez Marx, dépassant sa simple définition neutre et fonctionnelle (rassemblement de croyances, de rites expliquant le monde, donnant un sens à l’existence). Pour Marx en effet, il existe une définition négative, à proscrire de la religion : celle de tromperie, de superstition, d’hypocrisie religieuse. C’est ce que recouvre l’emploi du terme « opium » dans cette formule célèbre. L’opium était une drogue qui menait à un paradis artificiel ; et c’est ainsi que la religion devient pour Marx une sorte de paradis par substitution, engourdissant l’esprit humain et empêchant l’individu de se tourner vers les véritables responsables de l’injustice sociale.
Dès lors, la religion détourne le peuple d’un « bonheur réel » pour le condamner à un » bonheur illusoire ». Le « bonheur illusoire » marxien ferait ici penser à la notion de plaisir au sens aristotélicien : Aristote distinguait en effet le bonheur (état de contentement général, plein et durable, lié à la pratique de la vertu philosophique) du plaisir (contentement passager des émotions, lié à la passion, non à la raison). L’opium n’apporterait ainsi que du « plaisir », jamais du « bonheur ». C’est d’ailleurs en ce sens qu’à la lettre VI des Liaisons dangereuses, le vicomte de Valmont écrit ceci à la marquise de Merteuil : « Soyons de bonne foi ; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. »
Cependant, il est aussi possible de prendre des distances avec l’impératif marxien. D’une part, « l’abolition » de la religion est-elle nécessaire ou suffisante pour atteindre le bonheur « réel » ? D’autre part, cette abolition devra-t-elle être voulue ou contrainte ? Qu’en sera-t-il si certains éléments du « peuple » (Marx supposant ici son unicité, alors que le peuple est marqué par une certaine diversité, notamment entre les croyants sincères, non-croyants, riches, pauvres, etc.) la refusent ? Dans la perspective de la « dictature du prolétariat », nous connaissons peut-être déjà la réponse. « L’exigence » de l’abolition de la religion ne se muerait-elle pas alors, elle-même, en d’autres déceptions ?
Même Marx du reste reconnaissait que l’abolition de la religion avait aussi replongé l’homme dans les « eaux glacées du calcul égoïste », en abolissant les liens sociaux. Mais pourtant, n’a-t-on pas aussi besoin de la religion dans son versant social, par sa capacité à faire du lien entre les hommes (religion viendrait d’ailleurs du latin « religere », soit relier). Nous pourrions aussi voir cette capacité à créer ce lien social, comme une des conditions du bonheur (comme le soutien Aristote). Et par quoi dans cette perspective remplacer la religion, ce puissant unificateur social ? Par une autre religion « communiste » ?
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Problématisation et plan de la dissertation sur Faire croire
Pour Marx, la religion est l’un des éléments fondamentaux d’un « faire croire » trompant le peuple sur les véritables raisons de sa misère sociale.
Problématisation par rapport aux œuvres de CPGE scientifiques
En somme, nous sommes face à un paradoxe. Certes d’un côté, la religion peut bien créer des illusions, sous le vernis trompeur de l’hypocrisie ; mais d’un autre côté, l’abandon de la religion est-elle une condition nécessaire et suffisante à la certitude du bonheur ? Ne peut-elle pas au contraire nuire à cet objectif dans certains cas ?
Annonce des axes de la dissertation en prépa
Dans un premier temps de notre argumentation, nous expliciterons et illustrerons le point de vue marxien, en montrant que certes, la religion peut bien apparaître comme une drogue confortable, mais manipulatrice, pour le « peuple », n’apportant qu’un bonheur factice et trompeur. Mais l’abolition de la religion n’est-elle pas une solution trop simpliste à l’établissement du bonheur réel ? En est-elle une condition nécessaire ou suffisante ? C’est ce que nous questionnerons dans un deuxième temps de notre réflexion. Enfin, si nous admettrons que mettre en garde et éduquer contre les excès de la religion hypocrite est nécessaire, nous démontrerons également que nous aurons toujours besoin du versant social de la religion (« religere ») pour atteindre une forme de « bonheur réel », ce qui doit demeurer notre ambition finale.
La religion comme illusion et manipulation : Une analyse à travers le prisme de Marx
La religion peut bien apparaître, dans un premier temps, tel cet « opium du peuple » dénoncé par Marx : en ce qu’elle offre un paradis artificiel, conduisant à la manipulation du « peuple » qui ne peut prendre conscience des véritables enjeux politiques et sociaux à affronter.
Le bonheur illusoire de la religion
La religion peut tout d’abord et en effet, apporter un substitut de bonheur, une autre réalité dans laquelle les véritables raisons du malheur ne seraient pas abolies, mais simplement cachées. Ce bonheur n’est donc, en réalité, qu’un bonheur illusoire et précaire.
(Exemple) La religion peut-elle jouer ce rôle d’anesthésiant, comme un paravent illusoire aux souffrances et aux maux ? C’est ce que dénonce Marx, mais c’est le discours que porte aussi avec plus de sincérité (lui croit aux vertus de la religion) le père Anselme dans les Liaisons Dangereuses. Le père Anselme recueille ainsi les souffrances de la présidente de Tourvel, et lui propose, comme salut à son déchirement intérieur, le calme de la religion. C’est la même perspective qu’il propose d’ailleurs, avec insuccès bien sûr, au Vicomte de Valmont, notamment dans la lettre 125 : « Mais le Dieu qui vous rappelle peut tout, et nous devrons également à sa bonté, vous, le désir constant de vous rejoindre à lui, et moi, les moyens de vous y conduire. C’est avec son secours que j’espère vous convaincre bientôt que la religion sainte peut donner seule, même en ce monde, le bonheur solide et durable qu’on cherche vainement dans l’aveuglement des passions humaines. » On lit ici la volonté du père d’Anselme de vouloir raccrocher Valmont à une forme de bonheur, au moyen de la religion. Mais ce bonheur n’est qu’illusoire et précaire : le dénouement du roman le montrera assez bien !
(Exemple 2) En miroir, sortir de l’illusion confortable de la religion, de son cadre social, peut être source de malheur et de tourments. Telle est la situation dans laquelle se retrouve Lorenzo, notamment à l’Acte III, Scène 3 de la pièce de Musset. « Suis-je un Satan ? » (terme religieux, ou plutôt anti-religieux) se demande-t-il dans une longue tirade. Il réalise par la suite que ses « vingt années de vertu » (dans lesquelles la religion, très associée aux valeurs morales, jouait un grand rôle) étaient en réalité un « masque étouffant ». En effet, cette vertu lui masquait le véritable visage de l’humanité (dans sa « monstrueuse nudité »), l’empêchait de voir « les hommes tels qu’ils sont ». Cependant ce masque de la morale religieuse l’empêchait également de tomber dans l’état de désarroi dans lequel il était – montrant bien que le vernis, sûrement hypocrite, de la religion, permet tout de même, dans le même temps, de préserver des malheurs. Toutefois là encore, il s’agit d’un bonheur illusoire – comme en témoigne l’état physique et moral dans lequel finira Lorenzo.
(Transition) Mais si Marx dénonce le caractère illusoire du bonheur apporté par la religion, nous pouvons aussi nous interroger sur les motivations guidant cette démarche : pourquoi se glisser derrière le masque illusoire de la religion ? Peut-être parce que ce masque est hypocrite et confortable et permet, sous couvert de vertu religieuse, de cacher la vérité au « peuple ».
Pour Voltaire, qui était déiste, « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ». Mais Marx était loin de partager la boutade de Voltaire !
Au-delà de l’Illusion : La découverte amère de la réalité par Lorenzo
Pour Voltaire, qui était déiste, « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ». Mais Marx était loin de partager la boutade de Voltaire !
Si Marx dénonce avec autant de passion « l’opium » de la religion, ce n’est pas seulement parce que le bonheur proposé est « illusoire » ; c’est aussi dans un but politique, parce que la religion sert de prétexte, de paravent à la manipulation politico-sociale, enfermant le « peuple » dans une attitude de soumission.
(Exemple) Les religieux eux-mêmes utilisent cette prétendue supériorité sociale et éthique de la religion pour mieux tirer les ficelles du pouvoir, séduisant le peuple sous l’opium de la respectabilité religieuse. C’est évidemment le sens du projet politique du Cardinal (un Cardinal !) Cibo, dans Lorenzaccio. Il est celui qui tire les ficelles notamment à la fin de la pièce (V,8), en faisant du nouveau duc Côme de Médicis, sa marionnette influençable.
(Exemple 2) C’est cette excuse de la religion qu’utilise également la Marquise de Merteuil. Elle s’attache ainsi les faveurs du « parti prude » (lettre LXXXI), en admettant au Vicomte qu’il s’agit d’un « coup de partie », c’est-à-dire d’une tromperie. Or cette manipulation fonctionne puisque Mme de Volanges et la présidente de Tourvel loueront chacune (lettres IX et XI) le comportement vertueux de Merteuil. Il s’agit bien sûr d’une illusion manipulatrice, causée par la manipulation elle-même de la religion. En l’occurrence, la religion a bien servi « d’opium » contre Volanges et Tourvel, neutralisant leur méfiance.
(Transition) Cependant, le point de vue marxien, s’il est certes compréhensible, doit-il être pour autant généralisé ? La religion est-elle toujours cet « opium du peuple » et Marx a-t-il toutes les raisons d’être autant péremptoire et universel dans ses propos ? Au contraire, la religion ne peut-elle pas servir à aussi réveiller le peuple, voire à lui apporter parfois un bonheur réel ?
Complexités et potentiels de la religion : Entre réconfort et risques de l’abolition
La Marquise de Merteuil s’attachera à gagner les faveurs du « parti prude » pour cacher et dissimuler ses vices et tromperies.
La religion peut bien pourtant, en certaines occurrences, procurer une forme d’ataraxie, de bonheur réel. De plus son abolition n’est pas une condition suffisante ou nécessaire à l’établissement du « bonheur réel » – et peut même conduire au résultat inverse.
La religion comme source de bonheur : Exemples de Tebaldeo et de la morale puritaine
La religion peut dans certaines situations, apporter un réconfort, voire un bonheur réel, qui n’a rien « d’illusoire ».
(Exemple) Tebaldeo, l’artiste de l’acte II de Lorenzaccio, est un exemple montrant que la sérénité, l’ataraxie, une forme de vérité enfin, peuvent être atteintes au moyen du contact avec la religion. Il confie ainsi son bonheur de se plonger dans le « chant de l’orgue » (écoutant quelque musique religieuse), chant admiré dans « les églises » durant toute sa jeunesse. C’est dans ces conditions et dans ces conditions seulement qu’il dit parvenir, au moyen de l’admiration de la religion (mêlée à l’admiration de l’art) une forme de bonheur qui ne semble avoir rien d’illusoire : « je regarde les personnages de leurs tableaux si saintement agenouillés, et j’écoute, comme si les cantiques du chœur sortaient de leurs bouches entrouvertes. Des bouffées d’encens aromatiques passent entre eux et moi dans une vapeur légère ». Il existe donc bien des figures d’honnêteté religieuse, pouvant atteindre le bonheur grâce à la contemplation divine. Mais de tels exemples sont rares ! On comprend donc ainsi mieux l’étonnement du Duc de Médicis quand il rencontre Valori (I,4), un prêtre honnête : « Oui, oui, je vous connais pour un brave. Vous êtes, pardieu, le seul prêtre honnête homme que j’aie vu de ma vie. »
(Exemple 2) La religion, au lieu d’enfermer dans l’illusion et le mensonge, peut au contraire servir à les dénoncer – si l’on suit avec fidélité ses principes mêmes. C’est ce que note Hannah Arendt dans les premières pages de « Vérité et politique », évoquant la condamnation (tardive, mais condamnation tout de même) du mensonge par la religion : « C’est seulement avec l’apparition de la morale puritaine, qui coïncide avec celle de la science organisée dont le progrès devait être assuré sur le ferme terrain de la confiance en l’absolue sincérité de tous les savants, que les mensonges furent considérés comme des infractions sérieuses » écrit-elle ainsi.
L’abolition de la religion, souhaitée par Marx, est-elle une condition nécessaire ou suffisante de l’atteinte du « bonheur réel » ?
(Transition) Du reste, et même si la religion ne pouvait fonder par moments un bonheur « réel », son abolition seule permettrait-elle d’atteindre ce « bonheur réel » ? Marx ne propose que l’abolition de la religion dans sa citation – mais ne propose pas de voies et moyens suffisants pour atteindre ce bonheur. Nous devons donc nous demander s’il ne serait pas au contraire plus dangereux, pour atteindre le bonheur, de supprimer la religion… surtout si on devait la remplacer par quelque chose de pire encore.
L’abolition de la religion : Entre utopie et risques de remplacement tyrannique
L’abolition de la religion n’est pas une condition suffisante du bonheur : la religion risque même de laisser place, dans un cas extrême, à une forme d’opium plus nuisible encore.
(Exemple) Tel est bien sûr le risque de la dictature du prolétariat marxiste : remplacer une religion (chrétienne) par une autre forme de religion incontestable (le communisme) imposant à tous sa « vérité ». Là est le danger de la tyrannie politique mise en lumière par Hannah Arendt dans « Vérité et politique ». Elle dénonce en effet, prenant l’exemple de Platon, le risque « d’instituer une de ces tyrannies de la vérité que nous connaissons principalement grâce aux différentes utopies politiques, et qui, bien sûr, politiquement parlant, sont aussi tyranniques que d’autres formes de despotisme ». La nature a horreur du vide : abolir la religion pour la remplacer par une autre forme de tyrannie serait ainsi tout autant nuisible pour le bonheur « réel ».
(Exemple 2) Il y a également un risque à abolir toute forme de religion : le risque du cynisme et de la perte de lien dans la société. En effet la religion comme nous l’avons dit, renvoie, par son étymologie, à une visée politico-sociale (« religere », faire du lien entre les hommes). Or abolir ce lien, si important dans les sociétés, peut au contraire créer de nouvelles tensions. Ce danger du cynisme est illustré notamment dans Lorenzaccio. « Ah ! Malaspina, nous sommes dans un triste temps pour toutes les choses saintes ! » regrette par exemple Ricciarda Cibo (I,3). C’est également avec émotion que Léon Strozzi, croyant honnête, confie son malheur de vivre dans une société de l’hypocrisie religieuse où le lien social se dissout : « S’il faut parler franchement, j’ai trouvé le sermon trop beau, avoue le prieur. J’ai prêché quelquefois, et je n’ai jamais tiré grande gloire du tremblement des vitres. Mais une petite larme sur la joue d’un brave homme m’a toujours été d’un grand prix » (I, 5). Les croyances religieuses disparaissant, le lien social s’affaiblit aussi, nuisant au bonheur général.
(Transition) Nous sommes donc face à un dilemme qu’il nous faudra résoudre : d’un côté, il faut nous prémunir contre les masques et les vices de la religion ; de l’autre, il apparait nécessaire de conserver l’utilité sociale de la religion (« religere »). Dès lors, comment procéder ? C’est ce que nous allons voir dans notre dernière partie dissertative.
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Dépasser l’illusion religieuse : Vers une société de vérité et de solidarité
Hannah Arendt pointe un risque, celui de faire surgir des « tyrannies de la vérité politique » à l’image de la république idéale de Platon.
Il apparaît certes nécessaire, dans un premier temps, pour fuir les « bonheurs illusoires », de démasquer les masques et les vertus hypocrites de la religion – et nous verrons comment y parvenir. Mais d’un autre côté, tout en « abolissant » possiblement la religion, il ne faut pas perdre son utilité sociale, les liens qu’elle crée (« religere ») : dès lors par quoi, si l’on abolit la religion, la remplacer possiblement pour essayer d’atteindre ce « bonheur réel » ?
Démystifier l’hypocrisie religieuse : L’éveil de l’esprit critique selon Laclos et Strozzi
D’un côté, il apparaît nécessaire de démasquer l’hypocrisie des fausses vertus religieuses. Pour ce faire, l’éducation à l’esprit critique, mais aussi la prise de conscience citoyenne, peuvent être des pistes privilégiées.
(Exemple) C’est à cet esprit critique que vise à éveiller notamment Laclos dans les Liaisons Dangereuses. Dans la « Préface du rédacteur », il souligne son intention de faire de son roman épistolaire un outil d’éducation, d’esprit critique – un avertissement pour les mères de famille, afin que leurs filles ne deviennent pas trompées comme Cécile de Volanges. Entendant ainsi « rendre un service aux mœurs », il brocarde à la fois les « rigoristes », sans doute des religieux qui critiquaient l’immoralité de l’ouvrage ; et les « hommes et les femmes dépravés », qui « auront intérêt à décrier un ouvrage qui peut leur nuire, et comme ils ne manquent pas d’adresse, peut-être auront-ils celle de mettre dans leur parti les rigoristes, alarmés par le tableau des mauvaises mœurs qu’on n’a pas craint de présenter. » Laclos se pose ainsi en défenseur d’une vraie religion, débarrassé de ses masques hypocrites, contre les faux rigoristes qui prendraient les habits de Merteuil ou Valmont.
(Exemple 2) C’est à une même prise de conscience, non pour les mères de famille cette fois, mais pour un peuple tout entier, celui de Florence, qu’appelle Philippe Strozzi, notamment dans l’acte II, scène I de Lorenzaccio. Il vitupère ainsi l’hypocrisie religieuse, employant un vocabulaire religieux : « Ce qu’on appelle la vertu, est-ce donc l’habit du dimanche qu’on met pour aller à la messe ? le reste de la semaine, on est à la croisée, et, tout en tricotant, on regarde les jeunes gens passer. Pauvre humanité ! quel nom portes-tu donc ? celui de ta race, ou celui de ton baptême ? ». Il appelle in fine à un sursaut républicain, la révolution, pour que les peuples « se lèvent ». Strozzi ne vise pas à « abolir » la religion comme Marx, mais à remplacer la « fausse » religion par la « vraie » religion. Ce qui permettrait également à la Florence républicaine qu’il imagine, de conserver l’utilité sociale de la religion.
(Transition) Car poussons le raisonnement plus loin : pour atteindre ce « bonheur réel » dont le lien social est une des nécessités, a-t-on nécessairement besoin de la religion ? Ne peut-on pas trouver ce lien, ce « religere », ailleurs ?
La Florence de Lorenzaccio est celle de l’hypocrisie qui se cache sous le vernis de la religion.
Solidarité et communication : Les fondations d’un nouveau lien social selon Hannah Arendt et Lorenzaccio
Or il apparaît que pour atteindre le « bonheur réel », il ne suffit pas d’abolir la religion ; nous pouvons nous en passer, à condition de la remplacer par « quelque chose » qui puisse maintenir cette idée de lien social entre les humains. Mais quel est ce « quelque chose » ?
(Exemple 1) Ce lien pourrait être la solidarité entre femmes et hommes. C’est ainsi à une véritable politique de l’amitié qu’appelle Hannah Arendt dans « Vérité et politique ». Considérant la place du dialogue dans la formation des idées politiques, elle met notamment en avant le « besoin de communication de l’homme, son incapacité à cacher ses pensées et à rester silencieux », consubstantiel à la liberté d’expression arendtienne. « Nous pensons, pour ainsi dire, en communauté avec les autres » poursuit-elle ainsi. La société à laquelle elle aspire, si elle n’est pas religieuse, reste tout de même sociale au sens où la vérité politique, le bien commun, doivent continuer à se construire, pour Hannah Arendt, selon une logique de solidarité. Ainsi peut-on atteindre une forme de « bonheur réel », ou au moins ne plus vivre dans l’illusion – mais la seule « abolition » de la religion ne suffit pas.
(Exemple 2) Un autre exemple de lien social ou d’amitié fort, existant sans « religion », nous est donné par Lorenzo dans Lorenzaccio. Le personnage éponyme, lorsqu’il veut prouver son honnêteté à Piazzi, fait ainsi un parallèle entre religion, vérité, lien social voire filial (III, 3) employant d’ailleurs un champ lexical du religieux : « Tel que tu me vois, Philippe, j’ai été honnête. J’ai cru à la vertu, à la grandeur humaine, comme un martyr croit à son dieu [vocabulaire religieux]. J’ai versé plus de larmes sur la pauvre Italie, que Niobé sur ses filles. » Mais c’est bien d’amitié et de confiance dont il est question dans cet extrait, nous montrant la force du lien social que peut apporter ces fils qui relieraient les femmes et les hommes dans une société. Certes, avoir cette forme de lien social ne suffirait pas à elle seul pour garantir une forme de « bonheur réel » ; mais au moins pouvons-nous ici formuler une piste de proposition qui vise à remplacer la religion par « quelque chose » qui ne soit pas une autre forme de religion.
Conclusion de la dissertation en prépa scientifique
(Conclusion – Rappel de la problématique) : Nous nous étions donné, pour fil directeur, l’étude du paradoxe suivant : si certes la religion peut être un « opium » ne procurant qu’un bonheur illusoire, son « abolition » pure et simple est-elle une condition nécessaire et suffisante à la certitude d’un « bonheur réel » ? Or nous avons montré qu’il n’en était rien. Certes la religion peut parfois, voire souvent, être le masque hypocrite qui permet d’endormir les revendications du peuple. Cependant, des figures d’honnêteté religieuse existent, qui parviennent à atteindre le bonheur « réel » par la religion ; et même dans les autres cas, l’abolition de la religion ne peut suffire, notamment en ce que nous avons toujours besoin de conserver l’aspect social (« religere ») de la religion. Dès lors, nous nous sommes proposés, tout en démasquant les vices et les hypocrisies de la religion, de fonder une société où le lien social, même sans religion forte, perdurerait, à travers notamment le recours à l’amitié politique ; ainsi conserverait-on les avantages de la religion, son lien social, sans ses désavantages.
(Ouverture) La théorie marxienne de l’abolition de la religion a du reste mené, nous le savons, à des expériences totalitaires désastreuses – mais plus intéressant, ces expériences mêmes ne sont pas parvenues à se défaire de la religion, en raison de la force du lien social qu’elle crée. Par exemple lors de la Seconde Guerre mondiale, en pleine « grande guerre patriotique », Staline n’a pas hésité à s’appuyer sur l’église orthodoxe russe, pourtant persécutée, pour ressouder les liens dans la société. Enfin, avec Raymond Aron, notons même que le marxisme s’apparentait à une « religion séculière » avec une « idéologie millénariste officielle », avec aussi ses dogmes, son organisation sociale (le parti) et ses idéologies millénaristes.
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