Dissertation rédigée sur le thème Faire croire en CPGE - Vérité et plaisir
Exemple de dissertation sur Faire croire avec Rostand en prépa scientifique
cours particuliers
Cours particuliers de français
Maîtriser l’art de la dissertation est un passage obligatoire pour les étudiants en classes préparatoires scientifiques, notamment lorsqu’ils se préparent pour les concours d’entrée aux grandes écoles telles que Centrale Supelec, Mines Ponts, X ENS, et CCINP.
Pour l’année scolaire 2023/2024, le programme de français en classes préparatoires scientifiques se concentre sur le thème Faire croire. Dans ce cadre, nous vous proposons un exemple de dissertation élaboré par un professeur en CPGE afin de vous permettre de vous exercer à la dissertation pour évaluer et améliorer votre travail.
De plus, pour ceux qui éprouvent des difficultés en français ou dans l’élaboration d’une dissertation, il est possible de recourir à des cours particuliers français. Un professeur de français qualifié et expérimenté sera en mesure de vous fournir les connaissances, compétences et méthodologies nécessaires pour exceller dans la rédaction de dissertations en classes préparatoires scientifiques.
Sujet 1 : Rostand sur le thème Faire croire en CPGE
Nous mettons à votre disposition un exemple de dissertation élaborée autour du thème « Faire croire », spécifiquement conçu pour les étudiants en CPGE scientifiques. Ce modèle est un outil précieux pour affiner votre technique de rédaction et enrichir vos connaissances essentielles à la réussite des concours des classes préparatoires scientifiques.
Voici le sujet de dissertation proposé :
“Une vérité qui fait plaisir doit être prouvée deux fois” a pu écrire le biologiste et romancier français Jean Rostand (1894-1977). À la lumière des œuvres au programme de prépa sur le thème « Faire croire », vous vous interrogerez sur son assertion.
(Accroche) « Apprenez que tout flatteur / Vit aux dépens de celui qui l’écoute. / Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute… » La célèbre fable de La Fontaine, « Le Corbeau et le Renard », nous met en garde au même titre que l’aphorisme de Rostand : parfois, le « vil flatteur » devrait bien se méfier des compliments qu’on lui lance – car une « vérité qui fait plaisir » peut bien cacher une tentative de duperie…
Accroche et définitions des concepts sur le thème faire croire en prépas scientifiques
Nous avons parlé d’aphorisme. Et en effet, la citation de Rostand nous apparaît d’emblée sous une tonalité péremptoire et catégorique : c’est ce qui ressort en particulier de l’usage du présent de vérité générale (« doit être… ») comme d’un verbe à valeur injonctive et impérative (« devoir »).
Pour ainsi nous mettre en garde contre les vérités flatteuses, le prudent Rostand a-t-il été influencé par son profil de biologiste ? Ou bien par le contexte scientifique de son époque, qui voit notamment la montée du positivisme et du rationalisme ? Quoi qu’il en soit, Rostand prend le parti d’un observateur neutre et objectif, adoptant presque la posture d’un lanceur d’alerte – en nous avertissant contre les dangers de croire à « une vérité » qui nous profiterait…
Si la « vérité » peut être suspicieuse, c’est qu’elle n’est pas forcément, toujours et en tout lieu, le « réel ». En effet dans cette citation, la vérité est avant tout un discours sur le réel, non le réel lui-même – un discours qui se réfère à une réalité objective ou une affirmation sincère (la vérité « se dit » : d’où l’expression « dire la vérité »). Or, si la vérité est dite, cela suppose l’existence d’un locuteur, d’un intermédiaire – et on sait que le medium [singulier de « média »] peut parfois déformer le « message »… Du reste, Rostand emploie l’article indéfini « une » (vérité ) et non l’article défini « la » (vérité ») ; cela suppose donc qu’il n’y ait pas de vérité identifiée ou unique, mais une pluralité de vérités possibles (il y a aussi plusieurs degrés de vérité envisageables : une vérité banale, une vérité métaphysique, etc..). On comprend bien dès lors le problème sur l’incertitude du statut de cette vérité.
Et il y aurait d’autant plus de méfiance à avoir que comme dans la fable animalière de La Fontaine, une vérité qui « fait plaisir » serait d’autant plus suspicieuse. Dans l’ensemble, la citation suggère en effet que lorsque quelqu’un nous dit une vérité agréable, il est préférable de se la faire démontrer de manière répétée pour renforcer sa crédibilité ou sa validité, car les vérités qui apportent du plaisir peuvent être sujettes à des doutes ou des remises en question. En effet, cette vérité formulée pourrait être « trop belle pour être vraie », pour reprendre un dicton populaire – si bien que flatteur serait synonyme de « menteur ».
Jean Rostand ne va-t-il pas trop loin dans le scepticisme quand il proclame : « Une vérité qui fait plaisir doit être prouvée deux fois » ?
Mais pourquoi donc vanter pour tromper ? Car un menteur saurait que plus un énoncé plaît, plus il aura de chances d’être cru ; l’intérêt est une base de la croyance : « on croit aisément ce que l’on a besoin de croire », nous prévenait déjà à ce sujet l’historien français de l’École des Annales, Marc Bloch. Dans cette perspective, le « plaisir » de croire n’est donc ainsi pas le bonheur : car le plaisir renvoie à l’idée d’une satisfaction immédiate, d’un besoin provisoire voire sensoriel selon la philosophie grecque (tandis que le bonheur, plus « noble », est associé à l’idée de contentement plein et durable, lié à la raison et à la pratique de la vertu philosophique). C’est d’ailleurs en ce sens qu’à la lettre VI des Liaisons dangereuses, le vicomte de Valmont écrit ceci à la marquise de Merteuil : « Soyons de bonne foi ; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. »
Face à ces risques, Rostand adopte donc la posture de celui nous mettant en garde, comme le signale le verbe « devoir » (« doit être ») qui traduit l’idée d’une obligation, ou du moins, d’un conseil pressant à suivre. Il s’agira de se demander ainsi si le conseil de Rostand est de l’ordre du possible et… même du souhaitable.
Car après tout, devrait-on toujours douter de tout, y compris des compliments agréables à entendre ? Bien sûr, toute vérité n’est pas bonne à dire ou à entendre ; bien sûr, il est nécessaire de ne pas toujours vouloir « prendre ses désirs pour des réalités », selon un autre adage. Cependant, toute vérité même agréable devrait-elle toujours pour autant « prouvée », c’est-à-dire établie par la vérité du raisonnement, de la preuve ou du témoignage (physique, moral, par l’expérience…), et qui plus est « deux fois » ? Quelle place alors laisser à la confiance envers l’autre ? À l’amitié, à la confiance ? Cette prudence certes de prime abord compréhensible, ne virerait-elle pas trop souvent au cynisme permanent ?
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PROBLÉMATISATION ET PLAN DE LA DISSERTATION SUR FAIRE CROIRE
Problématisation par rapport aux œuvres de CPGE scientifiques
Ainsi, nous nous interrogerons sur ce dilemme apparent entre véracité et intérêt : d’un côté, le menteur peut flatter pour nous convaincre et nous tromper ; mais pourtant d’un autre côté, n’y a-t-il pas également des vérités qui méritent de ne pas être toujours contestées ? En somme, la relation peut-elle et doit-elle toujours être inversement proportionnelle entre l’intérêt et l’exactitude ?
Annonce des axes de la dissertation en prépa
Dans un premier temps de l’argumentation, nous explorerons les raisons et motivations justifiant le scepticisme de Rostand : en effet, l’intérêt est un moyen attitré de manipulation ; et le scepticisme devient dès lors un principe de précaution salutaire. Cependant nous nous questionnerons, dans un second temps, sur les conséquences de ce cartésianisme (éthique du doute radical) poussé de Rostand : s’il est parfois nécessaire, n’est-il pas aussi sous d’autres aspects inutile, contre-productif, voire dangereux pour la confiance et la cohérence d’une société ? C’est ainsi que dans un dernier temps de notre argumentation, si nous pousserons certes à un développement de l’esprit critique quand il est nécessaire, nous réaffirmerons, surtout, la nécessité de la confiance et de l’amitié dans une société.
N’a-t-on pas raison de se méfier par « deux fois » quand le Vicomte de Valmont nous raconte une prétendue vérité, même agréable – surtout quand elle est agréable ?
L’approche cartésienne de Rostand : entre scepticisme prudent et quête de vérité
Qu’est-ce qui justifie tout d’abord le scepticisme prudent de Rostand ? En quoi apparaît-il souhaitable voire nécessaire d’adopter, face à une vérité qui « fait plaisir », une attitude toute cartésienne de méfiance ? C’est ce que nous allons explorer dans ce premier temps de notre raisonnement.
La prudence nécessaire face aux vérités agréables
La méfiance face à une vérité agréable apparaît en premier lieu nécessaire – car flatter ou susciter l’intérêt est l’un des moyens les plus courants, voire suspects, de « faire croire » quelque chose à quelqu’un… L’intérêt a en effet souvent pour fille la crédulité – tant l’être humain est porté, par nature, à préférer le plaisir au bonheur.
(Exemple) C’est une des grandes thèses d’Hannah Arendt, notamment dans « Du mensonge à la violence » : la philosophe relève que le mensonge est souvent plus plausible que la vérité, ou en tout cas plus facilement cru – car justement, le menteur-manipulateur sait flatter l’opinion du public. « Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite entendre ou s’attend à entendre » écrit-elle ainsi, avant de préciser : « Sa version a été préparée à l’intention du public, en s’attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de mettre en présence de l’inattendu, auquel nous n’étions nullement préparés. »
(Exemple 2) C’est pourquoi, pour Hannah Arendt, le menteur aura toujours un avantage sur « le diseur de vérité » (expression arendtienne). En effet ce dernier, dans son honnêteté, ne peut manipuler la vérité qu’il va proférer pour qu’elle aille dans le sens de l’intérêt de son auditoire. Pire : quand la vérité est, par coïncidence et par chance, profitable à l’intérêt du public, le diseur de vérité se retrouvera presque dans une situation inconfortable, car il pourrait aussi éveiller du même coup la méfiance du public : « Il n’y a guère de figure politique plus susceptible d’éveiller un soupçon justifié que le diseur professionnel de vérité qui a découvert quelque heureuse coïncidence entre la vérité et l’intérêt » rajoute à ce sujet Arendt, cette fois dans « Vérité et politique ». Toutefois en temps normal, conclut Arendt, le diseur de vérité sera bien amené à faire « de considérables détours pour expliquer pourquoi sa vérité à lui sert au mieux les intérêts de quelque groupe », là encore pour être cru.
(Transition) Mais pourquoi doit-être méfiant envers une vérité profitable – quand bien même elle serait vraie ? Pourquoi devoir la « prouver deux fois » ? Il faut dire que cette prudence a ses raisons que la raison… n’ignore pas ! En effet, à l’image du Renard de La Fontaine, le manipulateur de vérité, quand il vise à flatter son interlocuteur, a souvent des raisons peu avouables…
Dans les célèbres Fables de La Fontaine, le Corbeau a bien raison de se méfier du Renard…
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L’art de la tromperie : Analyse de la flatterie dans des chefs-d’œuvre littéraires
Certes, la flatterie, l’intérêt, sont donc de bons moyens de conviction. Mais pourquoi s’en méfier tout particulièrement ? Car si l’on flatte, on flatte souvent non pour convaincre sincèrement – mais pour mieux tromper.
(Exemple) Un exemple typique de cette flatterie manipulatrice se retrouve par exemple dans le premier acte de Lorenzaccio (scène 2). Julien Salviati essaie de flatter par tous les moyens la jeune Louise, pour mieux la séduire – et abuser d’elle par la suite. « La jolie jambe, chère fille ! Tu es un rayon de soleil, et tu as brûlé la moelle de mes os » lui lance-t-il ainsi : voici bien une vérité qui ferait plaisir à Louise potentiellement. Et Salviati insiste par la suite : « Quels yeux tu as, mon cher cœur ! quelle belle épaule à essuyer, tout humide et si fraîche ! Que faut-il te donner pour être ta camériste cette nuit ? Le joli pied à déchausser ! ». Mais Louise ne s’en laisse pas conter et « part au galop » : l’avenir lui aura donné raison, mieux vaut ne pas croire une vérité même agréable.
(Exemple 2) Inversement, un menteur-flatteur peut mettre en scène son désintérêt, pour mieux pouvoir convaincre – et manipuler. C’est la stratégie qu’emploie le Vicomte de Valmont lorsqu’il veut persuader la Présidente de Tourvel de sa bonté. Dans la lettre XXI, il raconte comment il a « par coïncidence » aidé une famille de mendiants dans un village, mettant en scène sa prétendue « généreuse compassion » (le Vicomte se savait suivi par un domestique de la Présidente). Cette prétendue « vérité » (Valmont sera un être charitable, un chrétien généreux désintéressé) fait bien entendu « plaisir » à Tourvel (elle notera ainsi : « Si cela est ainsi, ce n’est même plus seulement une compassion passagère et que l’occasion détermine, c’est le projet formé de faire du bien ; c’est la sollicitude de la bienfaisance ; c’est la plus belle vertu des plus belles âmes : mais, soit hasard ou projet, c’est toujours une action honnête et louable, et dont le seul récit m’a attendrie jusqu’aux larmes »). Mais on le sait : le Vicomte a tout manigancé pour que son estime grandisse dans le cœur de sa Présidente. Cette dernière aurait donc dû demander à ce qu’on lui prouve cette prétendue vérité « deux fois »…
(Transition) Le scepticisme et la méfiance de Rostand sont, on le voit, ainsi grandement justifiés. Cependant, cette méfiance peut-elle ou doit-elle être universelle ? Si l’assertion de Rostand devait être universalisée, quelle place laisserait-on à la confiance, à la sincérité de l’amitié, aux vérités qui n’auraient pas même besoin d’être démontrées ? Une société de la méfiance permanente n’est-elle pas aussi à éviter ?
« On croit aisément ce que l’on a besoin de croire », nous mettait déjà en garde l’historien des Annales, Marc Bloch.
Le risque du doute systématique : réflexions sur les dangers d’une méfiance absolue
N’est-il pas tout aussi dangereux de douter de tout ? L’universalité de la méfiance pour les vérités plaisantes, peut en effet sembler, à certains regards, contre-productive, inutile voire dangereuse.
Discerner la sincérité dans l’amour et l’admiration
D’une part, il peut exister des « diseurs de vérité » qui soient, même quand ils flattent, véritablement sincères – en particulier quand leurs paroles proviennent du cœur. Ces vérités-là n’ont pas nécessairement besoin d’être prouvées deux fois.
(Exemple) Parmi les vérités qui n’ont pas être à prouvées « deux fois », il y a notamment les déclarations d’amour, dont on sait qu’elles peuvent pourtant flatter l’orgueil et faire plaisir ! Or, on ne trompe pas l’amour : c’est ce qui ressort notamment du récit de la mort de Tourvel par Madame de Volanges, à la lettre CLXC (165) des Liaisons Dangereuses. Mme de Volanges confie ainsi à Madame de Rosemonde qu’elle aurait aimé cacher la mort de Valmont, mais elle n’y arrive pas : « Quoi qu’il en soit, elle (Tourvel) ouvrit précipitamment les rideaux de son lit, en s’écriant : « Quoi ! que dites-vous ? M. de Valmont est mort ! » J’espérais lui faire croire qu’elle s’était trompée, et je l’assurai d’abord qu’elle avait mal entendu : mais loin de se laisser persuader ainsi, elle exigea de son médecin qu’il recommençât ce cruel récit ; et sur ce que je voulus essayer encore de la dissuader, elle m’appela et me dit à voix basse : « Pourquoi vouloir me tromper ? n’était-il pas déjà mort pour moi ! » Il a donc fallu céder. » Cet exemple édifiant nous prouve ainsi que pour certaines vérités, la vérité s’impose du premier essai…
(Exemple 2) Nous pouvons encore songer à la figure de Tebaldeo dans l’acte II de Lorenzaccio, et notamment à l’admiration sans bornes qu’il porte au peintre et sculpteur Raphaël. Cette admiration paraît tout à fait sincère et il semble hors de doute que Raphaël, s’il venait à être flatté en face de Tebaldeo, n’aurait aucune raison de douter de l’admiration franche et désintéressée de son jeune élève (Tebaldeo dit ainsi dans l’acte II : « Ma jeunesse tout entière s’est passée dans les églises. Il me semble que je ne puis admirer ailleurs Raphaël et notre divin Buonarotti. Je demeure alors durant des journées devant leurs ouvrages, dans une extase sans égale. Le chant de l’orgue me révèle leur pensée, et me fait pénétrer dans leur âme »).
(Transition) Il est donc parfois dispensable de vouloir se faire prouver des vérités, même agréables, deux fois ; mais il y a pire encore : ce cartésianisme exacerbé peut s’avérer contre-productif voire dangereux dans une société.
Pour Arendt, une vérité désagréable sera d’autant plus difficile à « faire croire » : de là vient la situation périlleuse du « diseur de vérité », surtout quand la vérité qu’il veut proférer, tel Cassandre, ne plaît pas à toutes les oreilles…
Le risque d’une société fondée sur le doute constant
Car la phrase de Rostand, si elle devait être systématisée et universalisée, conduirait à vivre dans une société du cynisme et du doute ; où l’on ne devrait jamais profondément croire ses proches, ses voisins, ses amis, etc.
(Exemple) Dans la pièce de Musset, même Lorenzaccio finit par devenir, peut-être malgré lui, un exemple de cette société du doute et du cynisme. « Lorenzo est un athée ; il se moque de tout » lui lance ainsi Sire Maurice. Et y compris après son meurtre, c’est un Lorenzo désabusé et cynique qui se montre au lecteur, notamment quand il se moque ouvertement des Pazzi (des Républicains) : « Je crois que les Pazzi font quelque chose ; je crois qu’ils font des armes dans leur antichambre, en buvant du vin du Midi de temps à autre, quand ils ont le gosier sec » (V,2). Peut-être Lorenzo est-il arrivé à cette attitude de doute et de cynisme justement parce que son esprit critique, pour se méfier certes justement du duc de Médicis, a été universalisé et exacerbé.
(Exemple 2) Il peut enfin apparaître dangereux de douter des vérités les plus élémentaires, par exemple concernant les droits démocratiques fondamentaux. Il y a en effet des vérités qui ne devraient pas nécessiter de longues preuves – et si elles le doivent, c’est un signe dangereux pour nos démocraties. Hannah Arendt nous met sur une telle piste dans « Vérité et Politique » : « Dans la Déclaration d’indépendance [des USA], Jefferson déclarait que ‘’certaines vérités sont évidentes par elles-mêmes’’ parce qu’il souhaitait mettre hors litige et hors débat l’unanimité fondamentale des hommes de la Révolution. Mais, en disant ‘’Nous tenons ces vérités pour évidentes’’, il concédait, sans s’en rendre compte, que l’affirmation ‘’Tous les hommes sont créés égaux » n’est pas évidente mais exige l’accord et l’assentiment – que l’égalité, si elle doit avoir une signification politique, est une affaire d’opinion, et non la ‘vérité’ ». L’assertion de Hannah Arendt est déroutante ; mais nous avertit aussi du danger qu’il y aurait à douter des vérités de Jefferson : s’il faut prouver « deux fois » à chaque fois des vérités aussi simples (et qui sont profitables à bien des égards), comme l’égalité entre toutes les femmes et tous les hommes, ne serait-ce pas aussi un dangereux pas en arrière ? Dans le même ordre d’idées, dans « Du mensonge à la violence« , Hannah Arendt évoque également la certitude des vérités mathématiques, « à l’abri du doute », « aussi invulnérable(s) à toute forme d’attaques que, par exemple, cette affirmation : deux et deux font quatre. ». Devrait-on aussi prouver « deux fois » que deux et deux font quatre ?
(Transition) Quelle attitude, quel équilibre adopter alors, entre d’un côté, la nécessité de la méfiance face aux vérités agréables, et de l’autre, ses méfaits ? Comment être un « cartésien confiant » dans nos sociétés ? C’est ce dilemme que nous allons maintenant tenter de résoudre.
Dans les dissertations, il est souvent utile voire nécessaire d’opérer une distanciation critique avec le point de vue de l’auteur (ici, Jean Rostand), notamment dans le II.
Trouver un juste milieu entre esprit critique et confiance pour équilibrer nos jugements
La mise en garde de Rostand, pour être équilibrée et raisonnable, doit donc d’un côté, pousser au développement de l’esprit critique (mais d’un esprit critique distancié et mesuré, qui ne cherche à prouver que les vérités douteuses) ; et d’un autre côté, il apparaît nécessaire de pousser à une plus grande capacité à faire confiance, une certaine conscience citoyenne et humaniste qui sache suivre, fût-ce aveuglément, les paroles d’un être de confiance. Ce seront ainsi à ces conditions que cette société du doute critique trouvera un équilibre plus juste.
L’art d’équilibrer scepticisme et foi
Sur un premier plan, il apparaît bien sûr nécessaire, comme nous y conduit Rostand, à développer chez chacun un certain sens de l’esprit critique – à aborder les vérités douteuses les yeux grands ouverts, à faire montre d’une forme de lucidité.
(Exemple) Éduquer le lecteur, le pousser à l’esprit critique, développer l’éveil des citoyens et tout particulièrement des mères de famille, c’est le but même de Laclos dans les Liaisons Dangereuses, ainsi qu’il expose dans sa Préface : « L’utilité de l’ouvrage, qui peut-être sera encore plus contestée, me paraît pourtant plus facile à établir » écrit ainsi Laclos. « Il me semble au moins que c’est rendre un service aux mœurs, que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces lettres pourront concourir efficacement à ce but. » Ainsi instruite par la lecture édifiante de la correspondance de Merteuil et Valmont, la mère de famille saura mettre en garde ses enfants contre les risques supposés du « danger des liaisons », même si quelque courtisan flatte l’ego de ses progénitures…
(Exemple 2) C’est à cette même attitude critique qu’encourage Hannah Arendt, particulièrement dans le contexte historique que l’on sait – ne croyons pas les vérités supposées du gouvernement américain sur la guerre du Viêt Nam, même si elles sont « agréables » pour le citoyen américain (les USA triompheraient supposément de l’ennemi communiste, qui plus est dans le respect du droit international…). Arendt livre plutôt au lecteur un véritable manuel de mise en garde critique. Au sujet des vérités d’ordre politique (vérités de fait), elle rappelle par exemple, dans « Du mensonge à la violence », que « pour que les faits soient assurés de trouver durablement place dans le domaine de la vie publique, il leur faut le témoignage du souvenir et la justification de témoins dignes de foi. » Ces exemples du témoignage et du souvenir, comme la « justification de témoins dignes », sont le propre de l’esprit critique arendtien et surtout de sa démarche pédagogique pour pousser son lecteur, son lecteur-citoyen, à se méfier des vérités évidentes.
(Transition) Cependant le propos arendtien vaut surtout pour les vérités d’ordre politique (de fait). Et du reste nous l’avons vu aussi, Arendt n’exclut pas qu’il y ait des vérités hors de doute. Enfin, quand Arendt évoque des témoins « dignes de foi », à qui penserait-elle supposément ? Et pourquoi ne devrait pas aussi, si l’on suit la logique de Rostand, demander à ces mêmes témoins de prouver « deux fois » leurs témoignages ? Précisément parce qu’Arendt insiste sur le rôle de l’amitié dans la société politique : la confiance dans nos proches doit être mise hors de doute.
Bâtir un équilibre social sur la confiance profonde en l’amitié et les liens familiaux
Pour éviter cette société du doute et du cynisme que nous évoquions, et qui est bien le risque de la citation de Rostand, il est nécessaire de retrouver une certaine confiance, une certaine amitié dans une société – une foi pourquoi pas inébranlable dans les amis et dans ses proches.
(Exemple) Faire aussi confiance à des amis, y compris quand ils profèrent des vérités agréables, c’est bien ce à quoi nous invite par exemple la relation entre Lorenzo et Scoronconcolo, son ami et confident. Il est en effet un personnage qui place une confiance et une fidélité absolue dans son ami, lui lançant même : « Pour toi, je remettrais le Christ en croix » (III, 1, p. 111) ». Du reste, on ne peut pas mentir bien longtemps à un ami, tant il perce la vérité (inversement donc, on pourra lui faire confiance car nous saurions quand cet ami mentirait). C’est ainsi que Scoronconcolo voit vite clair dans le projet politico-meurtrier de Lorenzo : « Tu as un ennemi, maître. Ne t’ai-je pas vu frapper du pied la terre, et maudire le jour de ta naissance ? N’ai-je pas des oreilles ? » (p. 110). »
(Exemple 2) Un autre personnage des Liaisons Dangereuses aurait dû imiter Lorenzaccio et croire ses amis : la Présidente de Tourvel. À la lettre 41, donc dans le premier temps de sa rencontre avec Valmont, Tourvel s’aveugle et refuse de croire les conseils avisés de ses amis, s’en rend compte, et en fait même part au Vicomte : « Avertie déjà, depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j’ai négligé, j’ai même combattu leur avis tant que votre conduite à mon égard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne me pas confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu à se plaindre de vous. Aujourd’hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l’ignorer, je dois au public, à mes amis, à moi-même, de suivre ce parti nécessaire ». La Présidente demande même par la suite au Vicomte de « prouver (…) que comme vous me l’avez dit tant de fois, les femmes honnêtes n’auront jamais à se plaindre de vous ; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les réparer. » Hélas, la suite est connue : Tourvel reviendra sur ces sages propos et s’éloignera, sa défense privée par les séductions du vicomte, de cette saine prudence : il ne fallait pas croire Valmont, mais il fallait croire ses amis.
N’est-il pas nécessaire enfin de tenir des vérités comme évidentes, de ne pas devoir les prouver sans cesse, à l’image de certaines vérités fondamentales d’un point de vue politique, à l’image de l’égalité de chaque être humain ?
CONCLUSION DE LA DISSERTATION EN PRÉPA SCIENTIFIQUE
(Rappel de la problématique et réponse) Nous nous étions donné cet objectif pour fil directeur : comment trouver un juste équilibre entre d’un côté, la nécessaire méfiance, le cartésianisme critique auquel nous invitait Rostand, et de l’autre, la nécessité de la confiance dans une société, la nécessité aussi de croire les évidences quand elles se présentent à nous ? C’est cet équilibre que nous avons pu trouver au fil de notre questionnement. Certes d’un côté, la méfiance et le scepticisme sont parfois nécessaires et salutaires ; mais il faut aussi laisser la place à l’amitié, à la confiance en autrui, surtout quand cet autrui est de notre cercle proche. Concilier esprit critique et confiance, en fonction des interlocuteurs et des situations, apparaît alors comme un équilibre idéal entre le doute radical et le doute minimal.
(Ouverture) Cette nécessité de ne pas avoir à discuter « par deux fois » des vérités est au fondement enfin de nos institutions modernes, comme par exemple dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, quand elle proclame : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. » Qui osera douter de ce « Considérant » ? Qui demandera à se le faire prouver « deux fois » ? Dans ces conditions, ce doute radical ne serait pas l’image d’un esprit sain – mais au contraire, un signe plutôt inquiétant sur notre humanisme…
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