Citations des œuvres sur la démocratie
L’exercice de la dissertation de français en prépa scientifique
L’exercice de dissertation en CPGE scientifique exige de connaître et de comparer de façon précise les trois œuvres mises au programme pour l’étude du thème 2020 « La démocratie » : la quatrième partie du tome II de De la démocratie en Amérique de Tocqueville, le roman Le Complot contre l’Amérique de Philip Roth et les deux pièces d’Aristophane, Les Cavaliers et L’Assemblée des femmes. Il faut avoir lus et relus les œuvres au programme pour se les être véritablement appropriées. Ces œuvres vous serviront jusqu’à l’oral de français que vous passerez une fois admissible. L’exercice demandé exige en effet de pouvoir mobiliser ces œuvres dans le cadre d’une réflexion organisée qui réponde à un sujet bien précis (sujet question ou citation) en lien avec le thème de français philo en prépa. En plus de la méthode de dissertation comparative, il est donc important de bien connaître certains passages et même d’apprendre quelques citations sur le thème de la démocratie qui pourront apparaître dans le cours du développement.
En revanche, il est nécessaire d’exploiter ces citations sur la démocratie de manière appropriée, c’est-à-dire qu’une citation ne doit pas apparaître gratuitement, mais bien servir l’argumentation ; il faut donc la développer. Cela exige en fait d’exploiter les passages retenus, c’est-à-dire de les commenter, de leur donner du relief, du sens et surtout ne pas hésiter à les comparer. Il ne faut donc pas hésiter à repérer des citations variées qui s’inscrivent dans le thème au programme cette année (la Démocratie), à les retravailler, les commenter soi-même, pour pouvoir ensuite les utiliser de manière adéquate et efficace le jour de l’épreuve. Toutes les œuvres doivent être citées au moins une fois. Vous trouverez donc ci-dessous un exemple de travail (que vous devez/pouvez faire) sur les œuvres pour en tirer des citations sur le thème de la démocratie.
Les citations sur le thème de la démocratie à connaître
Citations tirées de De la démocratie en Amérique de Tocqueville
Le gouvernement démocratique « ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.»
Problématique soulevée : la démocratie épuise et oppresse sans le faire de façon frontale, c’est un « despotisme doux ». La citation de Tocqueville est fondée sur des rythmes binaires et des tours concessifs. Le premier membre de la tournure concessive crée un horizon d’attente positif aussitôt détruit par le « mais » central qui entérine le reste. Tocqueville procède comme l’Etat démocratique dont il dénonce ouvertement les agissements : il commence par énoncer une composante valorisante qu’il contrecarre par la suite. Par ce tour un peu fallacieux et rusé, il procède comme la démocratie qui charme, hypnotise pour mieux manipuler. La double énumération qui suit crée un effet de pesanteur, déjà sous-entendu par le sémantisme des verbes dont l’action usante passe presque inaperçue ; ce sont des actions dont le citoyen ne se rend pas vraiment compte mais qui ôtent toute liberté individuelle, premier acquis à défendre en démocratie.
La démocratie est donc un état qui « empêche », qui « s’oppose » à la volonté et à la liberté individuelle et qui, sous couvert de maintenir une égalité de droit, de nature, de condition, est profondément inégalitaire, instaurant un rapport de dominant/dominé, qui prend la forme d’un rapport paternel, tutélaire, suggéré dans la citation par la métaphore du troupeau et du berger. Cette métaphore finale est puissamment suppose une vraie analyse : si le troupeau connote une massification, une perte de tout esprit critique, de tout affect et de tout esprit d’initiative (« timide »), pire encore est la perte de volonté et d’esprit d’action. La négation restrictive « ne que » atteste bien ce processus de transformation.
Les hommes deviennent des enfants, captivés par la mise en scène de l’accoutumance, par cette soumission indolore, presque machinale, par cet aveuglement qui devient presque volontaire. Ainsi l’être humain est-il poussé à l’inertie et à délaisser tout ce qui fait de lui un homme, comme si, en donnant son corps, il abdiquait une bonne fois pour toute. Nous rejoignons ici la thèse de Michel Foucault qui fait du corps un enjeu de pouvoir. Le corps est contraint dans les moindres détails, on cherche son efficacité, on exerce un contrôle permanent, pour réduire l’individu à l’état de disciple dont un maître chercherait à tirer profit, en alliant discipline, obéissance et utilité.
« La Providence n’a jamais créé le genre humain ni entièrement humain ni entièrement indépendant, ni tout à fait esclave. Elle trace, il est vrai, autour de chaque homme, un cercle fatal dont il ne peut sortir ; mais, dans ses vastes limites, l’homme est puissant et libre ».
Problématique soulevée : l’homme doit rester libre en démocratie et doit utiliser sa raison. À la toute fin de son œuvre, Tocqueville reconnaît la puissance du libre-arbitre de chacun, de la faculté de chacun à être un homme qui obéit à sa raison et à sa morale. Ainsi, Tocqueville laisse l’homme responsable de son propre comportement en démocratie : il doit mettre à distance ses passions et faire acte de raison. Si la Providence circonscrit la liberté de l’homme, elle ne l’annihile pas, bien au contraire, elle laisse l’homme libre dans ses « vastes limites », signe que c’est à l’homme d’assumer sa liberté et de ne pas la vendre au nom de l’égalité (c’est la thèse de Tocqueville). Car l’égalité détruit la différences et détruit l’indépendance de chacun des citoyens.
Citations tirées de Complot contre l’Amérique de Philip Roth
Lors du discours d’investiture de Franklin Delano Roosevelt à la radio : « Depuis près de huit ans, ce timbre de voix, plein d’assurance propre, comme la nôtre, de garder espoir au milieu des épreuves. Ce phrasé si profondément comme il faut avait quelque chose qui non seulement calmait notre anxiété mais nous situait dans l’Histoire. Lorsqu’il s’adressait à nous, dans notre séjour, en nous nommant ses « concitoyens », Franklin Delano Roosevelt manifestait une autorité qui fondait nos vies avec la sienne […] » (page 49).
Problématique soulevée : l’autorité est nécessaire et naturelle en démocratie. Ici, le narrateur Philip montre la capacité et la nécessité d’une autorité surplombante, rassurante, qui répond au besoin de sécurité en démocratie. Roosevelt est capable d’apporter cette sécurité demandée, surtout par les populations les plus marginalisées ou en danger comme c’est le cas des familles juives. De plus, cette autorité naturelle pose la question de la hiérarchie et de la nécessité d’une force, d’un élan unificateur. Même si la démocratie confine le pouvoir au peuple, il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire qu’un homme (un gouvernant, un représentant) conserve une part d’autorité pour assurer le salut de tous. Certes, il y a des dérives possibles mais le propre de la démocratie est la confiance, autrement dit cette volonté fusionnelle que l’on voit dans la citation avec « qui fondait nos vies avec la sienne ».
Lors du voyage de la famille Roth à Washington, en sortant du Lincoln Memorial : « C’était le plus beau panorama qu’il m’ait été donné de voir, un Eden patriotique, un paradis terrestre américain qui s’étendait à nos pieds, et dont, blottis les uns contre les autres, nous venions d’être chassés en famille » (page 102).
Problématique soulevée : la démocratie a besoin de symboles. Le voyage à Washington avait comme finalité de retrouver les vrais symboles de la démocratie, en allant du cimetière d’Arlington jusqu’au Lincoln Memorial, pour ainsi s’assurer de la pérennité de la démocratie en Amérique. L’expulsion ici notée est similaire à celle du Jardin d’Eden mais fait référence aussi à celle de l’hôtel. Simple prospection ? Les Roth seront en effet exclus de leur hôtel car le directeur leur dit qu’il y a eu une erreur de chambre et que leur chambre avait déjà été réservée à une autre famille et que l’hôtel est complet. Ainsi, en sortant du Lincoln Memorial, il y a une forme de nostalgie, de brève prise de conscience qu’un changement brutal va arriver, un changement qui apportera humiliations et expulsions dans cette Amérique édénique. On sait combien la démocratie est chargée de symboles, comme en témoignent la collection de timbres du petit Philip liée aux parcs nationaux, les monuments, les statuts, le rappel d’institutions inaliénables.
Citations tirées de Les Cavaliers et de L’assemblée des femmes d’Aristophane
« N’oublie pas de le mordre, de le diffamer, de lui manger la crête, et tu reviendras seulement quand tu lui auras dévoré le jabot » (Les Cavaliers, page 107).
Problématique soulevée : la démocratie a des ennemis qu’il faut éradiquer. Dans Les Cavaliers, l’ennemi c’est le Paphlagonien, qui incarne la figure du démagogue. C’est un homme cupide et avide, qui veut tout pour lui. Il est capable d’aller contre les biens publics et le tribut des alliés et aime satisfaire ses instincts prédateurs en se laissant corrompre. Ainsi, le démagogue avale tout et boit jusqu’à la lie. Si le Premier Serviteur n’hésite pas à faire valoir la violence, c’est parce que le Paphlagonien est un véritable danger pour la cité d’Athènes. Déjà auparavant, tandis que le vieux Démos reste bouchée bée, le Paphlagonien traite « les employés du trésor, comme des choux ; et il n’en garde que le cœur. Il puise en même temps à deux mains dans les caisses de l’Etat » (page 118). Il ne laisse donc pour le peuple qu’une très petite partie de ce qui lui appartiendrait. Le démagogue est donc un homme avide, prêt à tout pour dévorer les biens publics ; des métaphores fréquentes évoquent les politiciens corrompus. Aristophane utilise des images animales ou monstrueuses.
Ainsi, il utilise la mouette, animal très vorace qui plane et rôde en même temps, c’est pourquoi elle est associée aux gros mangeurs. Le Paphlagonien/Cléon était « Un goéland, bec ouvert, haranguant la foule sur un rocher » (page 123). A la page 96, le Coryphée le qualifie de « Charybde de la rapine », en faisant référence à Charybde, une des « Roches Planctes » de L’Odyssée, qui avalait quantité d’eau, navires et poissons et qui les vomissait trois fois par jour. Aristophane ne mâche pas ses mots contre Cléon : il lui reproche sa laideur, dans un monde où l’aspect extérieur est censé correspondre à l’intériorité ; l’interprétation de la prophétie fait de Cléon un « aigle-aux-peaux », aux « mains crochues, faites pour le vol, le rapt » (pages 94-95).
« Personne ne fera plus rien par pauvreté ; tous auront tout : pain, salaisons, gâteaux, manteaux, vins, couronnes, pois chiches. Aussi, que gagnera-t-on à ne pas mettre tout en commun ? » (L’Assemblée des femmes, page 331)
Problématique soulevée : la démocratie suppose un « communisme » des biens. Dans L’Assemblée des femmes, Praxagora est soucieuse que chacun soit heureux et s’épanouisse dans sa nouvelle cité. D’ailleurs, elle compte bien réajuster la méthode du tirage au sort : « je tirerai au sort, jusqu’à ce que chacun s’en aille content, sachant à quel service il sera inscrit pour le dîner » (page 336). Rien n’est plus important que le bonheur de tous, le tirage au sort est même subordonné à cette volonté de contenter le citoyen. Mais plus encore, Praxagora pousse le raisonnement et les réformes encore plus loin en établissant l’égalité de fortune. Plus de riches, plus de pauvres, la nouvelle « générale » offre le salut à tous, et ce salut passe par le contentement et la satiété. Le Chœur des femmes, béat devant Praxagora, reconnaît ses efforts avec admiration, quand il dit : « C’est au bien commun que concourt ton esprit inventif, qui doit réjouir le peuple-citoyen en le comblant de mille avantages de la vie […] notre Cité a besoin de qq combinaison ingénieuse. » (page 329). Ainsi, l’égalité garantit le bonheur de tous les citoyens, c’est une condition à l’épanouissement personnel et au développement des qualités citoyennes (vertu, réflexion, volonté de s’engager, mise en doute des fausses opinions). Il faut que le peuple soit heureux pour qu’il accomplît son devoir de citoyen.
Romain Berry
A propos de Romain
Romain Berry est enseignant de français agrégé de Lettres Modernes. Il donne cours au lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne (42), en prépa CPGE littéraire (Khâgne, option Lettres Modernes) et prepa scientifique (PCSI et MP*).
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Il y a un trou sur le commentaire de la troisième citation : la dernière phrase n’est pas finie :/
Merci Adrien, tu as raison. Je vais voir avec l’auteur s’il peut la compléter.