Dissertation : L’universalité de la souffrance en question.
« Mais la nature aurait beau faire, et même le bonheur : quel que soit un homme, quel que soit son bien, la souffrance est pour tous l’essence de la vie, nul n’y échappe. »
À l’appui des œuvres au programme de français en prépa scientifiques, vous discuterez cette assertion d’Arthur Schopenhauer dans Le Monde comme volonté et représentation.
Intro de la dissertation : l’universalité de la souffrance en question
[Accroche] « Schopenhauer dit “la volonté”, mais rien n’est plus caractéristique de sa philosophie que l’absence totale du vouloir » écrit Nietzsche dans la Volonté de puissance. Si Nietzsche a été en grande partie stimulé et inspiré par la pensée de Schopenhauer, sa pensée a cependant pris des tours radicalement éloignés. Nietzsche reproche en particulier à Schopenhauer sa conception radicalement pessimiste de la vie, un certain défaitisme du bonheur, qui correspond si peu à l’éloge de la « volonté de puissance » faite par Nietzsche – qui dit « oui » au monde.
[Définition du sujet] C’est cette conception de la vie de Schopenhauer qui se perçoit, en particulier, dans cet extrait du Monde comme volonté et représentation (absence de volonté, aurait pu dire Nietzsche…). En effet, dans cet extrait, Schopenhauer décrit ce qui est pour lui « l’essence de la vie », c’est-à-dire ce qui en constitue le caractère substantiel et définitionnel : l’universalité de la souffrance.
Cette universalité de la souffrance (physique et surtout morale pour Schopenhauer) est telle que rien ne peut s’y opposer. Ainsi, Schopenhauer relève les quatre conditions dans lesquelles cet état de souffrance se fait encore vif. La « nature » n’y peut d’abord rien : comprenons ici « nature » comme un synonyme de « nature humaine », et par extension comme l’ensemble des créations de l’ordre divin. Plus étonnante, est l’assertion suivante de Schopenhauer, selon laquelle même le « bonheur » (état de contentement général et durable selon la définition d’Aristote) ne peut pas même contrebalancer cette vocation à la souffrance. Le paradoxe est donc le suivant : on peut être heureux et malgré tout souffrir ; et même ce contentement durable ne peut effacer cette cohabitation intrinsèque et inévitable entre le bonheur et la souffrance. La troisième non-exception à cet état de souffrance est résumée par l’expression « quel que soit un homme » : il s’agit ici, pour Schopenhauer, d’englober l’humanité dans son ensemble (y compris les femmes et les enfants), la condition humaine dans toute sa diversité. Le quatrième point vient en quelque sorte répéter le précédent : « quel que soit son bien ». Il s’agit ici de souligner que même l’homme le plus riche du monde (« bien » fait référence aux biens matériels) ne peut échapper à sa condition.
[Problématique] Certes, les trois œuvres au programme de Maths Sup et Spé recèlent d’exemples de malheurs subis ou décrits, et pourraient corroborer la vision pessimiste de Schopenhauer. Mais il s’agit ici de questionner la prétention à l’universalité de cette assertion : la souffrance est-elle inévitable, partout, tout le temps, pour tous ? Nous nous demanderons ainsi, s’il est possible (et si oui, dans quelles conditions) pour l’humanité d’échapper à la souffrance – ou si au contraire, cette dernière constitue l’horizon indépassable de l’essence de la vie.
[Annonce du plan] Nous verrons, dans un premier temps, que la souffrance peut bien apparaître comme l’essence de la vie, le lot de l’humanité, pour une vaste diversité de protagonistes. Cependant, l’universalité de l’assertion de Schopenhauer doit être questionnée, car la souffrance n’est pas le lot de tous les hommes – il est possible d’y échapper, de la relativiser ou de la contenir. En définitive, l’essence de la vie humaine ne doit pas être recherchée dans cette oscillation entre souffrance et absence de souffrance ; mais dans la capacité philosophique et morale de l’homme à substituer, au défaitisme de l’acceptation de la souffrance, l’optimisme de la volonté.
Première partie : Dissertation L’universalité de la souffrance
[I] La souffrance peut certes apparaître comme le lot de l’humanité, et ce dans une vaste diversité de situations telle que décrite par Schopenhauer dans son assertion.
[I-1 Argument] La souffrance peut tout d’abord rythmer la vie des femmes et des hommes, au point d’envahir l’esprit, de devenir comme omniprésente, en particulier à la suite de drames et de catastrophes. La vie est faite en effet de deuils, de disparitions, d’événements imprévus qui perturbent le quotidien au point de le noircir, pour aboutir à des situations typiques de la dépression ou du spleen baudelairien, telles que décrites par Schopenhauer.
[Exemple] Les œuvres au programme du thème de français sur la Force de vivre en prépa scientifique recèlent de ce genre de situations, mais aucune n’est sans doute plus marquante que le deuil de Victor Hugo après la perte de Léopoldine, tel qu’évoquée dans Les Contemplations, et plus particulièrement dans son Livre IV, le livre du deuil (Pauca meae). C’est dans ce livre que le registre pathétique (celui, étymologiquement, de la souffrance, « pathos » voulant dire souffrance en grec) se fait le plus vif chez le poète. Ainsi dans le poème « IV. » du Livre IV, passage dans lequel Victor Hugo revient en deux vers sur sa tristesse infinie : « Oh ! je fus comme fou dans le premier moment, / Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement. » Ainsi la souffrance peut bien rythmer, de sa morne scansion, le quotidien humain. Mais est-ce le cas du quotidien de tous ?
[I-2 Argument] Cette souffrance peut-elle ainsi concerner, ainsi que le décrit Schopenhauer, une vaste diversité de situations (« quel que soit un homme » et « quel que soit son bien ») ? Il existe en effet un dicton populaire, selon lequel « l’argent ne fait pas le bonheur » et qui rejoindrait l’assertion de Schopenhauer selon laquelle la souffrance est universelle, au sens fort – sans aucune exception.
[Exemple] Cette universalité de la souffrance pourrait être corroborée à la lecture de La Supplication de Svetlana Alexievitch, tant le malheur, dans la zone de Tchernobyl, concerne les populations dans leur diversité notamment sociologique. En effet, les radiations du réacteur ne font pas de distinction entre le riche (quels que soient leurs « biens » donc) et le pauvre, la femme et l’homme. Même les enfants, qui pourtant semblent être la catégorie sociale la plus propice au bonheur, par leur innocence de vivre, sont le plus sujet à la souffrance. La Supplication recèle ainsi de pages décrivant les malformations à la naissance des enfants, de souffrance des innocents. Ainsi, cette citation de La Supplication, parole d’un enfant dans le passage consacré justement au « chœur des enfants » (de 9 à 16 ans) : « J’étais à l’hôpital. J’avais tellement mal… Je demandais à maman : “Maman, je ne peux plus le supporter. Tue-moi plutôt !” ». Ces exemples peuvent logiquement mener, par déduction, à une conception pessimiste de la vie.
[I-3] Dès lors peut-on aboutir à une première et provisoire définition de « l’essence de la vie », rejoignant pour le moment celle de Schopenhauer : l’essence de la vie serait ainsi particulièrement portée à la souffrance, dans la plus vaste diversité de situations que ce soit.
[Exemple] Cette philosophie de vie est celle – et comment pourrait-il en être autrement dans la zone de Tchernobyl – de plusieurs témoins dont Svetlana Alexievitch a recueilli les témoignages dans La Supplication. « Nous n’avons rien, à part la souffrance » confie ainsi (dans « Monologue pour un soldat muet »), Lilia Mikhaïlovna Kouzmenkova, metteuse en scène, enseignante au conservatoire théâtral de Moguilev. La souffrance serait en somme ce qui reste quand on n’a plus rien, elle serait la destination logique et inévitable de tous ces habitants assommés par la violence de la catastrophe nucléaire.
[Transition] Mais si la souffrance peut bien apparaître comme l’essence de la vie dans une vaste diversité de situations, ainsi que le relate Schopenhauer, est-elle pour autant le lot universel de l’humanité ? N’y a-t-il vraiment aucune exception ? C’est cette prétention à l’universalité qu’il s’agit maintenant de questionner.
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Ulysse Grasset
Ancien élève de prépa Khâgne A/L à Louis Le grand, diplômé de l’ENS Ulm et d’HEC, je contribue au blog de Groupe Réussite et je donne des cours particuliers aux élèves de prépa.
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Ainsi, Schopenhauer, par les quatre non-exceptions à l’état de souffrance que nous venons d’examiner, postule bien l’universalité de la souffrance comme consubstantielle à la vie. Cette universalité se perçoit par l’emploi de plusieurs adjectifs ou pronoms indéfinis, englobant toute l’humanité et que Schopenhauer souligne à plusieurs reprises : « pour tous », « nul », quel que soit ». 100 % des hommes, en somme, seraient concernés. La vie y est d’ailleurs décrite comme une sorte de prison, ce qui explique l’usage du verbe « échappe ».