Leibniz l’optimiste ? Vers une brève introduction de La Monadologie
Il peut paraître intéressant d’étudier Leibniz pour des raisons instrumentales : pour son actualité d’abord puisqu’en 2016, l’on fêtait les 300 ans de sa mort ; pour sa pensée ensuite qui permet souvent d’enrichir le questionnement de bien des sujets de dissertation de philo au bac pour les élèves de lycée ou de culture générale en prépa HEC. Mais plus encore, le monde de Leibniz est d’une richesse inouïe, concentré dans l’écrin de La Monadologie qui commence par interroger la plus petite substance infiniment simple pour finir par penser l’action du plus grand architecte de notre univers.
Pour vous préparer au mieux au bac de philosophie, entrainez-vous régulièrement sur les annales du bac de philosophie, vous pouvez aussi compléter vos révisions avec des cours particuliers de philosophie qui vous permettront de revoir précisément les éléments le plus difficiles.
Du personnage de Pangloss aux monades de la philosophie de Leibniz
« Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles. « Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin ». Ainsi est d’abord décrit Pangloss, dans Candide de Voltaire, souvent compris comme la parodie de Leibniz. Le philosophe allemand y est donc présenté comme un grand optimiste, croyant vivre dans un monde où tout va pour le mieux. Mais Leibniz mérite-t-il cette réputation d’optimiste ?
Pour répondre à cela, il nous faut faire un détour au sein de l’argumentation de Leibniz. Le premier moment de La Monadologie consiste à affirmer que le réel est composé. En effet, quand je prends en main un stylo, je peux le décomposer en une multitude de parties (un capuchon, une mine, une cartouche etc.). Ainsi, puisque le réel est composé, il doit exister dans notre monde une unité absolument simple car, par définition, un composé admet toujours un composant. Le réel est donc composé d’unités simples et inétendues. Pourquoi inétendues ? S’il y a du composé, il y a du simple. Mais s’il y a du simple, ce simple ne peut être spatial puisque l’espace, comme le temps, est divisible à l’infini (§3). Il faut donc poser que la réalité est constituée d’éléments simples et inétendus (c’est-à-dire non divisible), et ce sont ces éléments qui seront appelés monades.
Il faut également rajouter que les monades ne peuvent être modifiées de l’extérieur : « Les monades n’ont point de fenêtres par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir » (§7). En effet, on ne peut concevoir que la monade soit altérée de l’extérieur car si c’était le cas, la monade serait composée. Or la monade est simple. Elle ne peut donc se transformer que qualitativement, et non quantitativement.
Le changement dans une monade ne s’explique pas par un élément extérieur, car les monades possèdent en leur sein leur principe de développement. Il est donc possible de rechercher la raison d’être de chaque chose à l’intérieur même du programme des monades. Mais si je suis à la recherche d’une causalité, je peux toujours trouver un autre élément venant expliquer une action. Par exemple, je prends mon stylo car je veux écrire, mais je veux écrire car j’ai quelque chose à dire, et j’ai quelque chose à dire car… La recherche d’une cause première est donc sans fin. Ainsi, la véritable raison suffisante d’une série causale doit être recherchée hors de la monade, plus précisément dans une substance. Pourquoi une substance ? Si nous cherchions la cause dans un accident, nous n’obtiendrions pas une raison suffisante, puisque l’accident a besoin d’une substance pour exister. C’est cette substance nécessaire située hors de la série des événements du monde que nous appelons Dieu. Mais comment s’assurer de l’existence de Dieu ? Ainsi vient, au §45, la reprise de l’argument ontologique visant à démontrer l’existence de Dieu. « Dieu seul (ou l’être nécessaire) a ce privilège qu’il faut qu’il existe s’il est possible ». En effet, un être nécessaire, parfait, s’il a une tendance à exister devra nécessairement exister (sinon il ne serait pas parfait). Leibniz montrera que le concept de Dieu est possible et que Dieu existe.
Tout va bien dans les meilleures des monades
Mais revenons à notre question initiale : comment Dieu agence-t-il le monde des monades ? Il choisit l’ensemble des mondes possibles, i.e. les mondes non contradictoires d’un point de vue purement logique. Le Dieu de Leibniz, contrairement au Dieu de Descartes qui crée le monde par sa volonté infinie, n’aurait pu faire en sorte que 2 + 2 = 5. Dieu choisit également parmi les possibles l’ensemble des monades qui peuvent « cohabiter » ensemble, et c’est ce que Leibniz nommera des « compossibles ». Pour qu’une monade survienne, il faut donc à la fois qu’elle soit logiquement possible mais également compossible. Le choix divin est donc un choix des meilleures monades possibles compossibles. En ce sens, le passage à l’existence des monades encore en puissance repose sur une nécessité morale. Dieu choisit nécessairement parmi les possibles compossibles le meilleur des mondes, car sinon il ne serait ni bon ni parfait.
Pour Leibniz, « voir le mal, c’est donc mal voir ». Celui qui relève les malheurs du monde, aussi scandaleux et terribles soient-ils, comme le tremblement de terre de Lisbonne ou la Shoah, oublie que ces faits ne représentent qu’une petite partie de la création, et que cette création est en réalité le meilleur des agencements possibles. Tel le spectateur regardant de près Les Noces de Cana et oubliant de contempler l’œuvre dans son ensemble, le citoyen s’insurgeant des malheurs du monde oublie d’observer l’ensemble de la création pour réaliser que Dieu, nécessairement, a choisi le meilleur des mondes possibles.
Cette thèse suffit-elle à faire de Leibniz un optimiste ? Bien au contraire, si Voltaire a l’humour pour lui, nous proposons ici de nuancer cette idée. En effet, si Dieu a choisi le meilleur des mondes possibles, rien n’affirme que ce monde soit le meilleur « en soi ». Il peut être également le « moins pire ». Outre l’optimiste béat de Pangloss, se dégage donc de la philosophie de Leibniz une froide tristesse. Le monde qui est devant nous, avec ses massacres, ses injustices et ses crimes, est le meilleur des mondes que Dieu a pu nous donner, soit en réalité le seul monde possible.
Aller plus loin, et assurez-vous une bonne moyenne en philosophie en terminale avec nos autres cours et dissertations :
- initiation à philosophie en terminale
- cours sur le passé en philosophie au lycée
- cours sur la liberté en philosophie au lycée
- dissertation sur l’éducation, la transmission et l’émancipation en terminale (au programme de spé HLP)
- dissertation sur la légalité et la légitimité (au programme de spé HLP)
- dissertation sur l’humain et ses limites (au programme de spé HLP)
- dissertation sur l’histoire et la violence (au programme de spé HLP)
- gagner des points en philosophie en terminale
- la morale en philosophie en terminale
- méthodologie de la dissertation de philosophie en terminale
Jérémy Fouliard
À propos de Jérémy
Normalien et élève de l’École Polytechnique, Jérémy FOULIARD est spécialisé dans l’étude des sciences sociales, plus particulièrement de la macroéconomie internationale et de l’épistémologie des sciences humaines. Il donne cours pour Groupe réussite et est l’auteur de L’exclusion sociale (2017, Bréal à paraître) et est colleur en classes préparatoires ECG. Auparavant assistant de recherche à l’Université de Berkeley (Californie), il est actuellement chercheur associé à la London Business School.