Pourquoi les maths font-elles peur aux français ?
Les mathématiques sont dès le plus jeune âge un moyen de sélection indéniable en France. La trajectoire filière S, bac S puis classe préparatoire scientifique (maths sup, maths spé) est considérée par beaucoup comme la voie royale de l’excellence en France. Là encore, les maths sont la matière phare sur laquelle la sélection est réalisée.
Toutefois, on constate qu’elles sont souvent source de difficultés pour les élèves français. Ainsi, on ne compte plus les études internationales qui placent la France en retard. Dernières en date, les enquêtes TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) et PISA (Program for International Student Assessment) ont donné leurs résultats en décembre dernier. Sans revenir ici sur la méthode utilisée par chaque enquête, elles donnent tout de même une tendance : les élèves français sont moins performants que la majorité des pays de l’OCDE. Nous tentons ici d’apporter quelques éléments d’explication, non sur ces résultats, mais sur les causes plus profondes.
Les maths en France : une histoire complexe
Dans les pays d’Asie, qui dominent les classements internationaux depuis de nombreuses années, on aime les maths ; en France, le sentiment est nettement moins positif. Que de fois peut-on entendre : « Je déteste les maths », « Les maths ? Ça ne sert à rien ! » ou encore « Il faut faire des maths pour avancer, faire S et avoir un bon diplôme » ? Cette méfiance de principe remonte en réalité à l’histoire du développement des sciences en Occident.
En effet, on sait que pendant longtemps, les cours de maths étaient couplées à des enseignements qui apparaissent aujourd’hui plus discutables. Par exemple, les astrologues s’appelaient des mathematici en latin, ou mathématiciens. Ils tentaient d’expliquer les mouvements des étoiles via des approches scientifiques et jonglaient entre sciences occultes et ce qu’on appelle aujourd’hui sciences tout court. En cherchant à théoriser des croyances ou des phénomènes, les mathématiciens ont créé des objets abstraits de moins en moins proches de la nature.
De plus, cette relation avec le ciel a véhiculé l’image du mathématicien dans sa bulle, occupé uniquement à observer et à créer des problèmes à résoudre, et donc à complexifier le réel. Cette image persiste dans notre conscience collective : la figure du mathématicien surdoué, voire fou, reste ancrée chez de nombreuses personnes. À la fois isolé du monde et cherchant la complexité, le mathématicien est donc souvent moqué par ses contemporains.
Un outil au service d’un système éducatif très sélectif
C’est à partir de la Révolution Française que les mathématiques vont trouver leur véritable importance dans la société. En effet, c’est à cette période qu’elles sont introduites dans les programmes ; à l’époque, il s’agissait surtout de préparer les concours d’entrée dans les grandes écoles militaires, comme l’École Polytechnique, fondée en 1794. La visée est principalement d’ordre politique : les maths sont vues comme une discipline purement scientifique et reposant sur la logique, donc parfaitement égalitaires, contrairement aux humanités dont le développement était souvent lié à la naissance.
Bien entendu, cela a été amplifié par la création des classes préparatoires au début du XIXème siècle. Après la fondation de la « classe de mathématiques transcendantes » en 1802 par Napoléon Bonaparte dans quelques lycées, c’est en 1852 qu’est créée officiellement la première classe de mathématiques spéciales en entrée de cycle supérieur. Aujourd’hui appelées classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), ces classes ont été divisées entre plusieurs filières de maths sup (MPSI, PCSI, PTSI) et de maths spé (MP, PC, PT) mais gardent toutes une coloration mathématique très forte. C’est ainsi qu’a débuté la grande tradition de l’excellence mathématique en France, qui est reconnue pour avoir des chercheurs très pointus.
Petit à petit, cette matière est devenue le critère quasi-unique de sélection dans d’autres cursus. Plusieurs métiers dits de vocation comme médecin, pilote d’avion ou architecte ont commencé à intégrer les mathématiques comme matière discriminante dans leurs premières années de parcours.
Cet outil a été renforcé à partir des années 1960 avec l’avènement des mathématiques modernes. Cette refondation de l’enseignement des mathématiques a donné plus d’importance aux objets abstraits, aux dépens de la géométrie, de l’arithmétique et de la trigonométrie. L’objectif était double : d’une part, il s’agissait de se rapprocher des principes de la recherche mathématique alors en vogue, notamment l’école Bourbaki et de la série d’ouvrages Éléments de mathématique, qui visait à unifier les différentes branches des maths. D’autre part, le renforcement de l’importance des objets abstraits visait à mettre les élèves de toutes les classes sociales sur un pied d’égalité : tous devraient ainsi entrer dans le même moule, nouveau et a priori loin de ce qu’ils ont connu jusque-là.
Dans les faits, c’est l’exact opposé qui s’est produit : cette abstraction a été la source d’une incompréhension grandissante de la part des élèves. Plus déconnectées de la réalité que jamais, les maths se sont éloignées encore davantage de leur raison d’être, car elles sont devenues pour beaucoup un « langage codé ». De même, leurs professeurs ont éprouvé davantage de difficulté à contextualiser et appliquer les enseignements à transmettre car l’accent était mis sur les objets.
La création des classes préparatoires économiques et commerciales, dites prépa HEC (ECS ou ECE), qui n’a été effective qu’à partir des années 1970, n’a fait que renforcer davantage le poids des mathématiques, qui restent fondamentales pour ces cursus visant à former des managers. Tous ces facteurs ont concouru à faire des mathématiques une matière à part : cette discipline fait peur car elle sélectionne, car elle élimine. Bien entendu, il existe et il existera toujours des amoureux des maths, et heureusement. Malgré tout, il semble intéressant que cet amour ne soit pas réservé à une infime partie de la population.
Comment redonner le goût des mathématiques ?
Cette question obsède principalement les parents et les professeurs. Les premiers se tournent souvent vers des organismes de cours particuliers de maths et de stages intensifs pour compléter les enseignements en classe, que ce soit en lycée ou en prépa. Ils recherchent à faire travailler leur enfant en plus petit groupe, avec un accompagnement plus rapproché qu’en cours ; ainsi, les conditions sont réunies pour permettre à l’enfant de progresser. Les seconds tentent de reconnecter les mathématiques à la vie quotidienne pour intéresser leurs élèves : qu’est-ce qu’une fraction sinon une façon de partager des billes de manière égale ? Qu’est-ce qu’un coefficient directeur sinon la difficulté de monter une pente à vélo ?
En réalité, l’immense majorité des concepts mathématiques existent dans nos esprits, il suffit d’aller les chercher en premier pour éveiller l’intérêt et la curiosité. Au lieu de définir des objets abstraits et de tenter de les utiliser pour calculer l’âge du capitaine, pourquoi ne pas partir d’une partie d’échec réelle pour calculer les probabilités ? Les nouvelles formes pédagogiques comme la classe inversée et les enseignements pluridisciplinaires peuvent être de bons outils pour tenter d’inverser la tendance. Toutefois, c’est un travail au long terme qu’il faut mener pour agir sur cette peur.
À vous de jouer maintenant ! Saurez-vous retrouver le numéro de la place de parking où est garée la voiture ci-dessous ?
Rémy Dahi
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