Choisir des spésialités économiques, uniquement par dépit ?
#jechoisismafiliere – Episode 2
Cet article n’est plus d’actualité suite à la réforme du nouveau bac 2021, qui a mis fin aux filières S, ES et L. Pour plus d’informations sur ce nouveau bac, rendez-vous sur notre article mettant en avant les arguments pour et contre du nouveau bac.
Dès la fin du deuxième trimestre, les Secondes devront formuler des vœux d’orientation pour la Première, qui seront présentés au Conseil de Classe. Tu es en Seconde et tu t’interroges sur ta filière l’année prochaine ? Groupe Réussite te propose une nouvelle série d’articles #jechoisismafiliere pour t’aider à t’informer et à faire tes choix d’orientation en 2nde. Après un comparatif des filières S, ES et L, Jonathan nous livre, dans ce deuxième épisode, une analyse sans concession ni langue de bois sur la filière ES.
Lorsque j’ai voulu traiter du sujet de l’orientation en 2nde, cette video a attiré mon attention, extraite d’un journal télévisé diffusé sur France24 en anglais. Elle donne une idée de ce que pensent les anglo-saxons du bac et des différentes filières générales du lycée en France. La journaliste déclare qu’il y a une hiérarchie officieuse entre les filières des séries générales, bien loin du politiquement correct :
- « S est vue comme la plus prestigieuse »
- « ES est aussi assez dure mais pas pour les premiers de la classe »
- « L est parfois décrite comme la filière des fainéants »
Elle ajoute en souriant que les français sont fiers d’avoir un examen difficile en fin de cycle secondaire, le plus difficile du monde à ce niveau. Ce décryptage, même caricatural, est instructif car il comporte toujours une certaine part de vérité, c’est une lecture culturelle avec ses propres filtres. Cet élitisme du système scolaire français et donc du système professionnel qui en découle tranche avec la vision d’un système scolaire en faillite parfois véhiculée dans notre pays : un bac ultra simple et une constante augmentation de nombre de bacheliers, qui favoriseraient un échec à l’entrée dans supérieur et beaucoup de réorientations en bac+1…
Voilà, le décor est planté, mais cette hiérarchie est-elle une réponse acceptable pour un élève de seconde qui se pose des questions sur son avenir et son orientation ? Choisir son orientation, n’est-ce pas trouver le savant mélange entre le goût pour un domaine et les débouchés qu’il offre? Être épanoui tout en se mettant à l’abri des accidents de la vie comme le chômage ?
A privilégier trop l’un à la faveur de l’autre, de nombreux problèmes se poseront tôt ou tard dans notre vie ou notre carrière. Pour cela il faut faire les bons choix, tôt. Car malheureusement en France, la seconde chance se paie cher (à coût d’écoles de commerce post-bac plus ou moins bonnes ou de MBA qui n’en sont plus vraiment), même si certaines passerelles se développent et les profils complets (ingénieur-manager) sont de plus en plus prisés.
Dans la suite, je veux parler d’un exemple précis tiré de mon expérience qui cristallise l’hypocrisie d’un système qui tente de s’ouvrir aux nouveaux défis de notre monde.
Les clichés sur la filière ES ont la vie dure
Ce choix d’orientation en 2nde et donc cette trajectoire, un peu hybride, a du mal à trouver sa place dans mon esprit. Dans ma tête, je ne savais pas sincèrement quel élève choisissait volontairement et par désir (et non par élimination) la filière ES telle qu’on me (se) la représentait.
Je me souviens de ce qui se disait à mon époque au lycée général sur chaque filière :
- Bac S pour les bons en maths et les meilleurs élèves (« tu peux tout faire avec un bac S »)
- Bac L pour ceux qui sont bons en français, majoritairement des filles, et des profils « alternatifs/artistes» qui iront à la fac étudier la philo, la psychologie ou la sociologie…
- Bac ES pour ceux qui sont moyens partout, pour les recalés de la série S, ou dont les parents font le forcing pour ne pas aller en STMG
Pour continuer dans ce sens, ces avis sur la filière ES se poursuivent dans le supérieur. L’appellation « épiciers », qui désigne les élèves en cours en prepa HEC au lycée Louis-Le-Grand à Paris 5ème arrondissement, témoigne de l’image des filières économiques dans l’aristocratie française de l’éducation. Le tableau assez cru dépeint ici pourrait en énerver certains (je m’en excuse d’avance), et il est d’ailleurs faux de généraliser ce qu’on a entendu à tout un système. Il reste que ces idées ont la vie dure et se reflètent peut-être encore dans le monde professionnel (lors des recrutements par exemple), en lisant des CV ou des lettres de motivation sur Parcoursup. Ne parle-t-on pas sans cesse des débouchés qui vont aussi dans le sens croissant (L, ES et S) ?
Près de la moitié des bacheliers des filières générales viennent de S et finalement seule cette section permet de toucher à toutes les matières (sauf à de l’économie pure a priori). Et pourtant, moins de la moitié des bacheliers S ont la volonté de continuer dans des études scientifiques par la suite, privilégiant le droit, les prépas HEC, Sciences Po ou même les prépas littéraires.
Pour ma part, en seconde je souhaitais faire une Première S. Non seulement parce que j’étais influencé par les avis sur la filière ES, mais aussi au regard de mon goût personnel pour les sciences. Au terme de ma première année de lycée, on m’avait alors proposé une première ES ou le redoublement. J’ai décidé de redoubler pour finalement obtenir mon bac S avec 17 en maths, aller en prépa, puis en école d’ingénieur. Certainement pas le même cursus qu’en ayant suivi la voie ES que l’on m’offrait par défaut.
La filière ES, quelle place dans le système scolaire français?
Beaucoup s’interrogent sur le rôle du bac dans le rôle de l’école dans la société aujourd’hui, à savoir s’il n’est pas devenu le « brevet » du lycée, la simple validation du secondaire, une formalité. Cet examen national est pourtant présenté comme le tampon d’entrée dans le supérieur puisque l’objectif affiché par le gouvernement est d’amener 60% d’une classe d’âge dans l’enseignement supérieur…
Napoléon fonda le bac en 1808, avec quelques milliers de lauréats seulement à l’époque. Peu d’élèves poussaient leurs études, l’enseignement supérieur n’accueillait qu’une poignée d’élus. De nombreuses réformes successives en lien avec l’évolution des besoins de notre société ont modelé les différentes filières, à mesure que les bacheliers devenaient de plus en plus nombreux. En 1966, un bac général éco apparaît (série B : sciences économiques et sociales) et remet au goût du jour au lycée des matières en lien avec l’économie. Réintroduisant une vision humaniste des sciences, favorisant le débat en classe, la remise en question, les discussions sur des sujets d’actualité afin de comprendre le monde économique qui nous entoure. Non sans fracas, une cohorte de philosophes s’opposa au maintien de cette filière, la considérant comme peu pertinente dans l’éducation de notre jeunesse lycéenne, traitant de sujets dont les réponses ne font pas consensus.
Aujourd’hui encore, les avis sur la filière ES divergent et sont une source de débats au niveau des programmes de terminale : comme le montrait un article du Monde du mois dernier, plusieurs acteurs entretiennent des relations parfois antagonistes : d’une part, les professeurs de SES au lycée se battant pour affirmer leur matière ; de l’autre des représentants de l’économie que ce sont le patronat ; enfin le gouvernement qui décide de réduire le nombre de thèmes étudiés dans l’année pour réussir à tous les traiter. Le but ici n’est pas de polémiquer sur ce projet de réforme et les positions prises par chaque acteur. De mon point de vue, ce bras de fer illustre une nouvelle fois que cette filière est coincée entre les littéraires et les scientifiques. Comment conseiller aux élèves d’aller en filière ES aujourd’hui dans ces conditions ?
La multiplicité des séries au lycée et des cursus dans le supérieur introduisent les premières problématiques en lien avec l’orientation, la sélection et l’inflation des diplômes. Le bac devient un aiguillage en fonction du niveau et des diplômes visés. La filière ES n’y échappe pas.
Est-ce que la filière ES est faite pour vous ?
De manière concrète, les élèves de seconde qui sont intéressés par la filière ES doivent être conscients qu’ils se ferment les portes des études scientifiques pures (ce qui touche aux Maths, à la Physique, Chimie, SVT…). Cela couvre les écoles d’ingénieur, les études de médecine PASS et LAS, l’enseignement des maths ou de physique-chimie… qui restent la chasse gardée de la série scientifique. Pour le reste, c’est vrai, la filière ES vous offre un vaste choix comme débouchés, c’est une filière équilibrée. Après ces 2 ans (première ES et Terminale ES), les élèves ont l’embarras du choix : une partie des élèves iront en école de commerce, éventuellement en passant par la case prépa (prépa HEC ou prépas littéraires), d’autres à la fac (droit, histoire, géographie, lettres, éco…), enfin beaucoup choisiront BTS ou IUT, pour des formations courtes en management et commerce.
Comment réussir dans la filière ES ?
Pour faire un bon parcours en filière ES, il faudra disposer de plusieurs qualités :
- être bon en langues vivantes et en français
- avoir des facilités sur la méthodologie de dissertation, car ce type d’exercice (que les séries S peuvent plus ou moins éviter) sera à la base des exercices du bac en histoire-géo, philo, SES, français…
- aimer lire et se documenter sur l’actualité, disposer d’une bonne culture générale, ce dont peuvent se priver les élèves de série S, à court terme en tout cas dans une logique purement utilitariste
- être bon en maths pour être accepté dans certaines filières sélectives post bac (mais pas toutes), cependant le niveau en maths en section ES a dramatiquement chuté et être mauvais en maths ne vous empêchera pas d’avoir votre bac ES avec mention (malheureusement)
Conclusion : quand choisir ES lorsque l’on peut faire S et ES ?
En conclusion, il me semble que la tendance à aller en scientifique par défaut si on le peut, et à aller en ES si on n’est pas accepté en cours en 1ere, va encore se poursuivre. En effet, une majorité d’élèves de terminale ne sait pas quelle voie privilégier dans le supérieur, avec notamment la peur de regretter un choix qui ferme effectivement quelques portes. Ainsi, je sais que la filière S m’a personnellement fait gagner du temps.
Selon moi, il existe malgré tout deux cas qui peuvent conduire à choisir ES :
- Tu as dès la seconde un projet clair de suivre des études très liées à l’économie ou d’aller en prépa HEC voie économique (ECE) pour intégrer une école de commerce, il te faudra bien suivre l’actualité économique et politique et ne pas relâcher les efforts en maths
- Tu aimes l’économie et tu n’en peux plus de la physique-chimie et de la SVT, alors fonce, choisis la filière ES!
De la même façon que la filière littéraire est en train de se transformer vers une excellence dans les langues étrangères et globalement les dynamiques culturelles dans le monde, je pense que la filière ES va trouver sa place, car les évolutions du monde sont de plus en plus rapides et inattendues. Nous avons donc en France un fort intérêt à former des citoyens capables d’innover sur les modèles non seulement économiques, mais de société.
Au prochain épisode, nous proposerons quelques conseils aux parents et élèves pour déterminer l’orientation en 2nde de façon concertée.*
Jonathan Molon
A propos de Jonathan
Après avoir fréquenté une prépa scientifique PCSI/PC*, je m’occupe d’assurer le bon déroulement des cours particuliers et des stages intensifs chez Groupe Réussite. L’école est la base de toute la société, redonnons lui sa place !
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